Les Têtes de Linettes, couverture EP (© Elsa Mesager)

Les Têtes de Linettes, cou­ver­ture EP (© Elsa Mesager)

2015 – Disque 5 titres 

Avec Fanette Bon­net (chant, gui­tare, tuyaux) Julie But­to­lo (Chant, cla­ri­nette, per­cus­sions), Flo­riane Dena­rié (Chant, cla­vier, trombone) 

Beau­coup de reproches sont adres­sés à la Chan­son – sou­vent dans son propre camp – pour déplo­rer sa maigre exis­tence dans les médias, dans le cœur des jeunes spec­ta­teurs sou­mis au dik­tat d’une indus­trie, ajou­te­rions-nous. Et pour­tant il existe par­tout en France et au-delà dans toute la fran­co­pho­nie, des acteurs qui résistent en se struc­tu­rant géo­gra­phi­que­ment, en s’organisant en réseaux. Tant et si bien qu’il est dif­fi­cile pour les artistes Chan­son de se faire connaître au-delà des fron­tières de leur Région. Ain­si en est-il de ces jeunes femmes, déli­cieu­se­ment nom­mées « Têtes de Linettes » que nous décou­vrons grâce à un échange avec un ani­ma­teur radio au Forum Léo Fer­ré dimanche der­nier. Elles sont ori­gi­naires des Hautes Alpes, de Gap, et de la Région PACA donc, où elles étaient sélec­tion­nées cette année pour le fes­ti­val Région en Scène (réseau régio­nal du Chaî­non Man­quant)

L’écoute de leur disque 5 titres nous a don­né l’envie d’en savoir davan­tage. La pre­mière chan­son a capel­la Jeu de grands – remar­quable par ses inter­ro­ga­tions sur l’enfance et son jeu étrange – nous a rap­pe­lé immé­dia­te­ment le son de Doba­Ca­ra­col, ce duo qué­bé­cois fémi­nin décou­vert à Cap­bre­ton, au fes­ti­val fran­co­phone de Mau­rice Segall. Leurs mots et musiques métis­sés nous plai­saient tant ! Dis­pa­rus… Mau­rice, le fes­ti­val, Doba­Ca­ra­col ! Hélas !

Et voi­là que nous arrivent Fanette, Julie et Flo­riane… des pré­noms qui enchantent l’imagination. Déci­dé­ment la vie conti­nue de semer ses graines d’espérance, ses chants mêlés. Qu’entendre dans la chan­son Jules, accom­pa­gnée au pia­no… « Mon petit amour, toi mon petit bidule, mon truc d’un jour »… ? On entend la soli­tude d’une fille, un amour rêvé, un sou­ve­nir d’« un triste inter­nat… Oh Jules… Je t’emmène dans mon ombre /​Sur mon mont de Nep­tune… Oh Jules, oh Jules… »

Le trio mise sur l’harmonie vocale, sur ses goûts pour les musiques du monde, sur la musi­ca­li­té des mots, fran­çais le plus sou­vent mais pas exclu­si­ve­ment, sur les per­cus­sions, sur les ins­tru­ments à vent…et sur­tout sur leur ima­gi­na­tion sans fron­tières. Vous allez de swing et voix des années d’après Guerre (Prière de la Petite soli­taire… celle qui court, court… qui « a trou­vé la réponse dans ce monde de misère »…) en débit frap­pé bien d’aujourd’hui quand on avance sans avoir peur de l’errance et qu’un jour on trouve enfin son port d’attache… et qu’on reste là (Je me lève)… On se laisse hap­per par la gui­tare et la cla­ri­nette qui se répondent dans Chat ou Chien… une bal­lade pour que reparte le rêve… sans qu’on y com­prenne grand-chose…Moi ? Toi ? L’Autre ? « Le chat à la place du Chien » ? Retour aux rémi­nis­cences sonores de Doba­Ca­ra­col… On n’y peut rien ! Et ce der­nier titre s’achève sur une voix enfan­tine qui chan­tonne mal­adroi­te­ment sur les notes du piano…

On com­prend en somme que ces trois filles explorent, qu’elles bous­culent les codes pour­vu qu’elles offrent un voyage au cœur d’un ima­gi­naire fer­tile en sen­sa­tions, en émo­tions… Les échos de leurs spec­tacles sont tout autant ponc­tués de fan­tai­sies, de sur­pre­nantes trou­vailles, d’envies d’en découdre avec le spec­ta­teur, ce par­te­naire… au plus près.

On a furieu­se­ment envie qu’elles s’échappent très vite au-delà des fron­tières de la Région PACA, qu’elles s’en viennent nous bous­cu­ler, nous ravir. « Les Têtes de Linettes », un nom à retenir !