Pause Guitare 2019 - Prix Magyd Cherfi – Matéo Langlois  (© Xavier Rdautan )

Pause Gui­tare 2019, Prix Magyd Cher­fi – Matéo Lan­glois (© Xavier Rdautan )

5 & 6 juillet 2019 – Les « Décou­vertes » Chan­son du Fes­ti­val Pause Guitare

Prix Magyd Cherfi 

Avec, par ordre de passage :

Acte I Lombre (Pic d’or 2018 Tarbes) – Siau (Prix Georges Mous­ta­ki 2019) – Jérôme Mar­da­ga (Fes­ti­val Fran­co­phone Bruxelles) – Chances (Qué­bec)

Acte II Nir­man (Séma­phore en Chan­son Céba­zat) – Matéo Lan­glois (Réseau Chan­son Occi­ta­nie) – Les fils du fac­teur (Voix de Fête Suisse) – Ber­tille (Prin­ti­val Pézenas)


L’Athanor – Albi (Tarn)

Sans cesse à la recherche de la « perle rare », Arpèges & Tré­mo­los milite et agit de façon concrète depuis de nom­breuses années en faveur de la décou­verte dans le domaine de la chan­son. Membre actif de plu­sieurs réseaux pro­fes­sion­nels à échelles dif­fé­rentes, et de por­tées dif­fé­rentes, l’association effec­tue aus­si un tra­vail auprès des pro­fes­sion­nels de la musique.

Le Prix Magyd Cher­fi, appe­lé aupa­ra­vant trem­plin « Décou­verte Chan­son » est orga­ni­sé à chaque édi­tion du fes­ti­val. Le jury se com­pose de pro­fes­sion­nels du spec­tacle et du grand public, sen­si­bi­li­sé aux enjeux de la scène fran­çaise actuelle. Deux rai­sons à cette expo­si­tion média­tique pour eux : la pré­sence de pro­fes­sion­nels du spec­tacle sur le trem­plin « Jeunes Talents », et l’adhésion du public au spec­tacle proposé.

8 groupes issus de toute la fran­co­pho­nie, choi­sis cha­cun pour leur talent (par un membre du réseau pro­fes­sion­nel*) vont jouer durant 25 minutes cha­cun. L’ordre de pas­sage est éta­bli par tirage au sort. 3 jurys votent ensuite : les pro­fes­sion­nels, le public et le jury La Dépêche du Midi. À l’issue de ces déli­bé­ra­tions, chaque jury déli­vre­ra sa propre récom­pense : une date de concert de la part des pro­fes­sion­nels, un sou­tien en com­mu­ni­ca­tion de la Dépêche du Midi et 1000€ offert par La Poste pour le vote du public. *Ajou­té par nos soins. 

Qu’est ce que le Prix Magyd Cherfi ?

Le nec plus ultra dans cette ren­contre, comme dans d’autres trem­plins, c’est évi­dem­ment ce que Matéo Lan­glois vient de réus­sir, tout comme Govrache l’an pas­sé, et avec le même panache : convaincre les pro­fes­sion­nels et le public !

C’est une nou­velle récom­pense pour un artiste émergent sur lequel nous avons déjà beau­coup écrit… Chaque fois qu’il appa­raît en scène, c’est un mor­ceau de choix qui satis­fait tout ce que nous venons cher­cher, depuis tou­jours, dans le spec­tacle vivant. Cette fois encore il n’a pas démen­ti notre attente. D’abord son talent d’instrumentiste, son lien superbe avec le saxo­phone alto. On sait à quel point il peut dis­cou­rir avec les sons de son ins­tru­ment de pré­di­lec­tion, comme il le fait pré­ci­sé­ment ce jour là en ouver­ture ou comme il s’en amuse pour finir… Et s’il par­ve­nait un jour à chan­ter et à jouer du saxo en même temps ?

