Vocal Cordes –L’(H)ardeur– 2019  (©François Torzec)

Vocal Cordes –L’(H)ardeur– 2019 (©Fran­çois Torzec)

15 avril 2019, 3ème album du duo Vocal Cordes sor­ti offi­ciel­le­ment le 7 mars

L’(H)ardeur

Avec

Aurèle Sal­mon (chant, textes sauf Les longues patiences et Je dis Aime d’Andrée Che­did, musiques sauf Je dis Aime, Mathieu Che­did), Ludo­vic Hel­let (contre­basse, arran­ge­ments voix) Chris­tophe Piot (bat­te­rie, per­cus­sion) par­ti­ci­pa­tion de Maxime Duhem (bugle dans Man­quons-nous)


Cet album a son his­toire, une his­toire pour nous sin­gu­lière à plus d’un titre. Elle nous fit même hési­ter à écrire. Mais, pen­sons-nous au final, ce serait injuste.

Outre qu’il a une iden­ti­té forte, celle du contre­bas­siste Ludo­vic Hel­let et de l’auteure-compositrice chan­teuse, Aurèle Sal­mon, il dis­pense une belle éner­gie qu’il serait dom­mage de ne pas partager.

Aurèle et Ludo font réson­ner leur duo depuis sept ans racontent-ils, né d’un curieux hasard qui les contraint, un jour, à se pas­ser de deux musi­ciens de leur quar­tet. Nous avons pu mesu­rer leur impact sur un public authen­ti­que­ment popu­laire du temps de leur pre­mier spec­tacle Chan­te­relle et bour­don. Le mini­ma­lisme de l’accompagnement, la voix d’Aurèle, aguer­rie au chant le plus exi­geant par le jazz, leur goût des mots, leur conni­vence fra­ter­nelle qui semble aller de soi, touchent inévi­ta­ble­ment le public.

Avant de reve­nir à leurs propres textes, ils ont ren­du hom­mage à l’album culte du Dave Bru­beck quar­tet, Time out, en pro­po­sant une adap­ta­tion fran­çaise, puis se sont empa­rés, très libre­ment comme tou­jours, de chan­sons de femmes signées Gains­bourg avec Melo­dy, Bri­gitte, Vanes­sa et les autres… 

En 2018 les voi­ci donc de retour à leur propre réper­toire par l’entremise du Prin­temps des poètes qui nous fit aller vers eux. Nous avons éla­bo­ré ensemble le spec­tacle annuel mêlant poé­sie et Chan­son, pré­sen­té à la sai­son cultu­relle de Lave­la­net. Le thème l’Ardeur entrait alors en réson­nance avec leur par­cours. Aurèle se mit à ima­gi­ner d’y mettre un « H »… Une aspi­ra­tion ? Un élan ? Plus sûre­ment, en tant que femme, une envie d’en découdre avec la vie, avec l’homme, auquel elle emprunte donc la pre­mière lettre. Bien enten­du il ne s’agit nul­le­ment d’une revanche, d’une colère sourde, de coups bas… Il s’agit d’être sim­ple­ment là, bien là… Ins­pi­rée par le poème d’Andrée Che­did, La femme des longues patiences [qui] se met len­te­ment au monde ». Un signe, c’est à son com­plice qu’elle confie le soin d’interpréter musi­ca­le­ment le titre. Et la chan­son finale de l’album, Valse de l’oiseau en pot, où la voix de Ludo­vic confie la défaite mas­cu­line « Depuis qu’elle mit mon pis­sen­lit au pot dans une jar­di­ne­rie, je ne luis dis plus jamais non… » en est le point d’orgue réso­lu­ment humo­ris­tique, léger, mais non moins pertinent.

Du pre­mier titre Seule, au der­nier, le duo est tou­jours aus­si ardem­ment jazz, plus « hot » que jamais – on met un H à l’ardeur, n’est ce pas ? – à la fois dans les rythmes, les mélo­dies, la voix. Il décline les hauts et les bas d’une vie qui refuse de se laisse vaincre. Pas ques­tion de res­ter assis‑e, il faut évi­ter à tout prix Les p’tits plis ! Quitte à adop­ter par­fois des atti­tudes quelque peu intran­si­geantes, à accep­ter le doute « Là où la véri­té m’emmure /​Le doute est ma liber­té » la lutte (Man­quons-nous où s’invite le son grave du bugle) ou même à mettre un arrêt bru­tal à la vie sen­ti­men­tale (Bus stop « Je ne prends plus de voya­geur disait mon cœur »). Mais on le sait bien, on y revient (Jamais deux sans toi), sans doute dif­fé­rem­ment « un peu de jeu pas d’enjeu » et pour sou­li­gner cette légè­re­té, les cordes de la contre­basse sont frap­pées joyeu­se­ment… Cette fois ce n’est plus Chan­te­relle et Bour­don mais Boyaux et Nylons où la voix de Ludo­vic, son débit, ont quelque chose de San­se­ve­ri­no et l’on se dit qu’il pour­rait chan­ter plus sou­vent ! C’est incon­tes­ta­ble­ment d’un seul cœur que Ludo­vic et Aurèle inter­prètent la célèbre chan­son de Mathieu Che­did Je dis Aime, offrant une ver­sion ori­gi­nale où les mots prennent toute leur puis­sance : « La haine je la jette !  ». C’est dit.

C’est que l’on ne peut évo­quer cet album sans rendre grâce au thème récur­rent et tou­jours sous-jacent des chan­sons de Vocal Cordes : l’amour des mots. Les textes d’Aurèle aiment nous en sou­li­gner les jeux, les enjeux. Une chan­son leur rend hom­mage, Lala­langue… « La langue… Je vous la tire, comme on tire une der­nière cartouche ! »

Irré­vé­ren­cieuse Aurèle ? Sans aucun doute dans cet album, et plus encore en scène, en plein air, dans des cafés, sur des places, où sous des dehors de fille sage, elle aime pour­fendre la bien­séance. N’aime-t-elle pas reprendre la chan­son de Pas­cal Mary, Maître- queue ?… « De tous les pré­ten­dus bai­seurs que j’ai connus /​De ceux qui vous brassent le cœur et qui vous assoiffent le cul /​Tu fus sûre­ment le plus malin… » Digne héri­tière de quelques chan­teuses oubliées du siècle pas­sé, Aurèle Sal­mon mérite ample­ment le détour.