Mélinée album Berline (© Cindy Beuhlah)
Janvier 2016 – Mélinée album Berline
avec Mélinée Benamou (textes, musiques, accordéon) Jonathan Bratoëff (guitare), Samira Aly (violoncelle), Eugenio Corsaro (piano), Gregory Daltin (Accordéon), Marcel Krömker (contrebasse), Joe Smith (batterie, percussions)
« Je suis de ceux qui préfèrent continuer à se laisser flotter sur le dos les yeux tournés vers le ciel. »
Voilà six ans que Mélinée a quitté Toulouse pour Berlin. Un coup d’amour, bien entendu.
Était-ce pour « ce beau garçon » et « son regard couleur piscine » ? Ou bien pour l’Astronhomme et son « ciel de mystères », sur fond de valse lente ? Celui qui garde au cœur tant de questions en suspens ?
Laissons ce mystère et regardons plutôt l’attrait irrésistible du Tacheles (prononcé Tares Laisse, ce qui nous vaut le titre d’une chanson) ce squat artistique berlinois, évacué depuis, mais dont le jardin reste encore un musée à ciel ouvert. Voici que Mélinée nous offre dix sept titres, pour rendre compte de cette aventure là, pour nous faire partager ses sensations, ses émotions de sa voix claire – au premier plan sur tout l’album, c’est si plaisant ! – cette voix de jeune femme Entre ciel et terre. Suspendue dans le vide, avec « le cœur qui penche en arrière ». C’est de cette recherche d’équilibre dont il est question : ça tangue, ça penche, on n’est jamais sûr de rien. On se sent Amoureuse de l’ombre, même si la chanson inciterait à la danse, « des tarentelles sur la mélodie du bonheur » – l’accordéon, bien sûr ! D’ailleurs « Face aux aléas de notre ère/A la fortune et au destin »… Nous sommes rien. Et c’est la voix du violoncelle qui le dit.
Mais elle aime, Mélinée
Amoureuse de l’ombre, peut-être, souvent… mais amoureuse ! Elle aime Berlin d’abord. Le graffiti « Love » éclabousse le mur derrière ses boucles brunes en mouvement. La première chanson, chanson éponyme de l’album, Berline, lui est consacrée ; le texte s’étale comme un soleil, sur la première page du livret. Contrebasse, guitare et percussions nous entraînent dans une joyeuse samba. En point d’orgue le titre Fernsehturm, cette tour symbole de l’ancien Berlin Est, « comme une boussole » dans son ciel, comme « témoin du crépuscule » aussi car rien n’est jamais sûr. D’ailleurs c’est avec ce titre, texte dit- en allemand cette fois-ci – que se referme l’album au son mélancolique de la guitare électrique. Car Mélinée sent profondément Berlin en berne, Berlin qui s’égare dans la course folle des « capitales aseptisées » d’aujourd’hui. Elle leur préfère, dans une atmosphère très sombre, très rock, ses « allures d’égarée », ses « balafres » et ses « brèches », comme une « blessure à genoux sur la Spree ».
Elle aime le théâtre aussi, sur un air nostalgique qui chaloupe tendrement et laisse venir à soi les silhouettes évanescentes des Enfants du Paradis (Sur les planches). On aime la danse, le tango argentin tout particulièrement (Tango en si, Les Tangueros). Elle aime la musique, il va sans dire, et notablement l’accordéon, « compagnon de fortune » pour qui des mots tendres sont écrits, chantés (Mots geints). Dangereux rival pour qui voudrait la place dans ses bras !
Vous l’aurez compris, dans cet album très dense, musicalement abouti et de tant de façons, Mélinée se livre, se délivre. C’est un album confidences où elle rejoint Etty Hillesum dans le titre Femme : figure de femme libre, bien qu’enfermée, martyrisée à Auschwitz. Elle a laissé à la postérité l’édifice de ses mots d’amour pour l’Homme.