Victoria Delarozière & Caroline Dufau – Le Bijou – Printemps 2022 (©Claude Fèvre)
8 mars 2022 – Chanson à troquer de Victoria Delarozière
Une soirée unique au Bijou
Avec
Victoria Delarozière (accordéon, chant) dans son nouveau spectacle Accrochez-vous Madame avec la participation de Caroline Dufau (Cocanha), Eric Lareine et Christelle Boizanté
Le Bijou (Toulouse)
Cette fois, elle nous arrive seule, Victoria Delarozière. Pas de Jo Zeugma, incontournable acolyte, en vue… Elle entre en scène – elle saute plus exactement – émergeant de la salle, s’arme de son accordéon diatonique et c’est parti pour une première : un concert funambulesque où elle raconte, dévide les anecdotes qui ont ponctué son voyage, ses 5000 km de salon en cuisine, son tour de France de chanson troqué en chanson troquée… Une idée comme ça qui a germé dans sa tête d’enfant de la balle, de clown, un jour de ras le bol d’un deuxième confinement…
Ce soir, il ne lui manque qu’un petit nez rouge. Le rouge est sur sa jupette qui lui donne un air de gamine et nous retrouvons en un instant celle que nous avions décrite déjà au festival de Barjac 2018 « « On la ramènerait aux années folles, à l’entre deux guerres du siècle passé. Peut-être, tout comme Colette, aurait-elle fait scandale ? Sa petite coupe de cheveux au carré, sa frange, ses œillades, son port de tête fier, ses textes entre imaginaire et réalité, la musique, de rock en valse, de tango en java, incitent à ne rien prendre au sérieux. Un appel à vivre intensément, comme pour se prémunir de temps sombres à venir… » Et ce soir, dans cette alarme quotidienne et anxiogène d’une actualité singulièrement guerrière, ce n’est pas formule oratoire. Loin s’en faut !
La première chanson est un rendez-vous avec la vieille Marie… Un petit air de musette entre « chienne et loup » sur le port… Une touche de tendresse et une envie de danser ! Voilà, c’est parti ! Marie est la première personne qu’elle est allée voir pour son troc de chansons et ça donne une ‘tite chanson sans façon a capella « Petite fleur fanée /Petite fleur aimée » … pour révéler ensuite qu’elle est quasiment un hymne à la Réunion… En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, son récit nous entraîne ensuite sur l’île de Houat et ses « Filles sauvages au clair de lune »… avant qu’elle ne se choisisse dans la salle un mari pour un duo improvisé… Seule Victoria ? Allons donc….
Avec elle, nous allons ainsi de rencontres en rencontres plus touchantes les unes que les autres, agrémentées de chansons qu’elle reprend et d’autres qu’elle a créées. Au gré du voyage, elle emprunte à Jacques Brel une musique… « Au premier coup de matraque », ose-t-elle – à Jean Ferrat son titre Ma môme, à Gaston Couté un texte en patois beauceron, au Sud de l’Italie, une valse en dialecte des Pouilles… À l’Estaque c’est une « cueca » chilienne, au pied du Canigou, dans un minuscule village « sur la route de rien » c’est un homme qui danse… « Un saut, deux sauts, trois sauts… le voilà volant » écrit-elle dans le train le lendemain avant que le danseur ne lui offre une chanson écrite pendant la Guerre d’Espagne.
C’est alors qu’elle invite Caroline Dufau, chanteuse, musicienne du duo Cocanha, rencontrée dans une émission de radio à Toulouse, qui ne manque pas de l’entraîner dans ses combats pour la Terre et dans ses chansons occitanes, à répondre, à la joie du public. Son deuxième invité, voisin de son enfance toulousaine, Eric Lareine, amoureux des mélodies françaises – Paroles de Jules Renard et de Sully Prudhomme, musiques de Maurice Ravel et Gabriel Fauré – l’emporte dans un tout autre univers, exigeant, sensible, un brin suranné, comme volé au temps qui passe. Et ce n’est pas tout, nous verrons aussi Christelle Boizanté (ex Orlando – Bel Armel) venir jouer la sirène… Autant dire que le Bijou s’est offert un plateau de roi, de reines ce soir de journée des luttes pour le droit des femmes et c’est Eric Lareine qui chante avec elle pour celles qui n’ont pas pu être écoutées à temps, avec ce terrible final « Et la liste s’allonge… ».
En somme, Le Bijou accueillait un drôle de phénomène. Car Victoria Delarozière nous a offert un voyage insolite, des anecdotes, des rencontres improbables, des chansons en occitan, en dialecte des Pouilles, en patois beauceron, en espagnol… Bref, un bric-à-brac joyeux avec de bien jolies surprises. Une soirée unique comme le Bijou aime en provoquer !