Véronique Pestel –Mon Aragon– 2021 (©Droits Réservés )
06 juillet 2021, 10ème album de Véronique Pestel, produit par Jean-Claude Barens et le soutien des souscripteurs et mécènes.
Mon Aragon
Avec
12 poèmes d’Aragon mis en musique par Véronique Pestel (chant et piano), Patrik Brugalières (réalisation et arrangements, accordéons, bandonéon, claviers) avec la participation de Michael Geyre (piano), Clément Wurm (violon), Quatuor Nadal orchestré par Michel Précastelli.
Quand Véronique Pestel écrit, compose, chante, elle est de plain pied avec la poésie, avec sa langue faite de toutes les nuances des battements du cœur. La voici qui franchit une nouvelle étape en titrant son dernier album d’une appropriation affective : « Mon Aragon ». La couverture, teintée de brun, superpose les deux visages, le sourire de Véronique et le doux regard du poète en filigrane, à la hauteur de son épaule. L’image dit clairement le sens de cette rencontre : une filiation.
Nous la savions déjà conquise par le poète au point de lui attribuer son destin dans la Chanson littéraire, comme elle l’écrit dans le livret « J’ai rejoint très jeune la nuée d’oiseaux grappilleurs en cette vigne prodigieuse ». Elle rejoint ainsi l’exigence d’Andrée Chedid qui écrit « Si la poésie n’a pas bouleversé notre vie, c’est qu’elle ne nous est rien » (Terre et poésie). Assurément, la poésie « a marqué de son signe » Véronique. Celle de Louis Aragon a bouleversé sa vie. Les plus avertis se souviendront qu’elle lui consacra déjà un spectacle, Caf’Conf’Aragon, avec Bernard Vasseur au récit et Magali Herbinger à l’interprétation des textes et poèmes.
Aujourd’hui elle grappille dans l’œuvre immense, met en musique et chante douze poèmes qui invitent à composer soi même la toile, dans toutes les nuances possibles de cette âme ardente, dévouée à son temps : « La palette d’Aragon contient toutes les teintes » précise –t- elle. Ecoutons et laissons-nous porter par la voix et les arrangements où le piano rencontre l’accordéon, même le bandonéon quand elle chante la complainte de Pablo Neruda…
L’album s’ouvre sur la douceur de l’air, « le cri des femmes…les rameaux murissant de l’été »… le vol des hirondelles… Benjamin, une chanson jeune et belle. Un appel à la vie que rappelle la voix d’Elsa, lui dictant sa mission de poète, « Comme un couvreur sur la toiture /Chante pour les oiseaux qui n’ont où se nicher ». Car le poète a toujours raison lorsqu’il apporte l’eau pure où se désaltérer, alors que le monde n’est plus que « Tonnerres, cuivres, lieux sans amour… » Aragon ne se tient jamais bien loin de l’homme qui souffre et se bat. Sa poésie embrasse l’Histoire et offre des brassées de fleurs : « Violettes, violettes /Je vous donne à ces gens là… » Comme le sont les Pierres, il est le témoin des travaux et des jours, des prières, des chers disparus. Même quand il se sent lui-même « vieille bête blessée » il en appelle à ce qui lui reste de vie… « Ebranler de l’épaule à sa faible manière /La roue énorme de l’histoire dans l’ornière… ». Il rend grâce à la vie, « Malgré tout malgré les temps farouches /Le sac lourd à l’échine et le cœur dévasté… » et offre un hommage vibrant à celui qui incarne un rêve, son rêve de toute une vie… Pablo Neruda, « C’est un soleil énorme /Qu’une main d’enfant retient. »
Aragon est certes le poète de la protestation… La liste est longue de tout ce qui brise, méprise, tue, si l’on en juge par l’extrait de Zadjal de âb al– Bounoûd mais il croit, nous le savons, en ce jour de revanche, en ce jour « couleur d’orange » que chante Jean Ferrat… Il croit en l’avenir de l’homme, il croit en la femme « Elle est la couleur de son âme /Elle est sa rumeur et son bruit », il croit dans le couple amoureux… Quelle douceur, quelle légèreté revenue dans Jeunes gens qui parlez tout bas… Nos lendemains sont en eux, car « Nous n’aurons croisé que nos traces /Et déjà le bruit les efface /Avec sa traîne de lilas. »
Quoi d’étonnant à ce que l’album s’achève sur une explosion de couleurs, de tableaux aériens de Chagall qui illustrent si bien la palette d’Aragon.
« Nous sommes tous des acrobates
Seulement qui n’en savent rien
Il faut bien que l’on s’acclimate
Au ciel d’ailleurs que d’où l’on vient. »