Guillo, Soulage (© Céline Hamelin)

Guillo, Sou­lage (© Céline Hamelin)

Avril 2016 – Guillo, album Soulage

avec Cinq Secondes, label indé, le sou­tien de la Sacem, IB prod et l’aide du public, la réa­li­sa­tion de David Mignon­neau avec la par­ti­ci­pa­tion aux arran­ge­ments de Benoit Cra­bos (Le trot­toir d’en face), le mana­ge­ment d’Audrey Mar­ty

Il a du tem­pé­ra­ment. C’est un mec qui écrit très très bien, des chan­sons ori­gi­nales, une voix mas­cu­line, affir­mée. Est-ce qu’il y a du Bob Dylan en lui ? Par cette révolte sourde et ce côté rock, oui. Fran­cis Cabrel

Fran­cis Cabrel au micro de RTL

Voi­là bien­tôt dix ans que Guillaume Galia­na, alias Guillo, est sélec­tion­né pour par­ti­ci­per comme auteur aux 26èmes Ren­contres d’Astaffort par­rai­nées par Tété,et, qu’à cette occa­sion, com­mence une fruc­tueuse et longue col­la­bo­ra­tion avec Voix du Sud. Aujourd’hui Guillo est inter­ve­nant, anime, en paral­lèle de sa car­rière, des ate­liers de créa­tion de chan­sons hors les murs ou dans les locaux de l’as­so­cia­tion à Astaf­fort. C’est dire en quelques lignes seule­ment qu’il béné­fi­cie d’une recon­nais­sance du métier et sur­tout de beau­coup d’amitiés dont les noms appa­raissent sur le livret de Sou­lage. On aime­ra citer par­mi eux, et pour des rai­sons toutes per­son­nelles, Jéré­mie Bos­sone, Davy Kilem­bé, David et Michaël­la (Fer­ges­sen), Nico­las Vitas, Guillaume Bar­ra­band, Alain Sou­rigues

Voi­ci que le prin­temps der­nier voit paraître un album, son second après Super 8 en 2013. On s’était pro­mis d’y venir poser la plume, le moment venu… Nous voi­ci convain­cue que ces chan­sons là peuvent à l’orée d’une nou­velle année cultu­relle, d’une nou­velle ren­trée don­ner le ton juste, celui qui donne de la pro­fon­deur et nous récon­ci­lier avec la beau­té de nos jours.

C’est un homme debout qui vous cueille, vous accueille, comme sur la cou­ver­ture de l’album. Homme debout dont les pas laissent leurs traces dans l’étendue de sable que la mer sans cesse recom­men­cée vien­dra recou­vrir… Il marche, il avance « Parce que les hommes sont nomades /​Vaga­bonds par nature » ; il regarde le monde tout autour, mais prend le recul néces­saire que lui donnent ses quatre décen­nies de sen­sa­tions, de réflexions, d’écoutes… « Ici le ciel est large » dit la cou­ver­ture du livret. Page blanche où tout nous reste à écrire une fois que nous aurons pris le temps de « Stop­per enfin la machine /​Ici la terre, les racines/​Pas­ser la dune en plein hiver /​Sen­tir le vent et voir la mer. » Car Guillo rap­pelle qu’il est bon par­fois de stop­per « la nacelle d’une grande roue », pour prendre la dis­tance néces­saire à notre retour… dans la vie à deux, comme dans la vie tout court.

L’auteur a un talent sin­gu­lier pour choi­sir un angle de vue par­ti­cu­liè­re­ment ori­gi­nal. Que l’on en juge par quelques chan­sons : Le chien de la fille qui dénonce la dure réa­li­té de celle qu’il aime, et veille sur ses amours vénales et sor­dides Bou­le­vard des Maré­chaux. Décors, long tra­vel­ling sur nos vies dis­per­sées sur la Terre « Dans les quar­tiers chics ou les rizières, les H.L.M, les bords de plage /​Derrière toutes les portes de la terre il y a des four­mis de pas­sage »Automne et Prin­temps nous emmène dans une mai­son de retraite, dans une âme soli­taire, « Telle une feuille por­tée par le vent »… Au bar des assas­sins ras­semble outre-temps, outre-tombe les mes­sa­gers de mort que nous sommes tous un jour… por­teurs de petites morts ordi­naires. Par­fois il suf­fit de rompre un lien d’amour pour que l’on sème un goût de mort… D’ailleurs pour mieux dire, Guillo invite sur cette chan­son par moins de vingt trois com­plices… En trois minutes, à peine davan­tage, tout est dit.

C’est la force d’une chan­son sur­tout quand elle s’habille de ces sons fami­liers, faus­se­ment inno­cents des gui­tares, cla­viers, per­cus­sions. Un habillage pop rock qui donne envie de fre­don­ner, de gar­der au cœur les mélo­dies. Par­fois la voix dit seule­ment, chante à peine, se fait plus solen­nelle, plus grave comme dans Je pars, je roule, je t’aime ou dans Mahat­ma, pour dire ce mes­sage essen­tiel de Gand­hi : « Soyez le chan­ge­ment /​Que vous sou­hai­tez voir /​Dans le monde ». Guillo hisse la chan­son vers le haut, lui donne des lettres de noblesse. On aime­rait que cette chan­son là voyage loin, long­temps… pour dénon­cer l’injuste réa­li­té de nos mondes (Made in mad­ness), peindre la beau­té des vies, la nôtre, la vôtre, qui se lient, se délient sans fin, para­doxales, entre ombres et lumières (Long fleuve) « Je prends sur la toile /​Dans la tête d’un Cha­plin, d’un Cha­gall /​Je suis dure, je suis belle/​Ani­male, végé­tale, matérielle »…

Peut-être fau­drait-il, en réponse à l’agitation déses­pé­rante autour de nous, s’imaginer der­nier homme, der­nière femme, « témoins de la der­nière heure », s’allonger sur la dune, face à l’océan et dire, enfin apai­sés : « Là, on aura du calme, on aura du vide et de la pous­sière /​Là, il n’y aura plus d’armes, plus un homi­cide, plus une prière »… 

Sou­lage, voi­là un album bien nommé.