Ronan, Volutes – mars 2017 (© Nicolas Belaubre)
26 juin 2017 – Ronan, Volutes
Présentation de son premier album
Avec Ronan Le Guennec (chant, composition, textes sauf Exil, Victor Hugo), Gaspard Chefdeville (piano, composition, arrangements), Estelle Besingrand (violoncelle)
Sortie officielle le 10 mars au Bijou – Toulouse
Voici un album contre vents et marées, contre déferlante « pop folk électro » qui parfois laisserait croire qu’elle peut tout emporter… Et pourtant, certains tracent leur chemin coûte que coûte, écrivent, mettent en musique des textes qui sont empreints d’une haute tradition poétique qui les inspire. Ronan Le Guennec est de ceux-là.
Son nom et son prénom, éminemment celtes, s’harmonisent étrangement avec son visage, avec la profondeur de son regard, avec sa réserve, quand il vous aborde, et surtout avec sa voix et son chant qui pourraient rappeler par instants ceux de Serge Reggiani. Seule la prononciation de certains vocables dénonce une longue fréquentation de terres occitanes.
Dans ce premier album solo on retrouve ces chansons qui nous avaient emportés en concert sur des rives lointaines où nous aimons nous égarer. Le temps d’apercevoir quelques tableaux dans des clairs obscurs. Le temps de voir s’écrire sur le sable les mots regrets, soupirs ou souvenirs avant que la mer ne les efface. Ronan signait là des élégies que l’on espérait alors accessibles un jour dans un livret. La chanson pourrait une fois encore confirmer son allégeance à la poésie. Nous voici comblés. Les textes s’offrent limpides sur un fond blanc, agrémenté de quelques illustrations évoquant grains de sable, petits brins de feuilles, de fils, petits bouts de bois, comme dérisoires traces d’une vie échouée sur le sable.
Car il est surtout question du passé, du temps qui entre dans la chair, au plus profond et qui y laisse ses traces indélébiles. Sont-ce ces Volutes – titre de l’album – arabesques qui hantent notre présent ? Y avait-il alors d’autre orchestration possible que le piano romantique à souhait et le violoncelle, cordes sensibles aux émois, aux tourments ? Les deux complices s’attachent à s’enrouler autour des mots, à les habiller de notes suaves, mélancoliques. C’est un album qui murmure à votre oreille, comme une poésie de Baudelaire ou de Verlaine. C’est le temps de confidences d’un homme qui s’attarde aux souvenirs. Proches ou lointains, ils laissent à l’âme leurs doux sourires, leurs effluves, et parfois les rêveries renaissent… Ou les regrets. Il n’est question que d’amour sans que le mot ne soit vraiment prononcé. Bien entendu l’amour pour la femme, une femme, des femmes, on ne sait vraiment… Mais celle qui est capable de faire chanter le soleil, celle qui capte les rayons de lumière et se les tatoue sur la peau (Le portrait), La passante, celle qui file comme les étoiles et vous laisse désarmé, impuissant – « « Depuis lors je divague et je nage à contre-courant » – celle à qui l’on ne saura jamais dire adieu, alors on avoue « J’ai jeté à Saturne ton corps de poussière bleue »…
Mais il est aussi question d’amour pour une terre, un pays, une ville… Étrange refrain aux échos rimbaldiens : « J’ai musardé dans les bas-fonds des villes encrassées /J’ai déserté les acronymes aux portes des cités /J’ai délaissé mon sac de rimes aux enfants des quartiers… » Il est question d’exil et c’est à Victor Hugo que Ronan emprunte les vers où se répète inlassablement l’exclamation Hélas ! Signe de désespérance et d’impuissance de celui contraint de quitter la terre où reposent les siens. L’album s’achève sur la chanson Murailles où s’opposent la nécessité de fuir « le pays des décombres, l’horizon, le fracas, comme seul trépas » et ces « murailles » que nous cherchons à bâtir et ces « épouvantails » que l’on met sur le trône.
Au fond la chanson qui pourrait en quelque sorte le mieux signifier l’univers de Ronan, ce serait Les yeux de Marie, ces yeux dont l’éclat dénonce « l’usure de la vie ». Émouvant portrait de Marie, tout à la fois femme, mère et ouvrière, prise dans les tenailles des souvenirs et des espérances volés. Elle aussi est en exil, étrangère dans cette vie.
Pour elle aussi Ronan pouvait écrire : « Les vagues déferlaient sur ton âme en lambeaux /De la grève chantaient les oiseaux ».