Zorozora - Homocordus– (© Droits Réservés)

Zoro­zo­ra - Homo­cor­dus (© Droits Réservés)

24 février 2017 – Zorozora, Homocordus, Une histoire de la musique

Avec Hélène Duret (ins­tru­ments à vent, cla­viers), Char­ly Astié (ins­tru­ments à cordes pin­cées), Syl­vain Rabour­din (ins­tru­ments à cordes frot­tées) – Richard Navar­ro (direc­tion artis­tique, mise en scène) – Guy Ber­trand (conseiller en eth­no­mu­si­co­lo­gie) Patrice Guigue (son) – Quen­tin Leble­vec (lumières)- Ber­na­dette Gra­nel et Les­lie Pau­ger (cos­tumes) – Ben­ja­min Kuper­berg (créa­tion vidéo)

Le Tempo – Léguevin (Haute Garonne)

Zoro­zo­raHomo­cor­dus, des noms bizarres pour dési­gner un spec­tacle, un trio qui s’en prend à un domaine on ne peut plus sérieux : L’histoire de la musique ! On ne s’amuse pas avec ces choses là… Enfin si jus­te­ment ! Car ces trois jeunes gens, deux gar­çons, une fille, ont dû s’y frot­ter à cette his­toire là ! Ils ont bien le droit aujourd’hui de tordre le cou scé­ni­que­ment à leurs heures de musi­co­lo­gie et de pra­tique. Ils ont bien gagné le droit à l’insolence, l’irrévérence… Et pour­tant vous sau­rez tout – ou presque ! – de cette his­toire depuis les pre­miers sons qu’ont pu émettre nos très loin­tains ancêtres jusqu’à ceux d’aujourd’hui… Peut-être pas si éloi­gnés après tout. Du moins c’est ce que nous sug­gère le der­nier tableau où l’on en vient à l’émergence de la musique répé­ti­tive, élec­tro­nique d’aujourd’hui.

C’est bien là le pro­pos de Richard Navar­ro à qui l’on doit la mise en scène et le scé­na­rio. Il s’agit bien de nous offrir un spec­tacle colo­ré en diable, dyna­mique, plein de pitre­ries, d’humour mais aus­si de musiques et de chants magis­tra­le­ment exé­cu­tés… et des connais­sances ! Pour mieux nous en convaincre à l’entrée du spec­tacle on prend la peine de nous dis­tri­buer un docu­ment avec des repères chro­no­lo­giques et des mots aus­si impro­bables que « rhombe » ou « rava­nas­tron », « vali­ha », mais aus­si des noms aus­si célèbres que Vival­di, Bach, Paganini…

Bien enten­du c’est un sur­vol his­to­rique qui tient compte des spé­ci­fi­ci­tés de chaque musi­cien-chan­teur-comé­dien (ils excellent dans les trois domaines artis­tiques !), les ins­tru­ments à vent et les cla­viers pour Hélène Duret, les cordes pin­cées pour Char­ly Astié, les cordes frot­tées pour Syl­vain Rabour­din.

Ces trois là que nous avons connus dans leur ado­les­cence il y a une dizaine d’années sur notre scène en Ariège, ne se sont jamais vrai­ment éloi­gnés bien long­temps les uns des autres même s’ils mènent à bien d’autres pro­jets sépa­ré­ment, même si deux d’entre eux se sont éloi­gnés de Mont­pel­lier qui a vu naître leur conni­vence fra­ter­nelle et artis­tique. L’été à Avi­gnon les réunit depuis sept ans. Pour l’heure ils conti­nuent de peau­fi­ner ce spec­tacle et ne tar­de­ront sûre­ment pas à nous en livrer un nou­veau où s’exerceront avec brio – nous en sommes par avance convain­cus– leur créa­ti­vi­té, leur ima­gi­na­tion et leur talent de musi­ciens. Nos sem­pi­ter­nelles ques­tions d’étiquetage, nos clas­se­ments bien fran­çais, font qu’ils semblent échap­per sou­vent à la connais­sance des acteurs du domaine de la Chan­son. « Vous dites théâtre, musique savante ou chan­son ? Fau­drait savoir ! »

Chaque fois que nous les voyons nous rece­vons une bouf­fée d’oxygène, nous res­sen­tons une joie, une jubi­la­tion à les voir jouer de la musique ensemble, à se prê­ter aux jeux vocaux dans tous les registres, du chant poly­pho­nique au beat box… sans jamais se prendre trop au sérieux même quand ils exé­cutent un mor­ceau qui exige une per­for­mance. La « leçon de poly­pho­nie » de Syl­vain Rabour­din au vio­lon est à ce titre exem­plaire. Avec l’accent alle­mand, il inter­pelle le public qu’il pré­tend voir accé­der à des hau­teurs spi­ri­tuelles, s’interromptant sans cesse, tout en inter­pré­tant magis­tra­le­ment un extrait de la « Cha­conne » de Jean-Sébas­tien Bach. On pour­rait aus­si citer leur inter­pré­ta­tion vocale de l’Agnus Dei de Jos­quin des Prés, l’évocation de la musique des­crip­tive de Vival­di,  le tableau qui les réunit autour du « cla­ve­cin » et de l’Orféo de Mon­te­ver­di… Mais on retien­dra les moments d’évasion hors de nos fron­tières, les sons qui nous viennent d’ailleurs, de l’Ouest comme de l’Est, le « défou­le­ment » avec la musique Klez­mer où excelle Hélène Duret à la cla­ri­nette et sur­tout, en fin de spec­tacle, l’évocation émou­vante à par­tir des Caprices de Paga­ni­ni, du blues, du jazz, et plus encore de la musique mini­ma­liste… Ah ! le son pro­fon­dé­ment mélan­co­lique de la cla­ri­nette basse !

Homo­cor­dus, ce bar­ba­risme qui fait tom­ber de nos mains notre Gaf­fiot (pour les noms ini­tiés, il s’agit du dic­tion­naire Latin-fran­çais qui pèse une tonne… une tonne d’heures à s’arracher les che­veux !) c’est un clin d’œil à l’érudition – il en a fal­lu pour créer ce spec­tacle ! – c’est de l’histoire de la musique, des instruments.

Homo­cor­dus c’est un hom­mage au spec­tacle vivant, un encou­ra­ge­ment à jouer de la musique, à chan­ter. Sur­tout à ne jamais som­brer dans le pédan­tisme, encore moins dans le défai­tisme… Car l’homme ne ces­se­ra jamais de faire du son ! De mille et une manières.