Cali – Ces jours qu’on a presque oubliés (vol. 1), 2022 (© Philippe Fernandez)
5 novembre 2022 – Ces jours qu’on a presque oubliés (vol. 1)
Dixième album de Cali sorti le 14 octobre 2022
Avec
Cali (chant, guitare acoustique, harmonica), Julien Lebart (piano, harmonium, orgue Hammond, mandoline), Steve Wickham – The Waterboys (violon), Pierre-André de Vera (guitare), Mélody Giot (violoncelle), Charlotte Chollet (alto), Marie-Camille Costaseca et Cécile Teixidor (violons), Patrick Felices (contrebasse, basse), François Miniconi (cajon, percussions, batterie), Blaise Margail (trombone), Nicolas Puisais (trompette)
Avertissement : Ce texte ne saurait passer pour une chronique. C’est une pure fiction, un jeu d’écriture où se trouvent insérés en caractères gras les 11 titres de l’album et quelques mots, expressions, empruntés ici ou là aux chansons.
1. Lâche pas – 2. Hey les amoureux – 3. Pobrecita – 4. Je sais que toi aussi – 5. Je serai là – 6. Où vont-elles ? – 7. Alain Souchon – 8. T’es où Lili – 9. Comme un avion de papier – 10. Ces jours qu’on a presque oubliés – 11. Les larmes tombent sur mes manches
C’est presque beau sous la neige, Paris…
Il est de ceux qui, depuis l’enfance, tâtonne et doute. Il cherche obstinément ce qui a bien pu lui souffler cette idée saugrenue de devenir artiste, artiste peintre ! Mais c’est ça ou rien ! Alors, il expérimente tout, ou presque… Il erre de l’hyperréalisme au symbolisme, du pointillisme à l’abstrait. Comme on s’en doute, il fréquente assidument les musées, mais devant les grands maîtres il est pris de vertige et se sent d’une tristesse sans fond. Cette désespérance ne dure pas. Une petite voix intérieure lui souffle « Lâche pas » et ça repart ! Il se sent alors comme la rivière et la mer tout au bout. Il retourne aux pinceaux, à la toile.
Pourtant, il faut que je vous dise qu’il a bien failli renoncer. Sa petite voix familière s’est même moquée de lui. Il l’entendait à n’importe quel moment ricaner : « Hey les amoureux, hey les amoureux ! » Figurez-vous qu’une force contraire – que dis-je, une tempête, un tsunami – avait pris les traits d’une femme : des cheveux, des lèvres, des yeux que vous n’imaginez même pas ! Et l’odeur ! L’odeur de l’amour, à s’y enrouler, s’y laisser étouffer… Le corps de Pobrecita ! Il aimait tout en elle, avec elle : Paris la nuit, la pluie, les arbres nus, les chansons, Charlélie, Alain Souchon – surtout Alain Souchon ! – et même les larmes [qui] tombent sur [ses] manches, la neige qui s’accroche aux branches…
Il lui murmurait des mots ardents qu’il ponctuait, confiant, sans même attendre une réponse « Je sais que toi aussi… » Il l’inondait de promesses : « Je serai là… »
Mais ce qui devait arriver arriva. La vie, c’est moche. Un jour, les mots s’envolent, tournent, tournent et tombent à nos pieds, comme un avion de papier… Voilà, c’est comme ça que ça s’est passé. Ses rêves se sont coupés en deux. D’un coup sec.
La toile, les pinceaux attendaient. Il s’est approché d’eux et la voix disait : « Où vont-elles les amoureuses, les amantes, quand elles ont tout pris, quand elles n’ont rien laissé que des éclats éparpillés ? Que faire de ces jours qu’on a presque oubliés, du temps qui s’arrête et tourne court, du monde que l’on ne comprend plus ? Que faire de Simona, de sa jupe qui tourne sur la piste, d’Alice sur le canot un jour d’été, des boucles noires de Lili… Hein Lili, t’es où Lili ?… Que faire de Pobrecita quand la lune ne regarde qu’elle ? »
Se laisser pleurer. On a bien le droit. Le cœur d’un homme, même fou, même fort, ne peut porter tout ça.
Et puis il a relevé la tête. Il a souri à la toile, aux pinceaux. Il a caressé le bois du chevalet. Il s’est approché de la fenêtre et il a dit : « C’est presque beau, sous la neige, Paris. »