Bastien Lucas – Fracanusa- 2018 (©Stéphane Merveille)
19 août 2019, retour sur l’album de Bastien Lucas (sorti le 21 décembre 2018) en prévision de ses concerts dans le Sud-Ouest pour Chantons sous les Toits.
Album Fracanusa & concert Tour de moi en solitaire
Avec
Daran (réalisation – guitares, basse, clavier, chœurs) Bastien Lucas (paroles et musiques sauf Petits – piano, claviers, guitares) Doug Yowell (batteries, percussions), Marielle de Rocca- Serra, Vinh Pham, Othar Malikishvili, Julie Séville- Fraysse (cordes)
Un concert de rentrée, c’est l’opportunité de se pencher davantage sur l’univers d’un artiste. Voici que s’annonce le prochain passage à Toulouse (6 septembre) et à Gaillac (7 septembre) de Bastien Lucas en ouverture de la prochaine saison de Chantons sous les Toits. (https://loiseaulyrecompagnie.wixsite.com/chantonssouslestoits)
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Le nom de Daran se rattache au dernier album de Bastien Lucas. Une rencontre ne saurait être fruit du hasard… Songeons à celle de ces deux musiciens. Comme une évidence. Quinze ans déjà. En 2004, en effet, Bastien est invité par Daran à jouer la reprise de sa chanson Extrême, lors de ses concerts à l’Européen.
Voilà qu’ils ont fini par collaborer pour tout un album, par conjuguer leurs univers faits de mots, de voix et de notes dans Fracanusa.
A l’occasion d’un concert dessiné de Daran, nous écrivions en 2016 « Il plane des désirs d’étreintes, de lettres, des manques, des appels, des rêves de devenir navigateur… Sinon rien ! […] l’homme rêve. Toujours. Il rêve fort d’un Monde perdu. Pour rendre grâce à l’amour il dresse des cathédrales, non pas des colonnes de pierre mais des arbres immenses… « Je nous vois sans frontières, sans limites et sans lois »… C’est peut-être en songeant à la Bretagne d’où il vient, à la maison surplombant les rochers, au bout de l’Océan, que Daran peut donner du sens à sa vie… à son voyage d’errant, d’homme de mélodies et de mots qui s’en vient à la rencontre d’autres hommes, répétant « Je ne suis que le mouvement des marées. »
Et dans ce mouvement des marées, voilà qu’il croise un jour Bastien Lucas qui pourrait simplement remplacer la Bretagne par Calais… Car Bastien sait Où aller… Il sait quelle est sa terre originelle, cet « amour de naissance », son refuge. Il lui offre un hommage où les cordes offrent leur souffle lyrique « contre les décors agglomérés /et leurs airs vicieux et viciés… »
L’Académie Charles Cros à deux reprises – pour chacun de ses albums – a accordé son coup de cœur à Bastien Lucas. Et c’est justice. S’il aime jongler avec les mots, et ce, depuis ses tendres années, Bastien Lucas est un musicien qui se nourrit d’influences multiples, sans jamais se tenir éloigné de sa formation classique. Pour nous en convaincre, le titre Petits/L’horizon chimérique emprunte au cycle de Mélodies de Gabriel Fauré pour voix et piano, inspiré du poème de Jean de la Ville de Mirmont, tout en mélancolie. L’homme vieillissant, le regard perdu sur l’horizon, s’adresse aux générations en devenir…
Ce deuxième album, avec cette fusion des cordes, des claviers, des guitares, est avant tout une proposition de paysages, d’images… C’est un 21 décembre, au solstice d’hiver que l’album est sorti… Dans un symbolisme très verlainien, un piano, note à note, accompagne la blancheur, la neige, le froid, la chute de la neige, ces flocons qui rassemblent : « les petits et les grands sont tous des enfants ». C’est sous [les] paupières que tout se passe, comme dans sa chanson A l’autre bout du monde qui clôt longuement l’album… Car c’est dans la création, la re-création en notes et mots ailés que « Pour survivre ça vaut mieux d’en faire un trésor /A l’autre bout du globe… » Le paysage est intérieur, il se dessine mot après mot, et demeure alors dans l’acte de créer : Les yeux fendent l’esprit /Et ouvrent la porte /Aux images, eaux-fortes /Qui se gravent en dur et durent… »
Dans son spectacle, Tour du moi en solitaire, mis en scène par Xavier Lacouture, il se livre un peu, dévoile quelques dates autobiographiques essentielles, toujours avec élégance, un zeste d’humour, une mise à distance nécessaire avec sa propre histoire. On comprend que ses chansons sont nourries des méandres du cours de sa vie, sublimés par cette mise en forme artistique, tendant ainsi vers l’universel. Le texte de « Jamais toujours », cette attente vaine du père prend soudain une force singulière, avec ces souvenirs et mots remontés de l’enfance. « Déglutis » aurait dit Barbara… Le premier titre, Si tu, avec ses longues plages instrumentales, nous rappelle à nos paradoxes, nos incohérences, et la chanson Félins dresse un curieux et troublant portrait d’une humanité livrée à ses « instincts de sauvages », quoi qu’on fasse, même si on imagine se mettre des « fils à la patte ».
Et de l’amour, qu’en fait-on ? C’est une silhouette qui apparaît « dans la ville tout à l’heure » et qui s’efface tout aussitôt, une « hallucination » quand « l’absence mène à l’obsession »… Etrange coïncidence avec l’absence du père… « J’t’attends mais y a toujours personne »… Dans cette chanson très cinématographique les voix de Bastien Lucas et de Daran sont mêlées, l’accompagnement est très sobre, une guitare au lointain… Le clavier souligne une pause… Tout en nuances. Comme la poésie de Verlaine. Rapprochement qui ne saurait déplaire à l’amateur de mélodies françaises…
De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu’on sent qui fuit d’une âme en allée
Vers d’autres cieux à d’autres amours. (Art Poétique, Jadis et Naguère, Paul Verlaine)
Vous trouverez les dates des concerts à venir sur le site de l’artiste : www.bastien-lucas.fr