Festival Bernard Dimey 2016, Les Didoudingues, Y a d’l’amour  dans l’air (© Patrick Boez)

Les Didou­dingues (© Patrick Boez)

7 mai 2016 – Les Didoudingues

avec Her­vé Lapa­lud, Laurent Ber­ger, Coline MaliceÉrik Fra­siak, Gilles Rou­caute, Davy Kilem­bé, Julie Rous­seau, Marion Rouxin

Centre culturel Robert Henry à Nogent (Haute-Marne)

« Chan­son fran­çaise ? Chan­son fran­co­phone ? Chan­son de qua­li­té ? Chan­son vivante ? Chan­son peu média­ti­sée… ? Qu’importe l’appellation ! Qu’elle vous fasse vibrer, rire ou cogi­ter, là est l’essentiel pour Di Dou Da, Asso­cia­tion Arté­sienne des Amou­reux de la Chan­son et du Spec­tacle Vivant.

En juin 2014, à l’occasion des dix ans du Fes­ti­val Faites de la Chan­son, l’association a sou­hai­té réunir des artistes accueillis dans ses caba­rets décou­vertes. Lors de cette soi­rée qui devait être unique, quelque chose s’est pas­sé, d’espéré et d’attendu à la fois, sur la scène et dans le public. Il était évident que l’aventure ne sau­rait s’arrêter là. Ain­si sont nés « Les DiDou­Dingues », d’une envie de par­tage, de la curio­si­té de l’autre pour l’un, de la com­pli­ci­té de l’instant, de la fra­gi­li­té du moment et de l’envie de défendre col­lec­ti­ve­ment des pro­pos singuliers. »

Les Didou­dingues

Pou­vait-on ima­gi­ner plus belle façon de ter­mi­ner ces quatre jours de fes­ti­val déjà nour­ris d’intenses émo­tions ? Retrou­ver sur la même scène, pour deux heures de spec­tacle, la fine fleur de la chan­son d’aujourd’hui, c’est cadeau inestimable !

Huit noms qui déclinent cha­cun un uni­vers sin­gu­lier, se trouvent ras­sem­blés par la volon­té ini­tiale de Di Dou Da qui confie à Her­vé Lapa­lud le soin de com­po­ser une équipe capable de répondre au défi : on échange, on accom­pagne, de gui­tares en kora, de mélo­di­ca, en pia­no, de per­cus­sions en accor­déon dia­to­nique. On dit ses joies et ses colères, sa fan­tai­sie, sa ten­dresse, son bon­heur d’être là… Sim­ple­ment à l’écoute de l’autre, des autres, et pour ce public sans qui plus rien n’aurait de sens.

La scène res­semble à un grand bric-à-brac d’instruments repo­sant sur des tapis. Des plantes verbes, des petites lampes, jaunes et rouges, des chaises, des bancs habillés d’étoffes où les musi­ciens chan­teurs s’installeront comme dans l’intimité de leur salon.

C’est la kora et la voix d’Hervé Lapa­lud qui ouvrent le bal, iso­lé dans un fais­ceau de lumière… « Si tous les gars du monde vou­laient se don­ner la main… Si toutes les voix du monde s’invitaient ». À défaut de tous les gars du monde, on aura trois filles et cinq gars. C’est déjà ça !

Cha­cun lance son invi­ta­tion à sa façon… On les suit sur leurs « îles », plus ou moins belles et vertes, par­fois c’est tout petit, par­fois même c’est nulle part, sous un pont, comme le chante Laurent Ber­ger… Éric Fra­siak traîne sa gui­tare, Coline Malice son accor­déon et Julie se met au pia­no, et Davy Kilembe ponc­tue non­cha­lam­ment à la basse. On enten­dra clai­re­ment Davy Kilem­bé rap­pe­ler à ses conci­toyens qu’il est bien d’ici, de ce pays, relayé par Marion Rouxin qui en appelle à ses « racines de là et de là et d’ici… ces racines qu’[elle] laisse enva­hir [ses] taillis. »  Quand Gilles Rou­caute entonne « j’ai voté Front Natio­nal pour la pre­mière fois », que Davy Kilem­bé met sa fan­tai­sie dans ce texte ter­ri­fiant, la parole com­bat­tante fait mouche. Tout comme celle de Coline des­si­nant sur sa peau le mot « Tou­chée », ou les voix des trois filles alter­nant le texte coup de poing d’Anne Syl­vestre : C’est juste une femme. L’actualité brû­lante vien­dra même les réunir tous pour un moment de parole citoyenne avant qu’ils ne se remettent très vite à chan­ter, nous lais­sant à nos questions.

Quand les mots sont-ils les plus effi­caces ? La chan­son d’Éric, Mon­sieur Bou­lot, pour­rait-elle jouer son rôle si on la lais­sait cou­rir dans les rues, sur les places, dans les « Nuits Debout » ?

Allez, reve­nons vite à l’amour, à ces mille et une façons de le dire, de le par­ta­ger… Her­vé Lapa­lud chante les potes qu’il ne fau­drait sur­tout pas s’aviser de tou­cher, Laurent Ber­ger en appelle sim­ple­ment au désir, « un bai­ser, un fris­son » pour la nou­velle année, à moins que ce ne soit plu­tôt pour celle qui attend tou­jours « celui qui peut dénouer les nœuds », là dans son ventre. Davy Kilembe rend un hom­mage appuyé aux femmes de tous les coins de la map­pe­monde. Pas besoin de star­lettes de ciné­ma pour habiller les « pen­sées vaga­bondes ». Car « même si tout va de tra­vers… y a d’l’amour dans l’air… »

Et ça se chante. Avec Joe Das­sin, comme avec Jacques Brel.

Il faut attendre la fin de ce concert pour entendre Les Didou­dingues réunis, dans une ver­sion bou­le­ver­sante des Mar­quises où la kora d’Hervé Lapa­lud offre son écrin.

Et puisque cette fête nous est offerte dans le cadre du fes­ti­val Ber­nard Dimey, écou­tons-le nous dire : « Le mal d’être tout seul, d’être per­du, a tou­jours fait mou­rir plus de monde que la peste… Garde-moi ton amour, je ne veux rien de plus… »

Avec ces Didou­dingues, c’est sûr, Y a d’l’amour dans l’air ! Il en fau­drait peu pour que l’on y croie, par leur faute, définitivement.