Alexis HK (© Franck Loriou)
12 septembre 2017 – Concert solo d’Alexis HK
Ouverture de saison 2017 – 2018 au Bijou
Avec Alexis HK (guitare, ukulélé, voix)
Le Bijou (Toulouse)
La biographie d’Alexis HK nous révèle qu’il est allé flirter avec la philosophie du temps de sa jeunesse estudiantine. On pense presque aussitôt à David Sire et à sa « bidulosophie ». Ils ont en commun de nous arracher à nos images stéréotypées de concerts. L’un et l’autre s’amusent à nous approcher comme de vieux copains qui ont suffisamment d’affection et de connivence pour entrer dans leur danse et suivre la leur si peu ordinaire… Pas chassés, pas de côté, surtout pas cadencés ou comptés !
Ce soir au Bijou, qui se souvient encore de sa dernière venue avec les chansons de Georges, Alexis HK entre en scène le plus simplement du monde : barbe de trois jours, chemise et veste noires sur un jean… Pas aussi innocent qu’il y paraît… Il se plante derrière son micro, se saisit du ukulélé sous une ovation qui ferait trembler les murs de la petite salle. Il se met à soliloquer sur un ton familier, comme s’il reprenait une conversation d’hier. Il prévient de son ton légèrement sarcastique : « Un tour de chant interdit aux enfants de moins de trente-six ans… Bref, un tour de chant qui met l’homme face à la solitude des grands espaces infinis… » Philosophe ? Un peu. Même si le public laisse échapper quelques rires.
On n’est pas bien sûr en effet que cette introduction soit galéjade. Surtout lorsqu’il entonne la première chanson, une histoire d’homme seul, « comme ces ours polaires, ces ermites en colère » qui traduit la sensation d’être « en apesanteur entre deux hémisphères ». Suit un titre sur fond d’évènements historiques, Lech Walesa, la chute du Mur, Lénine… ces mots qui reviennent « Avant, avant de dormir » et ce comptoir du café « Melchior » et cet abandon des grands rêves. On comprend au fil des chansons que le répertoire s’incline vers une forme de lucidité mélancolique, vers des « chansons grises ». Et l’humour qui s’y glisse n’y change rien… Pour preuve cette chanson évoquant un souvenir d’enfance, la cour de l’école et cette phrase d’un aussi petit que lui : « Toi, tu es un véritable abruti… »… Le chemin des mots sous le crâne et bien plus tard la conscience que nous sommes des millions d’« abrutis », « ahuris » sur la Terre… « Des avachis du bulbe dans un monde qui nous prive d’amour. » Quand il en vient à une catégorie bien spécifique d’abrutis, « aux méchants, aux violents », on assiste à un récit pamphlétaire d’une chasse à l’homme, à la peau sombre, bien entendu, qui s‘achève devant un inspecteur de Police… La catégorie suivante, autre avatar d’abrutis, désigne les mordus d’internet…
Alexis avoue alors s’être laissé emporter par ses angoisses personnelles devant la montée du populisme et d’autres peurs encore… même celle du glucose : « J’ai le désespoir sucré ». C’est alors qu’il prétend arrêter là les chansons nées de ses angoisses qui pourraient faire fuir le spectateur et décide d’en venir à la « beauté » : celle des femmes, des enfants, des chiens… Suivent trois chansons répondant au « programme ». Il faut le dire, elles sont singulièrement émouvantes ces chansons-là. Celle de la fille à Pierrot, qui ne peut pas épouser René, parce qu’il a un gros nez – Brel n’est sans doute pas loin – parce qu’il n’est pas jeunot… La lettre du « papounet », pas un roman, non, mais des pensées maladroites et douces « En dehors de toi le monde ne m’interpelle qu’à moitié »… Le souhait qui en dit long sur l’humanité : « Avoir un chien, un vrai qui sert à rien mais… Un ami qui te suit même si tu finis malhonnête » !
Enfin – et c’est attendu par le public bien sûr – Alexis HK consacre la dernière partie de son récital aux anciennes chansons que l’on se plaît à chantonner avec lui dans l’ombre : la chanson des quarantenaires, Mets du vent, Les affranchis, La maison Ronchonchon, Le dernier présent, chanson d’espérance… Il déterre même un vieux titre, un hommage à Allain Leprest. Les hommes avaient tant besoin de lui !
Alexis HK remercie le public de l’avoir sauvé de la noyade… comme un maître nageur au bord de la piscine ! On gardera pour ce qui nous concerne trois chansons tard dans la soirée qui nous a déjà pas mal agités d’émotions : cette chanson délicate, sensible, pour évoquer une belle journée d’automne où « Mariane s’est mise à pleurer comme une madone », celle qui parle de la mort avec tant de poésie « Un beau jour je partirai loin d’ici bas… J’irai voir si c’est beau, vu d’en bas ou de là-haut… » enfin la chanson de Jean-Claude son père, ce cerisier « mal fichu, tordu par un obus » mais que « la mécanique universelle amène à refleurir de nouveau »…
« Il est doux le temps des cerises et sa douceur me rendra fou »