Barjac m’en chante 2019 – Marion Cousineau – Anne Sylvestre (© Luc Allegier)

Bar­jac m’en chante 2019 – Marion Cou­si­neau, Anne Syl­vestre (© Luc Allegier)

27 et 28 juillet 2019 – Jour­nal de bord d’une enchan­tée – Actes 1 & 2

Bar­jac m’en chante 2019

Avec
Acte 1 :
 Ouver­ture du fes­ti­val avec Les Zazoux - Expo­si­tion Anne-Marie Pani­ga­da « La Mémoire en Chan­tant » – Concerts de Marion Cou­si­neauPicon mon amour au cha­pi­teau du Pra­det
Acte 2 :
Ren­contre de onze heure moins onze – Expo­si­tions au Jar­din des papo­tagesDécou­vertes du Pra­det : Lily LucaBen Her­bert LarueLes Ren­dez-vous de l’Espace Jean Fer­rat : Annick Cisa­ruk & David Veni­tuc­ciJehan & Lio­nel Sua­rezAnne Syl­vestre


Salle du châ­teau, Espace Jean Fer­rat (cour du châ­teau), Salle Trin­ti­gnant, Jar­din des papo­tages, Cha­pi­teau du Pra­det– Bar­jac (Gard)

L’édition 2019 sera celle de l’enracinement. Le for­mat vou­lu est en place, et c’est à nous de faire le néces­saire pour le voir prendre ses aises, vous deve­nir fami­lier et vous conduire à une réelle appro­pria­tion. Cet ense­men­ce­ment cultu­rel est essen­tiel, loin de tout sau­pou­drage et ges­ti­cu­la­tion de sur­face, quand sou­vent sur l’océan des paroles, seule flotte la langue de bois. Ici les chan­sons comme les cultures doivent se frot­ter sans fric­tion et les langues de la Terre s’ex­pri­mer sans crainte.
Pen­dant six jours, par mots et par voix, vous enten­drez des vers habillés de leur parure mélo­dique. Moins de son et plus de sens, loin des man­geoires à images. Vous ren­con­tre­rez en che­min, Pier­rots lunaires déjan­tés, ébé­nistes du verbe ou impé­ni­tents imper­ti­nents. […]
Du chu­cho­te­ment à la déme­sure, long­temps, long­temps après que les poètes aient dis­pa­ru, les chan­sons courent encore dans les rues.
Bon Fes­ti­val !

EDITO 2019 de Jean-Claude Barens (extrait)

Pre­mières images… Un regard sur l’ex­po­si­tion d’Anne-Marie Pani­ga­da : déam­bu­la­tion affec­tueuse, nos­tal­gique et joyeuse dans les 25 années d’un fes­ti­val qui a son His­toire… J’y revien­drai plu­sieurs fois au cours du fes­ti­val… Une col­lec­tion de pho­to­gra­phies qui savent cap­ter l’instant pour son inten­si­té ou son ori­gi­na­li­té… Un regard tendre et bien­veillant sur cette longue tra­ver­sée… Un arrêt sur une année de cani­cule et de luttes : 2003 où « d’autres monde sont possibles »… 

C’est l’heure des pre­mières retrou­vailles… Ache­ter son tee-shirt, son verre… Ecou­ter les dis­cours de l’i­nau­gu­ra­tion. Un direc­teur artis­tique qui nous offre son hom­mage à la chan­son où l’on recon­naît une myriade de titres popu­laires. Un maire qui, comme chaque année, fait dans l’é­thique et l’es­pé­rance dans la Chan­son… Une inau­gu­ra­tion de belle lignée sui­vie des galé­jades d’un duo bur­lesque, Les Zazoux… Dur, dur dans le bar bruyant du châ­teau. ! Ils ont droit à toute mon admi­ra­tion !! Le mau­vais temps contraint l’é­quipe à repor­ter le concert d’Anne Syl­vestre à demain… Ce soir Marion Cou­si­neau et Picon mon amour se pro­duisent au cha­pi­teau. Le concert d’Anne Syl­vestre est repor­té à demain.

