Homme allumant une cigarette, 1951(©Sabine Weiss 1924-2021)

Homme allu­mant une ciga­rette, 1951(©Sabine Weiss 1924 – 2021)

30 décembre 2021, De clip en clip # 11

On attend le veilleur, la lueur pour un soir

Avec

2Folks, Si tu me serres(Paroles et musique de Gui­lam) album Varia­tions 2 en sor­tie en jan­vier 2022, scé­na­rio et réa­li­sa­tion Bap­tiste Rouveure

[Ibu] (Paroles et musique Adrien Ledoux), Si j’ai sau­vé ma vie, album L’Auréeréa­li­sa­tion Jona­than Prigent, sep­tembre 2021

Nico­las Jules  (Paroles et musique) Records, album Yéticlip sor­ti le 21 décembre 2021 – tour­né à LaVal­lée /​Molen­beek, Bel­gique – réa­li­sa­tion Lara Her­bi­nia 

Alice Bénar  (Paroles et musique) Automne, clip sor­ti le 25 décembre 2021 – tour­né au Lieu d’Art Contem­po­rain de Sigean, œuvres de her­man de vries – avec Quen­tin Daniel( uku­lé­lé) et Aina Tulier  (nyckel­har­pa) réa­li­sa­tion Alice Bénar, Arthur Wil­motte 

Viviane Cayol & Jean-Yves Lié­vaux, Haï­ku d’peinture, vol. 2 Automne


« On entend la mineure mélan­co­lie d’un soir

On se cherche sur un quai qui s’égare

On attend le veilleur, la lueur pour un soir

On se rêve au détour d’un trot­toir » Gui­lam

Aux der­nières heures de l’année 2021, on se sent enclin à la mélan­co­lie, et les mots de Gui­lam revêtent une réson­nance sin­gu­lière… On attend, on espère le veilleur… On se rêve… La mélan­co­lie, cette bile noire selon les Grecs de l’Antiquité, asso­ciée à l’automne et à la pla­nète Saturne… Avec Georges Bras­sens nous savons mieux encore que ce « dieu fort inquié­tant…En allant son che­min, morose /​Pour se désen­nuyer un peu/​… joue à bous­cu­ler les roses… » L’automne, la mélan­co­lie, la nuit ont donc gui­dé notre sélec­tion de clips que nous avons choi­si d’illustrer avec une pho­to­gra­phie de Sabine Weiss dis­pa­rue hier. Modeste hom­mage à une grande dame de la pho­to­gra­phie humaniste.

Le clip de 2Folks, duo de Gui­lam et sa fille Camille, Si tu me serres, s’offre une dimen­sion excep­tion­nelle. Le scé­na­rio et la réa­li­sa­tion signés Bap­tiste Rou­veure en font un court métrage de six minutes où s’entremêlent les images d’une quête angois­sante à la lueur des torches, accom­pa­gnée par la course lunaire dans le ciel, celle d’un père décou­vrant que sa petite fille a quit­té son lit, sa chambre, et conjoin­te­ment celles de l’enfant trans­por­tée dans un rêve où appa­raît la figure illu­mi­née d’une fée vêtue de voiles et d’étoiles et celle de son gros nou­nours en peluche… Se perdre pour mieux se retrou­ver, accep­ter les doutes, les peurs « On a tant d’autres ailleurs on a tant d’êtres à voir… »

Le duo père-fille, la quête de l’équilibre sont aus­si en fili­grane du clip suivant.

Si j’ai sau­vé ma vie, chante [Ibu], « Et je veux te don­ner tout mon amour mais mon cœur est frois­sé abî­mé par les coups effrayé dans le noir et per­du chaque soir dans le temps silen­cieux souf­flant un vent bavard qui recouvre son cri » et ces mots accom­pagnent les images d’un homme en proie à un spleen très bau­de­lai­rien dans ce monde qui l’agresse. Il marche, marche, homme vêtu de noir, barbe et che­veux hir­sutes, épaules cou­vertes d’une étole de plumes… La camé­ra le suit dans une forêt dépouillée, le long de murs lépreux, dans une friche indus­trielle, dans une mai­son déser­tée, joyau des débuts du siècle pas­sé, où il découvre une par­ti­tion. Il finit par s’allonger sur un cana­pé, cla­ri­nette en mains… Et cette cla­ri­nette accom­pagne sa danse, la camé­ra vire­vol­tant autour de lui. On a bas­cu­lé dans l’étrange, le fan­tas­tique quand une main repousse une assiette de billets frois­sés – refus du code du com­merce qui traîne – quand appa­raît une enfant qui a revê­tu le col­lier de plumes et qu’il l’emporte dans ses bras. On se croi­rait dans une nou­velle d’Edgar Poe… Le der­nier plan fixe a quit­té l’obscurité, les friches et les lieux déserts, les traits sombres de l’homme qui marche et qui cherche, pour offrir la lumière, la clar­té : l’homme assis sou­rit ten­dre­ment à l’enfant, tout habillée de blanc, qui le regarde et l’a sau­vé… « Et je veux te don­ner tout mon amour… »

