Barjac M’en Chante, Alcaz’ & Yves Jamait –2022 (©Bruno Kreitz)

Bar­jac M’en Chante, Alcaz’ & Yves Jamait 2022 (©Bru­no Kreitz)

30 & 31 juillet 2022, Jours 1 & 2 de Bar­jac M’en Chante 

Vivre et revivre Bar­jac m’en Chante 2022

Avec,

Les p’tits gars laids – Marion Cou­si­neau, Nuances - Laurent Ber­ger, Chan­sons de l’instant - Véro­nique Pes­tel, Mon Ara­gon – expo­si­tion « Les mondes de Wal­ly » et pein­tures de Jean Saus­sac, Ara­gon avec Sté­phane Hir­schi – Léo­nor Bol­cat­to – Coren­tin Grel­lier, avec Claude Del­rieu à l’accordéon, De plumes et d’os – Le duo Alcaz,’ D’amour et d’eaux fraiches – Yves Jamait, Paren­thèse 2, la der­nière !


Espace Jean Fer­rat – Cha­pi­teau du Pra­det – Cour haute de l’école – Salle Trin­ti­gnant – Biblio­thèque – Jar­din des papo­tages – Bar­jac (Gard)

En guise de pré­am­bule : Ces lignes ont été écrites et publiées sur ma page per­son­nelle du réseau Face­Book au fil des heures et des jours. Je leur donne un des­tin moins fugace en publiant ici mon jour­nal de bord du Fes­ti­val m’en Chante 2022 avec par­fois quelques ajouts. 

7h30 En route pour Bar­jac… Je l’attendais avec fébri­li­té ce moment là…

Quit­ter Tou­louse avec une copi­lote par­ti­cu­liè­re­ment sujette à l’en – chan­te­ment… Pré­si­dente de l’un de nos fes­ti­vals hau­te­ment recon­nus dans notre monde de la chan­son… Avec nos bavar­dages, il faut le dire, le temps me semble court et les petites dépar­te­men­tales nous voient même par­fois pas­ser deux fois au même endroit !! La carte Miche­lin dou­blée du GPS réserve des sur­prises quand on veut à tout prix évi­ter l’autoroute clas­sé « noir » en ce 30 juillet ! « Il faut accep­ter de se perdre pour mieux se retrou­ver »… Mais on est aux anges à la tra­ver­sée de nos petits vil­lages inat­ten­dus dans leurs murailles de pierre… Le Tarn, la Lozère, le Gard… C’est beau !

Bar­jac se des­sine au loin… ça y est, on aper­çoit le cha­pi­teau tout là-bas ! Un peu fati­guée quand même je l’avoue, je dépose ma copi­lote dans une vil­la très fraîche, agré­men­tée d’une pis­cine et m’en vais décou­vrir ma chambre au cœur de la cité, tout à côté de la grande allée de pla­tanes. Il me reste un peu de temps avant l’inauguration devant l’office de tou­risme, mais je manque le ver­nis­sage des expo­si­tions à 16h. La course contre la montre commence !

17 h : Je ne sais pas com­ment ça peut être pos­sible, mais les dis­cours d’année en année conti­nuent de me convaincre que ce coin de France est déci­dé­ment sous une pro­tec­tion sur­na­tu­relle… Apol­lon, Orphée, sor­cières ou fées… ? Choisissez !

C’est le Pré­sident de l’associationChant Libre, Antoine Aga­pi­tos qui pro­nonce les mots « rêve inno­cent », « pla­nète fes­ti­val », la repré­sen­tante du conseil dépar­te­men­tal du Gard choi­si­ra « ren­dez-vous essen­tiel » avec la culture. Jean-Claude Barens lui, en pro­non­çant, comme conve­nu son der­nier dis­cours de direc­teur artis­tique de cet « îlot de résis­tance », conti­nue obs­ti­né­ment de rap­pe­ler que les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts et célè­bre­ra, avec le talent d’auteur qu’on lui connaît, « cette chan­son qui nous lie, nous relie » en pas­sant le témoin à Julie Ber­thon. C’est mon­sieur le Maire qui conclut rap­pe­lant le rôle his­to­rique de Jean Vas­ca  et ce com­bat à mener pour « éle­ver, édu­quer, ins­truire ».

Cette fois, nous y sommes ! Je m’amuse à iden­ti­fier les visages tout autour de la fon­taine, ces gens que j’aime tant retrou­ver. Ils sont au ren­dez-vous et, cette année, on se claque même des bises pen­dant que le trio local, « Les p’tits gars laids » (gui­tare, contre­basse, vio­lon, cajon) nous rap­pelle que la chan­son s’invite tou­jours à la fête.

18h30 C’est l’heure de l’apéro… Quelque part niché dans l’une des ado­rables petites places de Bar­jac un bar à vins et à tapas nous tend ses tables où l’on repeint de neuf le monde de la Chan­son… et même davan­tage ! Ce pre­mier soir c’est avec Gilles Tcher­niak et Wal­ly que je m’y colle et les cou­leurs virent au lumi­neux, au doux… Que c’est bon !