Bar­jac m’en chante, Jour 1… Pluies tor­ren­tielles, éprou­vantes pour toute l’é­quipe, pour cer­tains spec­ta­teurs sans doute aus­si. La jauge de l’Es­pace Jean Fer­rat n’est pas celle du cha­pi­teau… Vous aurez vite ima­gi­né le défi !

Du coup Marion Cou­si­neau est pri­vée de cour du châ­teau… Pau­vrette !! L’émotion de la grande scène ce sera donc pour une autre fois !

Son âme – papillon affleure à chaque geste, chaque mot… Ce sont des effleu­re­ments de ten­dresse, des sou­rires à faire fondre le plus dur, le plus exi­geant… Elle res­pire l’hu­ma­ni­té cette Marion, dans toutes ses nuances. Quand elle chante la rup­ture, elle fond de dou­ceur… Je suis lit­té­ra­le­ment sous le charme, sans aucune res­tric­tion, qu’elle s’ac­com­pagne au pia­no ou à la basse… Quand elle reprend Allain Leprest ou Danielle Mes­sia (Je t’é­cris de la main gauche…) c’est à pleu­rer… Euh, par­don … Plus que ça… Je pleure…! Et la pluie sur la toile du cha­pi­teau nous fait escorte… Ins­tant magique !
Alors on com­pren­dra peut-être que le duo qui vient ensuite m’a sans doute un peu trop cha­hu­tée… Le duo de Lau­rène à l’ac­cor­déon et Jojo à la basse, aux per­cus­sions et à la bas­sine c’est vol­ca­nique, c’est pour rire à gorge déployée… Et j’ai ri, sans pour autant oublier sérieu­se­ment nos rela­tions homme- femme pas mar­rantes du tout … Grin­çantes par­fois…
Mais c’é­tait fran­che­ment bru­tal après Marion… Il faut tout de suite pré­ci­ser que ce n’é­tait pas pré­vu comme ça… Ce duo Picon mon amour devait se pro­duire à minuit trente, en « Décou­vertes du Pra­det » au cha­pi­teau… Et c’é­tait bien vu ! Aucun reproche donc à la pro­gram­ma­tion !
En sor­tant, j’a­vais les pieds dans la gadoue … et je m’ac­cro­chais de toutes mes forces à la beau­té du concert de Marion !

