Emilie Marsh– NEVΛDΛ – 2021 (©Alexandre Attias)

Emi­lie Marsh– NEVΛDΛ – 2021 (©Alexandre Attias)

15 octobre 2021, sor­tie du nou­vel album d’Emi­lie Marsh, NEVΛDΛ 

« La nuit dévale sur la terrasse… »

Avec

Isa­belle Maye­reau (texte de la chan­son 1) La par­ti­ci­pa­tion de La Grande Sophie (chan­son 7) – Gaë­tan Rous­sel (chan­son 2)– Hélène Char­vetCathe­rine Mar­ga­la, San­drine Tran (texte de la chan­son 13)

Emi­lie Marsh (Textes et musiques, gui­tares élec­triques, basse, voix, chœurs) Sébas­tien Col­li­net (arran­ge­ments, pro­gram­ma­tions, gui­tare élec­trique, syn­thé­ti­seurs, pia­no) et les dames de c(h)oeur : Pas­cale Abé­cas­sis, Buri­dane, Clou, Inès Deso­rages, Garance, Claire Joseph, Karen Lano, Latch­my, Lon­ny, Mary­line Maillot, Skye. 


Du bleu du ciel

Et du noir de la nuit

Du blanc de la che­mise entrouverte

Du rouge des lèvres

« La nuit dévale sur la ter­rasse » (Iro­nie)…

On se croi­rait dans un roman de Mar­gue­rite Duras.

Voi­ci le nou­vel album d’Emi­lie Marsh qui nous embarque sur les san­glots longs des gui­tares, sur la basse et les syn­thé­ti­seurs, capables d’accompagner les sou­pirs et les sou­bre­sauts de l’amour, la joie et l’insouciance aus­si quand on danse et s’oublie…

Il est beau­coup ques­tion de routes, d’automobiles, de ciga­rettes qu’on fume pour trom­per l’attente, de voyage immo­bile, d’amour et de danse ! Mais sur­tout de nuit !

Par trois fois, une voix fait irrup­tion, une voix fémi­nine qui, sur une mes­sa­ge­rie, scande une « errance » noc­turne et sou­ligne l’attente dans la nuit… Elle com­mence avec l’expression d’une impa­tience à par­ve­nir au bout du voyage pour s’achever sur un renon­ce­ment… Après « une nuit de dingue »… « Je ne vais pas venir de suite en fait… je crois que je suis un peu per­due »… La chan­son Iro­nie, répond « Je pen­sais qu’on aurait du ciel /​Avant l’arrivée du soleil /​Mais j’avais tort… »

L’amour est si fra­gile, tou­jours mena­cé par l’ennui.

Mys­tère… Mys­tère de la nuit qui sou­dai­ne­ment peut aus­si nous tra­hir « J’aimais la nuit mais elle aus­si m’a lais­sée tom­ber » (Tom­bée de haut) et la ques­tion alors se pose : « Qui me sau­ve­ra des eaux /​Me fera nager plus loin » ?… Ver­tige de l’amour, chan­tait Alain Bashung, l’amour qui s’en vient et s’en va, par­fois sans crier gare et vous laisse dans la nuit à fumer une Dun­hill amère quand une voix répète dans le sou­ve­nir : » Même à côté de toi /​Tout le monde me manque »…

C’est bien le sujet de cet album, un album du par­tage, notons-le, comme Emi­lie les aime. La pre­mière chan­son donne le ton. Elle n’est pas d’Emilie mais d’Isa­belle Maye­reau : Che­vro­let Impa­la. Une chan­son qui nous embarque dans une pres­ti­gieuse ber­line amé­ri­caine des années soixante-dix et s’attarde sur un pas­sé fait de « mon­tées fra­cas­santes » et de « belles des­centes hors piste », sur un pré­sent, une « route chao­tique »… Cette Che­vro­let avec son élé­gant logo – le saut élan­cé d’une anti­lope – fait contre­point à la chan­son titre de l’album, NEVΛDΛ, à la modeste ber­line Renault et aux sou­ve­nirs pour sou­li­gner que l’aventure est ici, main­te­nant « Rien ne vaut ce que nous avons là »… se retrou­ver pour un ins­tant où « les hor­loges ont fon­du comme neige au soleil… ». C’est un duo avec Gaë­tan Rous­sel qui dit l’amour avec tel­le­ment d’élégance alors même que nous sommes confron­tés à nos bizar­re­ries, nos para­doxes : « J’ai sou­vent rêvé d’être ton héros /​Ton arme blanche /​Contre les sou­pirs… » Ver­tige de l’amour…

C’est avec La Grande Sophie que l’on fait à nou­veau une esca­pade très ciné­ma­to­gra­phique dans des temps loin­tains, enfuis, sur la Rivie­ra ita­lienne, dans une mai­son secon­daire bien trop grande… Quand les sou­ve­nirs du bain de minuit, du Cha cha cha ou de la sam­ba ont fait place à l’ennui et à la mélancolie…

Ver­tige de l’amour…

« Un seul être vous manque et tout est dépeu­plé » a dit le poète. Mais peut-être la réponse est-elle sim­ple­ment là : en amour nul besoin de bou­ger, tous les pays, tous les rivages ne valent pas ce voyage immo­bile dans les yeux de l’être aimé… C’est ce que dit sim­ple­ment Salam Sara­vah avec ses accents orien­taux et ses énu­mé­ra­tions de lieux, de pays, de villes, comme les aime­rait Alain Sou­chon.

Ver­tige de l’amour, celui que l’on mime, que l’on joue dans les nuits à dan­ser… « Tout com­men­çait la nuit » dit le titre de la chan­son… Ces nuits où « Comme les yeux des félins /​il suf­fit d’un regard » pour que les bras se referment, les lèvres se frôlent. Mais l’histoire sur­vit-elle au jour qui vient… ?

Et c’est encore avec ce monde noc­turne que s’achève l’album, une chan­son écrite à quatre – joli petit miracle du confi­ne­ment …et de l’amitié !- illus­trée par un bri­quet Zip­po, image d’un pas­sé enfui, « autour du bra­se­ro /​La lune là –haut gou­verne » et qui fait le por­trait de l’homme qui danse… Mar­co, le fier, le farouche, « fidèle à la nuit » figure presqu’irréelle. Il séduit, hyp­no­tise, « Vois comme on baisse la garde /​Vois nos corps s’étourdir… », et pour­rait bien s’évanouir au lever du jour, comme dans les contes de notre enfance. « Nous ne sommes qu’une image… »

Ver­tige de l’amour.