3 juin 2016 – Viel chante Barbara
avec Laurent Viel (chant), Thierry Garcia (guitare). Mise en scène de Xavier Lacouture
Forum Léo Ferré (Ivry)
« C’est la Barbara transgressive, provocante, insolente qui va conduire la construction de notre spectacle. J’ai envie de m’appuyer sur son humour décapant, ses propos épicés, sa folie pleine de vie, tout autant que sur sa tendresse extrême mais jamais larmoyante, ses colères sans appel. Barbara était pleine de rire et n’avait rien à voir avec « la longue dame noire de la chanson française » dans laquelle elle ne se reconnaissait pas du tout. »
Laurent Viel rencontre Barbara quand il est en enfance. Il l’écoute en cachette, il n’a que huit ans… Évidemment il ne saisit pas tout dans ses chansons, mais il en est bouleversé. Définitivement. Quand il sera grand, il sera un homme qui chante ! En attendant ce moment-là, il sera de ceux qui iront la voir souvent, très souvent parfois plusieurs fois le même concert ! Alors, sa démesure, sa folie en scène, il connaît…
Comment faire ? Comment faire pour l’interpréter ? Comment mettre ses pas dans les siens sans être soumis à son image ? Comment lui dire merci ?
Laurent Viel a décidé : pour Thierry Garcia, ce sera la guitare électrique ! Car Barbara est une « rockeuse », elle a de ce sang-là dans les veines. Quant à la tonalité du spectacle elle sera enjouée, badine, câline… Elle dira la soif de vivre, la joie de vivre, intensément. Le désir, oui, le désir. Entrez mes frères, entrez, c’est l’heure où l’on prie /Ensemble, nous aurons d’autres paradis /Ensemble, nous monterons au septième ciel /Hop-là, hop-là, hop-là !
Et c’est ainsi que s’ouvre le concert. Dans des éclats de rire puis sur la guitare jazzy de Thierry Garcia dans son éclatante chemise rouge, sur l’évocation d’« un vraiment bien beau bordel » son cortège bariolé De jolies putes vraiment ! Gueule de nuit viendra subtilement y faire écho à la fin, avant les « incontournables » en rappel : Göttingen et L’aigle noir…
J’suis une souris, gueule de nuit /Et je vais, je viens, je passe, passe /J” suis pas du jour, gueule d” amour…
Les enregistrements de la voix de Barbara ponctuent régulièrement le concert de leur fantaisie, parfois délicieusement provocante, parfois poétique. Bien entendu, ce parti pris n’exclut nullement la tendresse, l’émotion qui nous gagne inévitablement en écoutant les chansons de Barbara. Sur ce terrain-là, le talent d’acteur de Laurent Viel fait mouche. Il sait décliner toutes les nuances du sentiment et sa longue fréquentation du répertoire de Barbara, son amour pour elle font le reste. La re-création des chansons est constante, parfois même on est surpris quand il s’écarte beaucoup de son modèle, et pourtant c’est indéniable : Barbara revit dans ce corps d’homme, dans cette voix d’homme ! Elle se fait velours (À peine, Cet enfant-là) se fait brume en automne (Dis, quand reviendras-tu, Le bel âge, Drouot et la course du temps souligné par la guitare…) ou carrément colère dans Perlimpinpin, une chanson qui vient se cogner aux murs de notre actualité parfois sanglante. Dans la salle à plusieurs reprises le silence se fait lourd, très lourd… Temps suspendu à la force qui s’exprime en scène, dans les sanglots longs de la guitare. Mais chaque fois, on évite la complaisance dans le lyrisme ou le pathos. On s’en arrache vite car vie est là qui nous attend… « J’ai pas de passé, pas d’avenir… J’ai l’instant présent – violemment » nous dit Barbara.
Délicieuse image alors de Laurent Viel qui tricote une longue écharpe rouge et noir (Ah oui, la passion de Barbara pour le tricot !) Thierry Garcia fredonnant Besame mucho. On se délecte de la malice de la femme délaissée de Paris 15 août et de l’impertinente petite bonne des Amis d’Monsieur…
« On peut rêver, rêvasser,
À c” qu’on aurait voulu être, être,
Mais c’est foutu, c’est classé,
Ce n’est pas plus mal peut-être… »
Hop-là, hop-là, hop-là !