Jules Nectar – Nos rêves, 2018 (© Céline Zed)
9 mars 2018 – Nos Rêves, Jules Nectar
Sortie du nouvel album de Jules Nectar
Avec
Jules Nectar (paroles, musiques, programmations, arrangements – guitares, chant), Clément Foisseau (guitares, basse), Milu Milpop (chœurs)
Réalisation Pierre Rougean
Ce deuxième album est le fruit d’une belle histoire de rencontres. Jules Nectar vécut d’abord ses chansons en solo, guitare, valise à ses pieds en guise de boîte à rythme… Un vrai « folk singer » en somme, avec toujours ce même sourire et cette envie d’un partage sans façon, ni contrefaçon.
Mais voilà que, depuis deux ans, la vie lui offre des rencontres qui vont décider d’une évolution sonore sensible sans qu’il perde quoi que ce soit de ses envies. Au contraire ! C’est tout ce dont il rêvait avouait-il dans un entretien pour le magazine Hexagone : « Une pincée de pop, un zeste de rock, un peu d’électro, et des chœurs ».
C’est d’abord la rencontre de Clément Foisseau, et le duo pousse alors plus loin le désir d’incliner les mélodies vers de sons plus électriques. Puis vint Milu Milpop – l’étonnante Milu – DJ polonaise qui pose sa voix féminine, et nourrit le projet de sa fréquentation des « machines ». A cette histoire il faut ajouter la rencontre de Cyrille Cholbi, celui qui offre le dispositif de développement. Cette alliance d’énergies semble devoir porter haut et loin Jules Nectar si l’on en juge par le succès remporté aux dernières Rencontres Mathieu Côte : prix du jury, prix C ma chanson, prix Radio Arvernes, prix de la salle du Bijou à Toulouse ! Le nouvel album sort alors tout juste des presses. En scène, le trio qui venait de consacrer une résidence au travail sur sa présence scénique et aux lumières, a visiblement donné sa pleine mesure, en surprenant par son évolution.
Le visuel de l’album propose sur un fond bleu-vert le portrait du chanteur assis sur un fauteuil de bureau singulièrement « vintage », posé sur un plancher. Il est sobrement mais élégamment vêtu de noir, le blouson laissant paraître un tee-shirt rayé, façon Jean-Paul Gauthier… Le regard n’est pas tourné vers l’objectif de Céline Zed, ce qui lui donne l’air d’être interpellé par ailleurs… Ce regard, ce visage serein éclairé d’un léger sourire, donneraient déjà un aperçu de l’univers artistique du chanteur.
L’homme n’a pas l’intention de tourner autour de son nombril, d’écrire sur lui, même si, bien sûr, c’est au filtre de ses émotions et de ses sensations qu’il écrit ses chansons. Elles parlent de ce monde dans lequel il vit sa quarantaine et qui est le nôtre, ici, maintenant. Un monde qui donne parfois l’envie de Fermer les yeux. Un monde qui suscite inévitablement des questions, « Il y a sur la lune des mers /Il y a sur la terre l’enfer /Il y a des cratères dans ma vie /Où il est le paradis ? » Il y a des errances parfois et des refuges nécessaires. Les mots restent simples, sans emphase, la structure des chansons s’adosse souvent à des anaphores, et les refrains sont autant de prétextes à fredonner. Voilà la langue de Jules Nectar.
Vous y ajouterez son talent de mélodiste et vous aurez le portrait d’un chanteur populaire, c’est –à‑dire qui parle au cœur des gens. Ceux de partout, ceux de la rue. Pour autant n’allez pas croire que ce sont des chansons banales, inconsistantes. Parfois elles appellent même une écoute attentive sous leur apparence légère, dansante souvent. L’album nous entraîne dans les sons qui ont sans aucun doute tapissé sa vie adolescente… Celles des années 80. La première chanson de l’album Tout droit illustre bien cet univers là. Elle donne singulièrement envie de fredonner, de danser avec ce qui est la marque de cet album, une voix et des mots mis au premier plan. Des mots qui nous disent : « On pourrait cesser de s’enfuir /On pourrait essayer d’y croire /Juste pour éviter le pire /Ne pas faire bégayer l’histoire ». Et ce refrain « Je ne sais pas /Où l’on va /Qui le sait ? /Mais on y va /Tout droit. »
Jules Nectar revendique le droit de rêver, d’imaginer comme ces silhouettes que lui dessine le bruit des talons d’une femme (Madame). Il rappelle que l’on oublie de vivre, que l’on risque gros à vouloir tout contrôler, à ne plus regarder, écouter, même le silence. C’est sans doute pour cela qu’il aime la nuit – elle revient beaucoup dans ses chansons – « éteindre la lumière ». C’est la nuit qui ouvre la voie aux rêves, aux mirages de la peau sous les mains : « Quand la nuit cogne /Frappe grince gratte claque et crisse /Mes oreilles fredonnent /La douceur de tes cuisses. » Refuge de l’amour surtout lorsque l’on se sent Seul et petit… Quand « tout le monde court… veut gravir son échelle. » Refuge de l’amour évidemment, mais dont on n’est jamais vraiment sûr pour demain. Un brin philosophe Jules Nectar. Même si le monde peut faire peur, invite au repli, à ce divertissement pascalien qui fait que l’on court après le temps : « Pourquoi ne pas s’assoir et laisser les journées /Finir comme elles veulent sans qu’on les rattrape ? »
Quoi qu’il en coûte, Restons un peu dehors quand vient la pluie… Regardons, écoutons les battements de cœur de ce monde autour de nous. Jules Nectar nous y invite si joliment.