Anne Sylvestre invite au verbe (©Martine Cloetens)

Anne Syl­vestre invite au verbe (© Mar­tine Cloetens)

du 9 au 17 avril 2016 – Stage d’écriture

avec Anne Syl­vestre (ani­ma­tion), Mar­tine Scoz­ze­si (orga­ni­sa­tion), Sébas­tien Ménard (pia­no)

Les Magnans, Pierrerue (Alpes de Haute-Provence)

Comme beau­coup d’autres auteurs com­po­si­teurs de bien plus dis­crète noto­rié­té, Anne Syl­vestre aime à par­ta­ger son art de faire une chanson.

Existe-t-il vrai­ment une péda­go­gie dans ce domaine ? Peut-on trans­mettre des recettes ? Rien n’est moins sûr mais par contre ce que l’on sait c’est que se retrou­ver à écrire sous contraintes crée de bien curieux effets… et le faire en un même lieu, dans un même temps que d’autres, c’est une occa­sion de démul­ti­plier ses propres res­sources ver­bales. Tous ceux qui se sont un jour prê­tés à ce jeu savent com­bien l’expérience est fructueuse.

Quand s’ajoute à cette syner­gie créa­trice, la beau­té de l’espace envi­ron­nant, on se sent « hors du temps ». On est au cœur de la Haute-Pro­vence… On y entend les oiseaux, et paraît-il, la jolie note flû­tée, régu­lière, du « petit duc »… On peut même s’en ins­pi­rer pour sa musique ! Ajou­tons le calme des lieux, la cha­leur des vieilles pierres, la bonne cui­sine de Juliette, la ges­tion aux petits oignons de la « sta­giaire – ges­tion­naire – orga­ni­sa­trice – chan­teuse », Mar­tine Scoz­ze­si, fidèle d’entre les fidèles aux côtés d’Anne Syl­vestre. On n’est pas loin de crier au miracle !

Ici, pour une semaine entière, c’est d’écriture qu’il s’agit. La musique vient bien enten­du, mais un peu plus tard, sous les doigts agiles de Sébas­tien Ménard. Un pia­niste à l’écoute de chaque tem­pé­ra­ment. Le texte devient alors chan­son. Et le der­nier soir un spec­tacle fait du mon­tage des créa­tions, des « textes mis en bouche » écrit Daniel, le plus âgé et peut-être le plus aguer­ri de la petite troupe impro­vi­sée, sera pré­sen­té à un public. Ce public, on l’invite aus­si le pre­mier soir pour faire connais­sance, par­ta­ger, se décou­vrir et tout dou­ce­ment don­ner accès à ses pay­sages inté­rieurs et à ses mots pour les dire, que l’on ait tout juste 18 ans, ou l’âge de la « retraite ».

Car si la pari­té n’est pas vrai­ment atteinte (deux hommes pour neuf femmes – rien de bien sur­pre­nant on en convien­dra) on a un joli panel de générations !

Que dire d’Anne dans son rôle d’animatrice ? Un si joli mot (latin ani­ma = souffle vital) pour sou­li­gner qu’elle a lar­ge­ment contri­bué à faire de ces jour­nées un vrai par­tage, joyeux et créa­tif. Fran­çoise dit qu’elle est « bien­veillante mais sans com­plai­sance, atten­tive au moindre mot, si géné­reuse ». Quant à Mar­tine qui a recueilli pour nous toutes ces impres­sions, elle ajoute qu’elle est joyeuse, simple et sur­tout très ouverte, à l’écoute de cha­cun. Ce n’est jamais simple de s’intéresser à chaque auteur, de lui don­ner sa place dans le groupe, de res­pec­ter son rythme (n’est ce pas Nor­bert, toi qui écris la nuit ou en urgence les der­niers jours ?) Car cha­cun vient, comme le dit si jus­te­ment Cath­line, avec « son linge propre, ses car­nets de notes, ses chan­sons, ses casseroles »…

Huit heures durant, mais le soir aus­si, en veillée, on écrit. On rame, on cherche, on pédale, on s’énerve, on s’amuse, c’est avec ces mots-là que l’ex­prime Daniel.

Anne donne des consignes : rimes et nombre de pieds, thèmes. Un cam­brio­lage (après avoir écou­té Bras­sens et ses stances à un cam­brio­leur) – Un paravent empêche deux êtres de se voir – Un fait divers en Bre­tagne (une mère porte plainte pour mal­trai­tance : son mari contraint ses enfants à man­ger des légumes !) – un ate­lier clan­des­tin dans un régime tota­li­taire qui veut empê­cher le mot d’exister et qui vaut à Mar­tine Scoz­ze­si une chan­son pour la défense du e muet…

On apprend beau­coup des remarques d’Anne, mais aus­si de la récep­tion du groupe, de sa propre plume ain­si guidée…

Anne, on la voit écrire sou­vent dans son grand cahier. Sans doute a‑t-elle pui­sé des éner­gies nou­velles dans ce beau pays, sous ce ciel, auprès de ses sta­giaires venus recueillir quelques fruits mûrs de sa vie de chanteuse.