Lou Casa –Barbara- Prémilhat - 2017 (©Claude Fèvre)

Lou Casa, Bar­ba­ra – Pré­mil­hat, 2017 (© Claude Fèvre)

27 octobre 2017 – 11e Ren­contre chan­son francophone

LOU CASA /​/​/​Chan­sons de Barbara

Avec

Marc Casa (voix, tom, cym­bales), Fred Casa (pia­no, orgue, tom) et Julien Ael­lion (basse électrique)


Salle des Fêtes – Pré­mil­hat (Allier)

La belle amour à en mou­rir /​ça res­semble un peu à un sou­rire /​C’est tel­le­ment joli quand c’est vrai /​La belle amour /​La vraie de vrai… 

Nous sommes bien prêts à parier que l’amour de Lou Casa pour Bar­ba­ra, l’amour de son chan­teur Marc, s’écrit « avec un A grand comme Paris ». Grand comme sa haute sil­houette, grand comme cette embras­sade qu’appellent ses deux bras ouverts… Des bras dans les­quels on irait bien se jeter. Un amour qui pour­fend ce que Bar­ba­ra chante en 1959, dans La belle amour, l’une de ses pre­mières com­po­si­tions. Le texte de Jean Pois­son­nier dit dans cette langue fami­lière, déli­cieu­se­ment fau­tive, une idylle qui tourne court, qui ne tient pas ses promesses.

Le trio Lou Casa, lui, tient ses pro­messes. Les pro­messes que sou­lignent les der­nières images du film de Mathieu Amal­ric, l’hommage de la Phil­har­mo­nie de Paris auquel il a par­ti­ci­pé, mais bien avant aus­si, en novembre 2016, la finale de Et la chan­son va ! où nous avions sou­li­gné déjà sa puis­sante originalité.

Nous savons que le maître mot pour inter­pré­ter les chan­sons de Bar­ba­ra, pour en com­prendre les nuances et la beau­té, c’est l’amour. Quand la basse élec­trique de Julien Ael­lion, sa pro­fon­deur, rejointe par l’orgue et le pia­no de Fred Casa ouvrent le concert, quand ils accom­pagnent Marc avan­çant à pas très lents. Quand on le regarde se pla­cer presque de pro­fil der­rière le micro, d’une voix par­lée égre­nant quelques mots du Temps du Lilas, on sait déjà, on a com­pris, l’invitation à vivre inten­sé­ment cet ins­tant, de peur qu’il file entre les doigts… De peur qu’« il [nous] plante là sans lais­ser d’adresse »… Marc se déplace non sans avoir posé déli­ca­te­ment, subrep­ti­ce­ment au pas­sage une main sur l’épaule de son frère au pia­no. Il s’en va en fond de scène frap­per les cym­bales et le tom en psal­mo­diant… Ce qu’il répè­te­ra à plu­sieurs reprises.

C’est ain­si que l’on entre dans ce qui sera une tra­ver­sée déli­cate, un voyage sen­sible dans les chan­sons aux­quelles Bar­ba­ra a pour­tant lais­sé son empreinte indé­lé­bile. D’ailleurs, fidèle à ce que fut son réper­toire à ses débuts c’est avec deux chan­sons de Jacques Brel qu’il enchaîne. Sur la place d’abord – encore une invi­ta­tion à ne pas lais­ser vieillir son cœur, à ne pas pas­ser à côté de la beau­té, de la lumière qui entre – puis Je ne sais pas, déchi­rante chan­son d’amour. Suivent Göt­tin­gen, où les bat­te­ments sur le tom mar­tèlent le com­bat pour la paix puis un moment de grâce par­ta­gée où nous sommes invi­tés à chan­ter Dis quand revien­dras-tu ? Un moment à cœur ouvert qui fait dire au chan­teur que l’on donne l’impression d’être deux mille…

On aime­rait pou­voir évo­quer chaque geste, chaque mou­ve­ment des mains qui s’ouvrent ou se ferment, les bras qui se tendent, les voca­lises, la voix qui mur­mure presque, les silences aus­si, les sou­rires géné­reux, les regards, et ce talent pour offrir aux chan­sons une chute, une fin sou­vent éton­nante … C’est tout cela qui se mêle au plai­sir inef­fable d’entendre encore les chan­sons ain­si recrées : sons nou­veaux de la basse, du pia­no qui se colore de sons lati­no, comme de longs arpèges liquides.

Le Bel âge et la signi­fi­ca­tion nou­velle qu’impose une inter­pré­ta­tion mas­cu­line, Nantes, Le mal de vivre, Mon enfance, Sep­tembre /​Quel joli temps judi­cieu­se­ment pla­cé en fin de concert « pour dire au revoir » aux côtés de Du bout des lèvres, invi­ta­tion cette fois à faire silence, pour pré­ser­ver le rêve… Tout fait sens dans ce concert : le choix des chan­sons, leur ordre, les sons, les voix, les arran­ge­ments, les dépla­ce­ments de Marc, sa remar­quable pré­sence presque féline.

On gar­de­ra sans doute une ten­dresse par­ti­cu­lière pour la recréa­tion de Tous les pas­sants et bien sûr de Per­lim­pin­pin – puis­sante et bou­le­ver­sante chan­sonmais aus­si d’une chan­son légère de ses débuts, Les voyages, emprun­tée à Ray­mond Lévesque. Marc l’interprète au milieu du public, l’invitant au bon­heur… « La vie vaut bien le coup mal­gré tout ».

Au fond, tout de ce concert n’est-il pas résu­mé dans les vers sans façon de cette chan­son ? N’avons-nous pas vécu un voyage ? « Et lorsque l’on retourne chez soi /​Rien n’est comme autrefois…

Car les voyages /​Tournent une page /​Ah les voyages… » Ce concert fera date en effet dans notre longue et péné­trante fré­quen­ta­tion de Bar­ba­ra mais aus­si dans notre goût pour le spec­tacle vivant.