Et les concerts allez-vous me deman­der ? J’y viens.

21h30, espace Jean Fer­rat, autre­ment dit la cour du châ­teau. La soi­rée débute avec la voix de Fran­çois Morel ren­dant hom­mage, avec le brio qu’on devine, à Jean-Louis Trin­ti­gnant dont on entend la voix fati­guée mais si juste, dire le texte de Cor­neille, Mar­quise. Emprun­tons lui ses mots au len­de­main d’une tra­gé­die qui le bri­sa à jamais : « Ne pleu­rons pas de l’avoir per­du, réjouis­sons-nous de l’avoir connu. »

C’est Marion Cou­si­neau qui enchaîne accom­pa­gnée de sa basse élec­trique… Voi­là, vous sau­rez tout ou presque de cette soi­rée si je vous dis, dou­ceur, déli­ca­tesse, charme… Oui, charme, c’est-à-dire ce pou­voir des mots, des sons, ceux qui vous envoûtent, vous arrachent à ce monde injuste et cruel, stu­pide et j’en passe… Comme l’écrit si joli­ment Domi­nique Kovacs sur sa page Face­Book, « Bar­jac nous a chan­té ce soir, mais sur­tout Bar­jac nous a dit »… Haute sphère de l’expression poé­tique conclut-elle. Oui, Domi­nique, je ne sau­rais mieux dire… Marion, cette chan­teuse qui vous mur­mure à l’oreille des confi­dences, qui vous invite à faire un pas après l’autre sur votre fil, sans regar­der en bas bien sûr, à ché­rir au lieu de pos­sé­der puis Laurent Ber­ger avec son phra­sé sin­gu­lier, sa haute sil­houette, sa gui­tare enla­çant ses mots qui vous semblent nés dans un autre siècle… Et pour­tant… Comme j’aime ses mots « Il y a des arbres comme des oiseaux en fleurs »… et je le suis tou­jours – c’est infaillible – quand il se veut palu­dier ou quand il m’emmène dans la librai­rie du pas pressé…

Enfin, tard dans la nuit, c’est Ara­gon dans la voix de Véro­nique Pes­tel qui a fini de nous convaincre du souffle divin qui souffle par­fois dans ce lieu pro­té­gé de pierres ances­trales. Je suis sûre de m’être rap­pro­chée de l’âme et du cœur de ce poète à la sta­ture si impo­sante… « Les mots d’Aragon sont lourds comme des pierres » dit Véro­nique et pour­tant, par­fois, ils sont légers comme des oiseaux. Ce soir ils ont tra­ver­sé mon ciel…

Quand Marion et Laurent se sont joints à Véro­nique pour clore cette soi­rée avec Que serais-je sans toi,  modi­fiant légè­re­ment le texte pour mieux par­ta­ger encore ce moment unique, éphé­mère avec nous, spec­ta­teurs, je me suis sen­tie déci­dé­ment très, très pri­vi­lé­giée à cet ins­tant, là, sur ce coin de terre.

La soi­rée s’est pour­sui­vie au cha­pi­teau avec « Les p’tits gars laids » mais, moi, épui­sée et ravie – c’est-à-dire arra­chée à ma réa­li­té – j’ai décla­ré for­fait… Il va s’avérer que mon emploi du temps ne me per­met­tra jamais d’assister à la scène ouverte sous le cha­pi­teau tard dans la nuit… Dom­mage sans doute pour ceux et celles qui espèrent tant de ce passage !

***

10h30 Dans une fraî­cheur toute rela­tive, je monte au châ­teau. Ce matin, je pro­fite d’une mati­née sans spec­tacle pour décou­vrir les expositions.

D’abord ce sont les cou­leurs éton­nam­ment sombres – du moins c’est la réflexion que je me fais dans ce pays de lumières – de la pein­ture de Jean Saus­sac (1922 – 2005) aux mul­tiples talents dont celui de déco­ra­teur qui le rap­pro­cha du théâtre et du ciné­ma. Il fut aus­si le Maire d’Antraigues et, vous le devi­nez, l’ami de Jean Fer­rat. C’est bien assez pour jus­ti­fier l’hommage ici rendu.

Puis c’est « le monde Wal­ly » qui vous cueille… Oui, encore lui ! Je m’offre une bonne tranche de rire. Qui pour­rait résis­ter à ce monde ban­croche qui, sans en avoir l’air, parle si bien de nous, êtres humains éga­rés dans notre galaxie ? Ce Lilian Der­ruau a plus d’un tour dans son sac même si celui-ci, le dro­la­tique, le sar­cas­tique, l’absurde, dou­ce­ment se referme pour lais­ser place à sa vie inté­rieure… Je m’installe pour finir devant l’écran où l’on peut regar­der ses « Brèves ren­contres » avec notam­ment Anne Syl­vestre, Magyd Cher­fi, Yves Jamait, Tho­mas Pitiot, Gérard Morel… Des ren­dez vous suc­cu­lents où la parole jaillit, authen­tique et pro­fonde. Le sujet ? La vie d’ar­tiste !… De quoi faire un livre !

