Strange Enquête en quartet –Détours de Chant 2018 (©Laura Dauzat)

Strange Enquête en quar­tet –Détours de Chant 2018 (©Lau­ra Dauzat)

2 février 2018 – Strange Enquête en quartet

Avec

Le duo Strange Enquête (Jérôme Pinel, voix & Manuel Mou­ret, contre­basse) accom­pa­gné de Bru­noï Zarn (Gui­tares) et Mus­ta­pha Tizaoui (Bat­te­rie)


Centre cultu­rel Alban Min­ville (Tou­louse)

Voi­là sept ans que nous sui­vons la route du duo Strange Enquête, que nous nous éva­dons avec eux. « Les textes de Jérôme Pinel nous embarquent dans des his­toires où l’accompagnement de la contre­basse, aux res­sources sonores infi­nies sous les doigts – et les pieds ! – de Manu Mou­ret, sou­ligne les temps forts, les scan­sions syl­la­biques d’une voix aux accents du Sud. » Oui, sept ans que nous les voyons enri­chir la palette des sons, des effets visuels et sonores, ajou­ter des textes tou­jours trou­blants, émou­vants, à por­tée de nos sen­sa­tions, émo­tions d’aujourd’hui.

Venir les voir en concert c’est prendre la route assu­ré­ment, Mettre son sac à l’arrière, comme le sug­gère le titre de leur der­nier album, pas­sa­ger clan­des­tin d’un « road – movie ». Embar­que­ment ciné­ma­to­gra­phique pour un long tra­vel­ling, camé­ra sur l’épaule. Effet visuel garanti !

Alors on vous avoue­ra notre impa­tience – et notre doute – quand le duo si par­fai­te­ment en osmose, nous invite à décou­vrir sa for­ma­tion à quatre. On se rend au centre cultu­rel Alban Min­ville, régu­liè­re­ment asso­cié au fes­ti­val Détours de Chant, dans ce quar­tier de Tou­louse où l’univers de Strange Enquête a tous les atouts pour être enten­du. La salle est l’une des plus belles de la ville et per­met de faire cette décou­verte dans les meilleures condi­tions tech­niques. On aurait bien aimé que les spec­ta­teurs « Chan­son » soient plus nom­breux ce soir pour faire cette décou­verte dont on peut dire qu’elle est une réus­site. Joli coup double !

Nous trans­por­ter comme tou­jours dans les textes puis­sants de Jérôme et nous offrir un accom­pa­gne­ment ins­tru­men­tal où Manu à la contre­basse – tou­jours très pré­sent on vous ras­sure – a lais­sé gui­tares et bat­te­rie ajou­ter leurs cou­leurs sin­gu­lières, rythmes dan­sants, riffs lan­ci­nants, atmo­sphères pop-rock, blues… Au gré de la route, des pay­sages et des per­son­nages. On aura tant de plai­sir à redé­cou­vrir ain­si le père, « déso­lé vrai­ment » et son minot la lèvre en sang, le voi­sin si sym­pa et le jaloux « mau­vais joueur » qui n’a que ces mots à la bouche « J’vais t’pourrir la vie mec ». Celui qui, chaque jour dans son type 3, « claque des doigts sur la basse » et danse, danse à en faire dis­pa­raître les murs et le toit… Si près de la scène nous voyons le corps de Jérôme en trem­bler… Et ce couple au bord de la rup­ture, embar­qué pour dix heures d’avion… Le voleur de pan­neaux bien sûr, et Alain que nous aimons tant… celui qui, avec ses récits, met du rêve dans un lycée sans âme.

« L’homme est fou, il va droit dans le mur » chan­tait Claude Nou­ga­ro, alors seul le rêve, l’imaginaire – par­fois jusqu’à la dérai­son, la folie – la poé­sie, le voyage nous sauvent… Comme le sug­gère la gui­tare slide, les légers fré­mis­se­ments des cym­bales, quand ils accom­pagnent l’évocation d’un « petit bled en plein crash depuis De Gaulle » bap­ti­sé outra­geu­se­ment Chi­ca­go…

On vou­drait ajou­ter que sur cette scène Jérôme nous a sem­blé confir­mer, affir­mer son per­son­nage de diseur, de sla­meur, de poète-comé­dien. Sa tenue ves­ti­men­taire uni­co­lore, son cha­peau qu’il ôte de temps en temps, place sur son buste, le tenant à deux mains dans une pose tel­le­ment sen­sible, émou­vante, ses jeux de jambe, sa danse, tout cela lui confère une pré­sence cap­ti­vante. Et quand il s’en vient par deux fois, en inter­lude, dire tout seul un texte on en est pro­pre­ment fas­ci­né. On retrouve ce beau poème que nous avions pla­cé in exten­so lors de notre pré­cé­dente chro­nique tant il nous touche « Quand on n’a pas la mer on se l’invente… » et ce soir on découvre ce mono­logue d’une fille, une bino­clarde, aux seins plats, l’un de ces êtres que per­sonne ne voit. Elle observe en silence l’assistant du grand direc­teur qui est pas­sé ce matin là devant sa fenêtre… On n’en dira pas davan­tage pour lais­ser aux curieux la joie d’en décou­vrir la chute !

Vous l’aurez donc com­pris, on vous invite plus que jamais à faire la décou­verte de Strange Enquête, à deux, à quatre… Cette ver­sion toute fraiche, à peine éclose le 26 jan­vier au Club à Rodez, mérite de pour­suivre sa route…

« Nous sommes argo­nautes du jour qui arrive » dit Jérôme, alors, res­tons curieux, sachons embar­quer, mettre les voiles pour plus de pay­sages encore, comme ceux que ce quar­tet nous a si bien dessinés.