Par tous les moyens, il veut dire, s’exprimer dans un lan­gage uni­ver­sel : sa voix et tous les effets à sa por­tée (scat, beat box) les notes de son cla­vier, l’embout de son sax… C’est pré­ci­sé­ment ce lan­gage sonore auquel s’associe son goût des mots – assem­blés avec l’habilité du jon­gleur d’images, sans jamais perdre de vue le mes­sage – qui fait sa force de per­sua­sion. Car ce très jeune homme se penche sur nos vies – nos vies nous dit-il, comme autant de livres à écrire en « se [don­nant] le droit d’écrire les mots comme on les voit » – ne s’enferme jamais dans un dis­cours égo­cen­tré. C’est un appel à vivre, une ode au départ, une ode à la liber­té… Quand rien n’est très simple, mais tou­jours ardent… L’ardeur, l’émerveillement trans­pirent dans ses chan­sons, comme dans son lan­gage cor­po­rel. Il saute, fait de bonds pro­di­gieux – notons qu’il est res­té sobre cette fois, dans le contexte du trem­plin – et sur­tout il danse quand les sons en appellent au corps qui exulte. On note­ra que cette fois il semble avoir trou­vé la tenue de scène adap­tée à cette expres­sion cor­po­relle… Veste et pan­ta­lon noirs – ce noir, cette « cou­leur fan­tas­tique » disait Bar­ba­ra, irrem­pla­çable en scène – dans une matière souple, près du corps…

Bien évi­dem­ment, il serait injuste de ne pas consi­dé­rer les autres jeunes talents qui nous ont été pro­po­sés au cours de ces heures de trem­plin, dans cette jolie salle de l’Athanor qui garde trace de son his­toire : ancien gym­nase, puis ancienne halle aux grains, avec sa char­pente et ses colonnes de briques. Un pla­teau de huit mètres d’ouverture, une jauge de 220 places en amphi­théâtre. Abso­lu­ment idéale pour la Chanson.

Le trem­plin s’ouvre avec deux artistes dans cette mou­vance actuelle du rap et du texte par­lé… A l’occasion du der­nier Pic d’Or nous avions évo­qué le tra­vail scé­nique de Lombre, ses dépla­ce­ments, son allure maî­tri­sée, l’accompagnement de machines et de la gui­tare élec­trique… Il déroule sans fin ses émo­tions, ses sen­sa­tions, ses ques­tion­ne­ments – par­fois on sou­hai­te­rait vrai­ment un peu moins de sou­ci de soi… Pour l’heure nous conti­nuons sur­tout de déplo­rer des mots, une atti­tude face au public, en déca­lage avec son jeune âge. Il abuse des injonc­tions mora­li­sa­trices… Nous regret­tons de ne pas pou­voir leur accor­der du crédit.

Le deuxième artiste est SiAu. Les pre­mières secondes – essen­tielles dans un spec­tacle, quel qu’il soit – nous impose l’image d’un artiste en proie à ses longs réglages, tête bais­sée. On ne peut pas dire que ce geste tech­nique soit pro­pice à l’échange avec le spec­ta­teur… Ce genre de pro­jet avec toute une file­rie, tout un câblage au pied de l’artiste, mérite sûre­ment que l’on s’interroge sur cette nou­velle com­mu­ni­ca­tion scé­nique. C’est d’autant plus trou­blant que SiAu, au milieu d’une pres­ta­tion un peu tou­jours sur le même ton de la lamen­ta­tion, aborde aus­si la ques­tion de notre dépen­dance aux écrans qui nous hyp­no­tisent… Certes il tente par moment quelques mou­ve­ments qui agré­mentent ses textes … Peut-être serait-il bon d’aller plus avant dans cette recherche « cor­po­relle » ? Redon­ner du vivant, de la chair à toute cette technologie. 

Ce pre­mier jour, avouons-le, a désem­pa­ré pas mal de spec­ta­teurs, notam­ment deux autres pro­po­si­tions. Par­lons donc de ce qui fâche… Le groupe de Bruxelles d’abord, autour de Jérôme Mar­da­ga qui pro­pose une pres­ta­tion volon­tai­re­ment hur­lante, assour­dis­sante. Certes, il est aisé de com­prendre qu’il s’agit de nous invi­ter à rejoindre « un monde en armes et en larmes » selon la pla­quette du pro­gramme, selon aus­si la pro­jec­tion d’images sur grand écran et les frappes en force et sans nuance du bat­teur. Des quelques mots per­çus (impos­sible de lire ceux qui défilent beau­coup trop vite sur l’écran) émerge essen­tiel­le­ment « J’ai peur… j’ai froid ». On sou­hai­te­rait que ce groupe ait eu l’occasion de confron­ter son monde à celui de DBK Pro­ject, éga­le­ment pro­gram­mé sur ce festival.

