Sarah, Flamarens 2015 (© Claude Fèvre)
8 juillet 2015 – Les Musicales de Flamarens 2015
Piano voix avec Sarah, Je ne sais pas dire je t’aime | Concert d’Émilie Marsh, Goodbye comédie
Château de Flamarens (Gers)
Troisième et dernier acte des Musicales de Flamarens où la pluie s’est invitée, la garce, privant les derniers concerts de l’étonnant décor de pierres et de verdure du château. Elle complique la tâche de tous, à commencer par celle des techniciens. David au son et son frère René-Marie aux lumières auront tant donné pendant ces soirées ! Mais on tempère vite notre déception à l’idée de vivre les concerts dans la salle du premier étage. Un écrin qui prend soin d’offrir chaleur et proximité. Pas sûr que la cour du château aurait permis l’authenticité du partage vécue ce soir. Mystérieuse alchimie du spectacle vivant !
Sarah revient en première partie avec son deuxième spectacle rendant hommage à Barbara. On ne contestera sûrement pas son choix. Sarah a, nous le savons, des atouts indéniables pour s’attaquer à un tel mythe : une belle voix, et un jeu délié au piano. Mais reprendre Barbara nécessite bien des questionnements, comme pour tous nos grands chanteurs que la mémoire statufie.
Bien sûr, on peut consciencieusement servir son œuvre en élève appliquée. Marie-Paule Belle ne l’a‑t-elle pas fait ? Sarah aura parfois bien du mal à s’écarter de cette tentation de la servir de trop près, jusque dans ses yeux de biche qu’elle se dessine comme elle. Mais même si nous n’en aurons qu’un extrait, Sarah a montré qu’elle souhaitait se prémunir contre l’imitation. Elle souligne qu’elle a construit son spectacle en quatre actes, donnant sens à l’enchaînement de ses reprises. Elle entremêle aussi des textes, Reggiani – quelle belle idée ! – en ouverture, « Ce n’est pas moi qui chante /C’est les fleurs que j’ai vues… » Plus tard elle citera Louis Jouvet pour poser la question du rapport entre rêve et réalité. Barbara n’a cessé de dire en effet qu’elle puisait exclusivement à la source de sa propre vie pour chanter.
Sarah a indéniablement beaucoup à nous transmettre, peut-être trop ? Nous l’avons sentie lointaine, les yeux souvent au ciel… On pense étrangement au titre de son spectacle : Je ne sais pas dire je t’aime, titre d’une chanson que nous n’entendrons pas.
Elle s’égare aussi dans une danse, s’enroulant dans une étoffe rouge sur une bande sonore au risque de rompre le charme puissant de l’instrument en direct. Elle chante alors À peine : « Et je m’enroule au creux de toi / Et tu t’enroules au creux de moi. ». Fallait-il vraiment cette danse ? Fallait-il ? Mais surtout elle achève cet intermède sur l’appel de « Pierre »… elle sollicite même la participation des femmes dans le public créant une attente… L’attente d’une chanson d’amour, l’une des plus troublantes qui soient. Elles se prêtent au jeu pour finalement l’entendre au piano chanter Nantes ! C’est pour le moins maladroit. À plus d’un titre quand on sait depuis la publication de ses Mémoires Interrompus, le drame de Barbara.
Reste que le public s’est laissé emporter. Aux premières notes il a fredonné Au bois de Saint-Amand, ou Dis quand reviendras-tu ? Il a exprimé son enthousiasme à l’écoute de Gare de Lyon, la Solitude, Les Rapaces, Drouot, Le Mal de vivre, Les insomnies, Le sommeil… Il a fait ce soir une ovation à la jeune Sarah. Preuve que les interprètes peuvent se rassurer. La reprise a encore de beaux jours devant elle !
ÉMILIE MARSH, SUR LA ROUTE DU ROCK
On ne sait que trop bien que cette jeune femme a pris à bras-le-corps sa vie de chanteuse. Sa vie tout court ? Les invitations dans tant de lieux cet été ne sont que le reflet de cette détermination qu’elle affiche en scène, sans se départir – soulignons-le – d’une grande gentillesse.
Ici le pari était osé et plus encore un jour de pluie. Pas facile de sonoriser le trio dans cette salle plutôt adaptée à des concerts acoustiques. Hé bien, sachez que ce fut un succès et nous n’avons rien perdu de leur partage en scène. Ils se délectaient et nous aussi !
On ne reviendra pas dans le détail sur la prestation d’Émilie Marsh. On se saisit seulement de l’occasion de souligner encore que les textes et le jeu aussi, dans la gestuelle, sur l’instrument, cette Rock and roll attitude en somme, parle à nos vies de femmes. C’est comme si tout à coup tout ce que vous aviez enfoui en vous, là, sous votre peau, dans votre ventre, prenait chair et vie ! C’est comme si vous assistiez au ralenti à la métamorphose du papillon s’arrachant à sa chrysalide. C’est comme si « la poupée de cire, poupée de son, poupée de salon » en avait fini avec cette mascarade !
Good bye comédie !
« Est-ce qu’ils savent que nous ne sommes plus les mêmes ? »