Guilam, sur les traces de nos enfances (© Paul Barbier)

Gui­lam, Cédric Bailleul et Phi­lippe Sou­lié (© Paul Barbier)

Presque une année que je sol­li­ci­tais Gui­lam (pri­mé sur notre der­nier trem­plin en 2010, actuel­le­ment en charge de la co-ani­ma­tion de l’atelier d’écriture de chan­sons) pour notre soi­rée du 14e Prin­temps des Poètes sur le thème « Enfances ». Il me sem­blait évident que cet artiste et ses deux aco­lytes et com­plices (Cédric Bailleul, accor­déon, et Phi­lippe Sou­lié, contre­basse, basse, tuba) seraient des pas­seurs de chan­sons, pas­seurs de poèmes dignes de ce thème si riche etn­si lourd de sens… Nul ne gué­rit de son enfance n’est-ce-pas ? Jeu­di der­nier, nous y étions enfin à cette soi­rée tant atten­due où tout repo­sait sur la confiance. Celle que j’avais accor­dée à Gui­lam, celle que Nadine Cubi­lié, pro­gram­ma­trice de la sai­son cultu­relle de Lave­la­net accorde à Festiv’Art chaque année, celle que nous espé­rions du public. La petite scène du théâtre de l’Ourdissoir était comble, et, ô miracle, toutes géné­ra­tions confon­dues, la plus jeune étant repré­sen­tée par des internes du lycée de Mire­poix. La pre­mière par­tie fut consa­crée à une lec­ture musi­cale de textes de Pré­vert où Cédric m’escortait sur des musiques de Tre­net, Kos­ma… A cet « enfant de la troi­sième » qui connut une enfance pauvre et qui a su « dire non avec la tête ». C’était ensuite le tour de chant, le flo­ri­lège de chan­sons choi­sies par Gui­lam. Avec l’ingénieuse idée de remettre à la sor­tie la liste des 19 chan­sons, ce qui offre aux spec­ta­teurs un aper­çu de l’étendue de son choix. Il s’accompagne tan­tôt au pia­no, tan­tôt à la gui­tare, ou bien encore les mains déli­vrées de l’instrument et, son corps mince debout der­rière le micro, il sou­ligne ain­si davan­tage l’émotion. Car de l’émotion nous en avons eu et si les ado­les­cents qui s’étaient regrou­pés en haut des gra­dins ont com­men­cé par glous­ser et bavar­der sur les deux pre­mières chan­sons, L’Enfance de Brel et celle de Dimey, mani­fes­tant par là leur gêne et leur sur­prise (ima­gi­nons un ins­tant ce qu’est leur uni­vers musi­cal), c’est dans un par­tage et une écoute véri­tables que le concert s‘est dérou­lé. Ce voyage en enfances, gui­dé par un Gui­lam qui ne man­quait pas d’introduire les chan­sons avec légè­re­té, humour, qui se livrait aux anec­dotes, aux clins d’œil à ses musi­ciens, a évi­té l’écueil du pathos, même si, on le devine, cha­cun a pu selon les titres, connaître un bou­le­ver­se­ment intime. Com­ment ne pas être tou­ché, voire davan­tage, par Plus tard quand tu seras grand, Cédric et Gui­lam fai­sant écho au duo Alde­bert & Jamait ; par le texte de Cos­mo­naute de Loïc Lan­toine ; par le Xavier d’Anne Syl­vestre, où la sen­si­bi­li­té qu’elle affiche et la sil­houette de Gui­lam s’accordent étran­ge­ment ; par le texte si trou­blant de Ton héri­tage de Ben­ja­min Bio­lay ; par l’Enfance d’Olivier Gil, jeune talent de la scène tou­lou­saine que Gui­lam a ren­con­tré sur notre fes­ti­val ; par cette inter­pel­la­tion du regret­té Allain Leprest dans C’est peut-être… ? Oui, ce fut un bien doux voyage avec aus­si quelques étapes qui ne dépa­raient pas, loin s’en faut, à l’ensemble. Celles des com­po­si­tions de Gui­lam sur le texte de Dimey, sur ce Dans les cou­loirs du pen­sion­nat d’Izia Loris écrit à l’atelier Plum’Art en 2010, sans par­ler des chan­sons de Gui­lam lui-même, comme cette Limites qui lui valut un jour sa pré­sence sur notre scène. J’en viens à espé­rer que ce réci­tal ira tou­cher d’autres ado­les­cents en d’autres lieux. Parce qu’ils sont tout proches de leur enfance certes. Mais aus­si et sur­tout parce qu’ils décou­vri­ront, là, tout ce que les ondes dont ils s‘abreuvent les privent.