Bar­jac m’en chante, Jour 2… Mon pre­mier ren­dez-vous aujourd’­hui, c’est avec Onze H moins onze ren­contre ani­mée par David Des­reu­maux (Hexa­gone). La Chan­son trouve chaque jour dans cet espace son temps de dia­logue, de réflexion, la confiance et les doutes qu’elle génère… Un peu de hau­teur comme essaie d’en prendre un évè­ne­ment aus­si pres­ti­gieux que les Fran­cos de La Rochelle… Mais avec net­te­ment moins de réus­site ! C’est Patrice Demailly (Libé­ra­tion- RFI) qui en témoigne avec une cer­taine admi­ra­tion pour cette salle Trin­ti­gnant (le ciné­ma de Bar­jac) pleine de pas­sion­nés. On y appren­dra, de la bouche même d’Anne Syl­vestre, qu’une pas­tille Radio France et sa men­tion « A évi­ter » col­lée sur son pre­mier 45 tours, déci­dèrent à tout jamais, le croit-elle, du mépris des radios. Marion Cou­si­neau, elle, témoi­gne­ra, avec la même pudeur et le même sou­rire que sur la scène, de son his­toire sin­gu­lière, un pied en France, l’autre au Qué­bec, bien déci­dée à gar­der cet équi­libre de funam­bule … A 15 h 30, faute de pou­voir entrer écou­ter Claud Michaud , je choi­sis d’al­ler au Jar­din des papo­tages où des expo­si­tions sont nichées dans de petites alcôves…(Pierre brun, décé­dé en 2011, Sophie Mil­lot, Eugé­nie Bal, Cie Mots de tête) La pierre, le marbre, le fer, la pein­ture, papiers, ciseaux, pein­tures, nous offrent leur lan­gage… L’i­ma­gi­naire côtoie l’hu­mour, l’é­lé­gance et les cris de révolte. J’y ai vu de belles et tendres courbes fémi­nines, des oiseaux bizarres et l’homme qui marche, celui qui joue de la musique…
A 17 h sous le cha­pi­teau du Pra­det, c’est Lily Luca qui ouvre le bal des « décou­vertes » qui, pour cette fois, n’en est pas vrai­ment une pour moi… Je la retrouve telle qu’elle m’est chaque fois appa­rue : pleine de malice, faus­se­ment joyeuse… Faut grat­ter sous l’é­corce du déca­lage, sous le jeu avec le spec­ta­teur. On y trouve un regard de jeune femme sans conces­sion sur son his­toire, ses jeunes années, sur nous tous, ce monde autour de nous… C’est Ben Her­bert Larue qui la suit. Contre­basse, pia­no, et trom­pette avec lui et son accor­déon… D’emblée, ça frappe fort pour moi. La voix grave qui se heurte aux aspé­ri­tés m’en­voûte. L’ac­com­pa­gne­ment est à l’u­nis­son de cette force qui s’ex­prime. Les textes me font fris­son­ner et je regret­te­rais presque la légè­re­té du chant cho­ral avec le public qui lui fait fête sans une hési­ta­tion… Je quitte le cha­pi­teau avec le sen­ti­ment que je viens de faire une décou­verte majeure pour cette Chan­son qui che­mine, coûte que coûte.
La longue, très longue soi­rée avec ses trois concerts s’a­chè­ve­ra à près de deux heures du matin. Annick Cisa­ruk d’abord, longue et belle dans la lumière, avec l’é­toffe légère de sa robe et ses che­veux vire­vol­tant au vent ouvre la soi­rée. Quand j’ap­prends que les textes sont de Yanows­ki je com­prends mieux cette inten­si­té dans le texte, cette déme­sure, l’in­ter­pré­ta­tion empha­tique qui nous ramè­ne­rait à la fin du XIXème siècle… Une âme de tra­gé­dienne Annick Cisa­ruk, un per­son­nage de Dos­toïevs­ki l’ha­bite peut-être … David Veni­tuc­ci à l’ac­cor­déon est gigan­tesque !
Jehan sui­vra avec Lio­nel Sua­rez. Leur évi­dente conni­vence, l’ac­cor­déon dans toutes ses inflexions, leur relec­ture des chan­sons d’Allain Leprest, la voix et la dic­tion de Jehan, tein­té de cet accent du Sud qui détache chaque syl­labe nous rendent pal­pable la force d’une écri­ture d’ex­cep­tion. Séquence fris­sons.
Enfin vient Anne Syl­vestre. Déci­dé­ment, osons sans grande ori­gi­na­li­té – je le concède – l’im­mense Anne Syl­vestre ! Elle est émue, Anne, ce soir (c’est la der­nière de 60 ans déjà ! …), avec sa triade de jeunes femmes au pia­no, cla­ri­nettes et vio­lon­celle qui enru­banne si joli­ment ses chan­sons. C’est un peu sa mai­son ici… Elle offre ses incon­tour­nables, lève le voile sur ses nou­velles aus­si, se ras­su­rant encore un peu avec son texte en mains… Elle est en che­min, Anne. Tou­jours. Son talent d’au­teure et de mélo­diste ne flé­chit pas. On reçoit à cet ins­tant même une leçon de vie d’ar­tiste, de vie de femme. Cha­peau bas l’artiste !