Davy Kilembé La Chanson en campagne – 2018 (©Claude Fèvre)

Davy Kilem­bé La Chan­son en cam­pagne – 2018 (©Claude Fèvre)

26 octobre 2018, Davy Kilem­bé en trio concert de sor­tie de rési­dence, orga­ni­sé par Alter Echo Prod en par­te­na­riat avec le Stu­dio des Variétés

La chan­son en campagne 

Avec

Davy Kilem­bé (gui­tares, chant) Guillaume Bou­thié (contre­basse, basse, chœurs) Eric Flan­drin (bat­te­rie, per­cus­sions, chœurs)


Bordes-sur-Arize (Ariège)

Oui, nous sommes en cam­pagne. Ici l’expression revêt sa double signi­fi­ca­tion. Nous sommes en Ariège, dans la val­lée de l’Arize, affluent de la Garonne. Ici se battent – ce n’est pas une hyper­bole ! – quelques irré­duc­tibles défen­seurs de la chan­son, les membres de l’association Alter Echo Prod. Ici, comme en d’autres coins de ce dépar­te­ment (à Ver­niolle avec le Relais de Poche, à Taras­con-sur-Ariège avec l’association La voix du Scribe) à une heure de route de la Métro­pole tou­lou­saine, on asso­cie la Chan­son à des valeurs de par­tage, de soli­da­ri­té, de tolé­rance, à des enga­ge­ments pour que par­tout la culture irra­die. Noble cause qui s’apparente à des actes de résis­tance. Si l’on en juge par le concert de ce soir, le com­bat est loin d’être gagné. Car le plus dif­fi­cile reste d’aller conqué­rir du public, hors de la période estivale.

Le cadre étant posé, on s’empresse d’a­jou­ter que Davy Kilem­bé et ses deux musi­ciens ont trou­vé ici, sur cette jolie petite scène équi­pée, un cadre rêvé pour tra­vailler en rési­dence leurs nou­velles chan­sons, celles qui paraî­tront en 2019. Le calme, la concen­tra­tion, les res­sources tech­niques… A l’abri des sol­li­ci­ta­tions de leur vie quo­ti­dienne. Ils sont ravis de leurs semaines de rési­dence et nous le sommes à l’idée d’en décou­vrir le fruit.

Davy Kilem­bé nous semble avoir quelque peu pris plai­sir à la nos­tal­gie des seven­ties… Lui-même découvre, re-découvre, le son d’une gui­tare élec­trique – assez capri­cieuse au demeu­rant, qui néces­site d’être sans cesse ré-accor­dée – et se prête à de belles envo­lées, des solos qui pour­raient bien être des moments atten­dus des futurs concerts. On enten­dra aus­si le trio dans un pur rock and roll pour chan­ter « le train de l’aventure » (tout un pro­gramme !) en plus des incon­tour­nables reg­gaes aux­quels Davy kilem­bé nous a habi­tués. Vous l’aurez devi­né, on garde dif­fi­ci­le­ment son calme sur sa chaise !

Quant aux textes, Davy, fidèle à lui-même, accorde des titres à ses convic­tions huma­nistes, à son regard de citoyen. On retien­dra « y a pas d’âme », ces mots scan­dés qui dénoncent l’état de notre monde, l’émouvant por­trait de Sou­li­man, qui, faute d’avoir les mots, des­sine « chaque soir après l’usine sur son cahier caché sous un pot de fleurs… Ses crayons l’emmènent en voyage »…mais sur­tout laissent à ses enfants une sorte de tes­ta­ment. Bien enten­du on est aus­si tou­ché par ce rac­cour­ci sai­sis­sant, un récit de vie, une enfance « au pays de toutes les cou­leurs »… et qui s’achève en « homme qui por­tait la bombe »… Il accorde aus­si sa com­pas­sion aux dému­nis, à la cohorte des fra­giles, des « timides » dont nous sommes, tous, peu ou prou. Un soup­çon de déri­sion pour les âmes en déroute, cette noyade sous les tra­cas, les ennuis qui empêchent de pen­ser aux autres. La nos­tal­gie pour l’heureux temps de la « 4 L à Momo » même si « on a un peu brû­lé nos ailes de petits gar­çons ». L’admiration pour la folle ima­gi­na­tion créa­trice du Fac­teur Che­val, dont il reprend des mots épar­pillés sur les murs de son « Palais Idéal ».

Mais comme les chan­sons sont aus­si à l’image de l’homme qui les écrit, cette fois, elles pro­clament avec ten­dresse le renou­veau amou­reux, comme un prin­temps dans une vie dont on n’écarte évi­dem­ment pas les aspé­ri­tés, « la vie ça nous cabosse, par­tout ça laisse des bosses »… On tourne les pages avec un zeste d’élégance, avec un vou­voie­ment désuet « Je vous le demande à genoux, deve­nir mon ex, vou­driez-vous »… Ailleurs, dans un style pro­pre­ment « nou­ga­resque » Davy Kilem­bé s’avoue pri­son­nier volon­taire, chante sa « pri­son douce », celle qu’il s’est choisie.

Enfin on avoue­ra avoir été sous le charme du texte tendre d’une femme, Marion Rouxin, qui pour bonnes réso­lu­tions de la nou­velle année n’a pas d’autre sou­hait que d’être là, aux côtés de l’être aimé : « [Se] sen­tir apaisé‑e, dans tes bras, dans ton cou »…

« Rien qu’un peu de désir, un sou­pir, un fris­son… » Voi­là un appel à tom­ber vite amou­reux pour peu qu’on ne le soit plus ou pas encore !