Ensuite le groupe qué­bé­cois, Chances, essen­tiel­le­ment anglo­phone, hélas ! Et par là, nous semble-t-il hors de pro­pos dans ce trem­plin fran­co­phone… Il nous rap­pelle pour­tant l’excellent duo Doba­Ca­ra­col aujourd’hui dis­pa­ru – avec ses deux chan­teuses Chloé Lacasse et Gene­viève Tou­pin, offrant leur fraî­cheur, leur tra­vail vocal, leur ges­tuelle cho­ré­gra­phiée, leur réper­toire pop agré­men­té d’influences très métis­sées, par­fai­te­ment sou­cieuses du par­tage avec le public.

Voi­là pour le pre­mier jour. On s’éloigne d’Albi en se disant que tout se joue­ra sûre­ment le lendemain.

C’est Nir­man qui ouvre cette seconde ses­sion avec tou­jours l’ordinateur au pre­mier plan… Sur la pre­mière chan­son il offre un pont ins­tru­men­tal à la cla­ri­nette, nous lais­sant espé­rer un peu plus… Mais ce sera tout. En fait, tout au long de cette pres­ta­tion on rêve­ra de le voir se déli­vrer de ses machines. Le tout élec­tro­nique a fini par nous las­ser… On espé­rait aus­si voir s’ouvrir les thèmes en enten­dant le titre Azzam David…Mais ce fut tout. Pour le reste, il n’a été ques­tion que d’amour, sans renou­vel­le­ment du genre, sans grande inven­ti­vi­té. Quant au der­nier titre sur la soli­tude il nous a plon­gés dans la nos­tal­gie de si grandes chansons !

Après Matéo Lan­glois vint le duo suisse Les fils du fac­teur. Ses touches fan­tai­sistes, son humour, les notes acous­tiques de la gui­tare et de l’accordéon, la voix de Sacha, proche de celle d’Yves Jamait nous ont don­né envie de leur dire mer­ci. Un moment de res­pi­ra­tion que salue aus­si l’at­tri­bu­tion de deux prix.

Pour conclure c’est le pro­jet Ber­tille dont nous aimons l’élégance, la sen­sua­li­té, la déli­ca­tesse des textes, la moder­ni­té de l’électro mariée à la tra­di­tion des cordes : vio­lon, vio­lon­celle, alto… Sans doute là aus­si, sur les longues et belles plages ins­tru­men­tales, pour­rait-il y avoir une cho­ré­gra­phie contem­po­raine, légère, aérienne comme les thèmes des chan­sons. Nous aimons le mélange des genres, ce qui n’est sûre­ment pas au goût de tous. Notons le moment de grâce qu’offre la chan­son en hom­mage au vent et aux femmes dans « ce monde [qui] a chan­gé corps et âme… ».

Un moment de dou­ceur dans un monde qui nous a paru consi­dé­ra­ble­ment pes­si­miste, voire déses­pé­ré. Le recours fré­quent, par­fois exclu­sif, à des sons nés de l’électronique, à des rythmes très syn­co­pés, nous semble ampli­fier cette per­cep­tion d’un monde inquié­tant et froid, ce monde des machines que le conte ins­tru­men­tal et vocal de DBK Pro­ject met en exergue pour mieux nous aver­tir… Puisse la Chan­son ne pas y perdre son âme !

Lau­réats 2019 Prix La Dépêche du Midi | Les Fils du Fac­teur
Prix Fan­co­fans (Nou­veau) | Les Fils du Fac­teur
Prix du Public | Matéo Lan­glois
Prix des Pro­fes­sion­nels | Matéo Langlois