Je suis CHARLIE… (© droits réservés)
S’arracher enfin à la stupeur, à la douleur et à la sidération pour retrouver le cours ordinaire des jours… voilà qui n’est pas si simple ! On en aurait perdu le goût d’écrire. Sans aucun doute, pour un chroniqueur, le moyen le plus efficace est-il de retourner au plus vite en concert, au contact de ces trublions, ces saltimbanques qui parsèmeront d’étoiles nos yeux encore embués de larmes.
En attendant demain, en attendant le prochain concert, arrêtons-nous sur ces chansons nées ces derniers jours et qui, dès le 8 janvier, ont fait la nique à la barbarie, à la mort. Ce cri pour Charlie assassiné, qui s’est répandu comme traînée de poudre sur les réseaux sociaux, provoquant immédiatement des millions de connexions, ce cri de combat – car c’en est un ! – qui a fait hurler à la manipulation certains, ce cri a été immédiatement relayé par les chanteurs.
C’est évidemment l’occasion de rappeler que la Chanson c’est « le journal de pas d’heures », comme l’écrit Barbara, c’est « sa fonction, sa force ». Elle est là, toujours là, escorte têtue de nos heures, de nos vies. Elles témoignent de nos coups de cœur, de nos coups de sang. Chaque fois que notre pays a souffert, chaque fois qu’il s‘est mis debout, chaque fois qu’il s’est dressé pour dire sa révolte, il s’est trouvé un poète quelque part – qu’il fût d’un jour ou de toujours – pour prendre son crayon et porter haut et fort une parole vivante. Parfois, à peine proférée, cette parole s’évapore dans l’oubli, parfois elle fait un long chemin et court encore, des décennies plus tard, dans les mémoires dont elle reste obstinément un repère.
Qui peut dire ce que deviendront les chansons écrites dans l’urgence de cette tragédie qui nous a tous bouleversés ? On devine par avance que certains crieront à la mascarade… peu importe !
Ces chansons sont écrites, chantées, elles voyagent déjà.
Du jeune chanteur inconnu, J.-B. Bullet – le premier à ce que l’on dit – s’adressant aux assassins qui n’avaient pas encore achevé leur horrible tâche, sur l’air d’Hexagone de Renaud (« Un coup d’kalach pour un coup d’crayon, tu salis ta religion »), en passant par Grand Corps Malade, (« J’ai mal à l’être humain »), texte sombre qui pourtant n’écarte pas l’espérance, quatre Françoises, en l’occurrence La Grande Sophie, Emily Loiseau, Jeanne Cherhal et Camille, avec leurs mots qui disent leur attachement à la France et leur promesse à Charlie (« Je te ferai l’humour le jour comme la nuit »), le groupe Tryo, ami de Tignous, qui offrent en plus de leur chanson, une vidéo émouvante des caricaturistes décédés au travail (« On tuera la tristesse, la misère et la guerre »), les rappeurs Waxx et Oxmo Puccino qui, sur le plateau du Before de Canal +, égrènent en douceur un texte bouleversant (« Sur l’écorce terrestre nous n’avons plus qu’à aimer ceux qui restent ») et, ces dernières heures, Francis Lalanne qui, si on l’écoute attentivement, prend la peine d’anticiper sur les reproches qui lui sont généralement faits. Dernière chanson à ce jour en hommage à l’hebdo martyr, celle de Thomas Hubert, du groupe Jagas : « Charlie, on rira /On rira encore une fois /Pour ne pas te taire /Crois-moi. » À n’en pas douter, on rira encore, même si…
Depuis quelques jours, les chanteurs sont à leur tâche, comme le sont généreusement les caricaturistes de tous horizons.
Ils sont Charlie.