Déjeu­ner en ami­tié et en ter­rasse. La cha­leur tient pro­messe… Puis retour au châ­teau à 14 h. La média­thèque cette fois, où des spec­ta­teurs recueillis sont venus pro­lon­ger le concert de Véro­nique Pes­tel autour d’Aragon. Le brillant uni­ver­si­taire – mais pas seule­ment ! – Sté­phane Hir­schi, lutte contre le temps qui lui est impar­ti ( il lui faut ter­mi­ner avant les Effeuillages poé­tiques de 15h) pour défendre sa thèse sur un poète insai­sis­sable dont il jus­ti­fie le par­cours par une lutte inces­sante pour trou­ver sa juste place, lui, l’enfant illé­gi­time… Il offre quelques brillants exemples com­pa­rés d’adaptations de poèmes en chan­sons… Fer­ré, bien sûr, et sa gran­di­lo­quence, Jean Fer­rat, mais aus­si à hau­teur bien plus humaine, les inter­prètes fémi­nines, Hélène Mar­tin, Cathe­rine Sau­vage, Cathe­rine Ribei­ro, la voix trem­blée de Paule- Andrée Cas­si­dy… Bref, il donne envie de pour­suivre cette confrontation…

A 17 h dans la four­naise du cha­pi­teau où s’agitent les éven­tails, comme autant de papillons, je découvre enfin Léo­nor Bol­cat­to (je l’avais man­quée à « Troyes Chante ») en duo avec Fabien Ryba­kows­ki (gui­tare, chœurs). Dans sa longue tunique scin­tillante, elle com­mence par une chan­son d’émerveillement sur les choses ordi­naires. Cette chan­son là me happe irré­mé­dia­ble­ment et je ne la quit­te­rai plus dans les méandres de ses émo­tions et réflexions de jeune femme. Si la mort guette iné­luc­ta­ble­ment, on la devine déter­mi­née à en découdre pour atteindre l’horizon. Sa conclu­sion ? « C’est ce soir ou jamais qu’on allume les étoiles… ». Quant au deuxième pla­teau avec Coren­tin Grel­lier accom­pa­gné à l’accordéon (et à la lec­ture !) par Claude Del­rieu, j’aurais presque des scru­pules à vous en par­ler tant j’ai déjà écrit sur ce jeune chan­teur dont j’ai sui­vi pas à pas le par­cours… Ce duo est un cadeau et je vou­drais seule­ment vous dire de ne sur­tout pas le man­quer s’il passe à votre por­tée, en lui emprun­tant cette espé­rance : « Et que tout refleu­risse ! »

21h30 Une soi­rée lumi­neuse nous attend… Elle com­mence avec le duo Alcaz’ autre­ment dit Jean-Yves Lié­vaux et Viviane Cayol… 20 ans ça se fête ! Et qua­si autant que nous nous connais­sons… Jean-Yves et Viviane se sont habillés de rouge ce soir, ils se sont aus­si habillés de leur amour – ça c’est indé­niable tant ils par­tagent en scène et dans leurs textes – de leurs goût des autres et de la beau­té de la vie, quoi qu’il en coûte… Eux aus­si – tiens, comme Léo­nor ! – célèbrent ces « moments de pas grand-chose »… car « la vie va, et l’on va vite »… Quant à leur salut final, c’est avec Yves Jamait… et Bob Dylan, dans la ver­sion fran­çaise de Richard Anto­ny « Ecoute dans le vent »… Encore l’un de ces ins­tants éphé­mères qui me font aimer ce festival !

Est-il bien néces­saire de vous évo­quer le concert d’Yves Jamait, avec Samuel Gar­cia et Didier Gre­bot, qui s’est ache­vé à 1 h – le len­de­main, déjà ! – avec quelques nou­velles chan­sons… ? Notons que c’était la toute der­nière de leur tour­née de 120 dates en trio, Paren­thèse 2, en atten­dant le pro­chain album à l’automne… Alors sans doute y avait-il un cli­mat par­ti­cu­lier mais j’avoue, une fois encore j’ai ri – beau­coup ! – des jeux de scène entre les trois com­plices, et j’ai pleu­ré sou­vent… Cet artiste est si poi­gnant, les émo­tions à fleur de corps, de voix… avec ses mots qui dégou­linent direc­te­ment de son cœur. « Rien qu’un petit gar­çon »… Oui, c’est bien ça… Les mains dans les poches, shoo­tant dans un bal­lon ima­gi­naire… Et capable de vous réci­ter du Lamar­tine ! Mer­ci Yves, mer­ci Bar­jac m’en Chante, mer­ci Jean-Claude Barens de nous l’avoir, une fois encore, offert.