Daguerre,  Miramar 2021 (©Sarane Mathis)

Daguerre, Mira­mar 2021 (©Sarane Mathis)

25 avril 2021, nou­vel album de Daguerre – sor­tie le 30 avril– enre­gis­tré en acous­tique dans les condi­tions du live, dans les dif­fé­rentes pièces de sa mai­son d’enfance, la vil­la Mer­cé­dès à Gara­zi (Pays basque)

Mira­mar

Avec

Oli­vier Daguerre (gui­tare, voix) & Michel Mous­sel (basse)


Aver­tis­se­ment : Ce texte n’est pas une chro­nique. C’est une pure fic­tion où se trouvent insé­rés en carac­tères gras les titres de l’album que voici :

  1. Ma peau 2. Perdre pied 3. Che­val fou 4. Rien 5. En hiver les coc­ci­nelles 6. Bleu 7. A 8. Blanche 9. Mira­mar 10. Tango

En hiver, les coccinelles

Blanche fre­don­ne­rait presque cette chan­son que dif­fuse en sour­dine la radio. Elle aime tant la voix unique de Juliette Gre­co. Elle pour­rait fre­don­ner, oui « Chan­ger au cours du voyage des plumes en écailles… » Elle pour­rait, mais sa voix reste obs­ti­né­ment pri­son­nière au fond de sa gorge.

A l’instant, il est sorti.

Sans un regard, sans un geste, sans un mot. Rien. Elle n’a pas besoin de se retour­ner vers l’immense baie où le bleu inso­lent enva­hit l’espace. Le ciel et l’océan sont tou­jours là, et lui devant, immo­bile. Il res­te­ra long­temps, elle le sait, comme fas­ci­né par le rocher mil­lé­naire, par l’océan majes­tueux sans le moindre bateau. Mira­mar, c’est son jar­din, son refuge dès qu’il se sent perdre pied. Elle le sait bien. Alors, que signi­fie ce galop, ce che­val fou dans sa tête ?

Elle ferme les yeux. Chaque ins­tant de la soi­rée d’hier lui revient : les rires, l’ivresse, la danse… Ce tan­go volup­tueux, un ruis­seau de dési­rs… Et puis, ces mots qu’il a glis­sés à son oreille : « Per­sonne ne caresse ma peau ». Elle a cru bon d’éclater de rire. Mais il conti­nuait : « À revendre, j’en ai de l’amour. À se pendre… » Ce der­nier mot ne la fit plus rire du tout. Quand leurs corps furent à nou­veau sépa­rés, il conti­nuait : « Je suis né naïf, contem­pla­tif… Com­prends –moi, un sacré han­di­cap… » Toute ten­ta­tive de réponse fut vaine. Les mots de Blanche se per­daient dans les vapeurs d’alcool, à peine sor­tis de ses lèvres. Il n’écoutait pas, il reve­nait à ce qui l’obsédait : « J’ai tra­ver­sé plu­sieurs vies… Mais je n’ai pas com­pris qu’il fal­lait finir son verre… »

Ce matin, Blanche lutte contre cette ter­rible impres­sion qu’une immen­si­té sans bornes les sépare… La chan­son de Juliette Gré­co lui revient, obsé­dante : « Un petit pois­son, un petit oiseau… Mais com­ment s’y prendre ?… »

Sou­dain elle aper­çoit une page grif­fon­née, aban­don­née sous la lampe. Elle se met à lire à voix haute le titre « En hiver les coc­ci­nelles ». Un poème, des mots, des images sont donc nés de cette soi­rée. C’est alors que lui revient cette phrase qu’il pro­nonce sou­vent : « Je me cache quand j’attrape un bout de poé­sie. »

Blanche sort sur la ter­rasse, glisse sa main dans la sienne : « Allez, viens, mon amour… »