Un nou­veau clip, de nou­velles images de Nico­las Jules c’est à coup sûr s’attendre à toutes les fan­tai­sies même si le texte, lui, nous confronte obs­ti­né­ment à l’attente, à la quête de l’amour tou­jours impos­sible à rete­nir. Le titre Records, extrait de son der­nier album le Yéti, ne fait pas excep­tion. Le voi­ci donc debout, micro en main, che­mise blanche, pan­ta­lon bleu un peu trop court sur ses bot­tines, cra­vate. Les cou­leurs sont déla­vées. Il reste sta­tique au milieu d’un groupe d’hommes et de femmes qui se balancent d’un pied sur l’autre, tous, regard droit vers l’objectif. Le chant com­mence : « J’ai dégai­né l’amour vers vous, et en retour j’ai reçu vos ripostes… » Le groupe qui se balance finit par tour­ner sur lui –même dans une valse lente accom­pa­gnée par le vio­lon. Sauf lui, bien sûr, qui porte seule­ment le micro à sa bouche quand la voix fémi­nine dit : « Vous êtes dingue ». Des noms de villes s’affichent alter­na­ti­ve­ment. Obses­sion de l’amour. En tous lieux. Mar­seille, Bruxelles, Bor­deaux, Renne, Tours… L’image se brouille par ins­tants… « Il lui fau­drait mes yeux pour voir comme elle est belle ». Voi­ci que l’image se duplique, ampli­fiant l’impression de soli­tude et d’exil dans le groupe : « Je fane et je fleu­ris, refane et refleu­ris à vous attendre encore »… Jeu de la patience : « Je pul­vé­rise des records… » Effec­ti­ve­ment il n’a pas bou­gé d’un pouce dans ce plan séquence de 3min 20. Obs­ti­né­ment amou­reux, en vain… Ô triste, triste était mon âme /​A cause, à cause d’une femme… chan­tait Ver­laine.

Pour en finir avec cette mélan­co­lie de l’année 2021, pour poser une note plus douce et plus ras­su­rante, regar­dons du côté d’Alice Bénar qui, à cha­cune de ses appa­ri­tions, nous a lais­sé le sou­ve­nir d’un ins­tant inso­lite, fra­gile et poé­tique… Le jour de Noël elle a dépo­sé sur les réseaux sociaux l’une de ses créa­tions sonores qui ont le charme indi­cible des haï­kus, ins­tants sus­pen­dus, défis à Saturne. Celle-ci s’intitule Automne et emprunte ses images à l’artiste contem­po­rain her­man de vries invi­té l’automne der­nier par le L.A.C de Sigean. Il y célèbre la région, ses richesse natu­relles : terre, pierre, bois, végé­taux, sel, entre mer et garrigue.

Pour accom­pa­gner ses mélo­pées, son texte bref, Alice Bénar a choi­si un uku­lé­lé et un ins­tru­ment tra­di­tion­nel à cordes frap­pées d’origine sué­doise, le nyckel­har­pa. La pre­mière image est celle de feuilles d’automne qui font écho à l’authenticité ins­tru­men­tale. La tenue ves­ti­men­taire du trio est en par­faite har­mo­nie avec les œuvres du plas­ti­cien, un camaïeu de tons ocres, bruns. Les gros plans sur la main et l’archet glis­sant sur les cordes alternent avec ceux de tra­cés larges de pin­ceau. La voix de la chan­teuse s’élève et les traits de son visage, le mou­ve­ment de son buste, de ses mains accom­pagnent le chant d’une sen­sua­li­té aérienne. Son chant s’apparente aux mélo­dies fran­çaises. Il en a la grâce, la beau­té et la fra­gi­li­té… Le tout aura duré à peine plus de deux minutes… « Une poi­gnée de braises /​S’en­volent par la fenêtre et vient colo­rer les arbres de la val­lée /​C’est la fin de l’é­té »

Nous pen­sons alors au der­nier recueil du duo Alcaz (Jean-Yves Lié­vaux pour le texte et Viviane Cayol pour la pein­ture) consa­cré éga­le­ment à l’automne, en trente haï­kus illus­trés. Sur­pre­nante chro­ni­ci­té qui nous fait rêver au lien invi­sible entre les créateurs…

« Danse danse l’automne

Les feuilles cherchent dans le vent 

Une fenêtre au ciel » (J.Y Liévaux)