Ȼôme / Pierrick Vivares - Point Némø 2018 (©Anne-Laure Etienne)

Ȼôme /​Pier­rick Vivares –  Point Némø 2018 (©Anne-Laure Etienne)

5 février 2018 – Pre­mier album de Ȼôme (Troi­sième de Pier­rick Vivares) sor­tie offi­cielle le 16 mars 2018

Point Némø

Avec

Pier­rick Vivares (paroles, musiques, Sauf “On voit sou­vent” com­po­sée par David Mar­duel – Gui­tare, voix, pia­no, rhodes, glo­cken­spiel, eggs) Clé­ment Faure (gui­tare élec­trique, ban­jo, lap steel gui­tare) David Mar­duel (basse, machines, percus) .


Oser encore… Avec ce troi­sième album Pier­rick Viva­rès tente des paris un peu fous. Regar­dons-le un ins­tant aller de porte en porte, chan­ter une chan­son chez de braves gens qui ne l’attendent pas. Chan­son d’appartement, en vrai !

Regar­dons –le chan­ger de nom, orien­ter plus encore son uni­vers musi­cal, déjà amor­cé dans son EP, Ph[o]enix, vers l’approfondissement ce que l’on peut nom­mer une quête iden­ti­taire. La sienne, la nôtre.

En somme il nous déso­riente, offrant à nos oreilles et nos idées une forme de para­doxe. Quand l’habillage sonore élec­trique emprunte réso­lu­ment aux sons pop rock, et que le ban­jo comme la « lap steel » gui­tare ne sont pas loin de nous entraî­ner vers la coun­try, réso­lu­ment dan­sante, dyna­mique, éner­gique, les textes, eux, ne cessent d’approfondir un che­mi­ne­ment intime, très inté­rieur, profond…

Au risque de l’obscur, du mys­té­rieux, de l’impénétrable…

Un pari, un défi… Oui, un défi : oser entraî­ner l’auditeur puis le spec­ta­teur dans ce dédale de pen­sées, celle d’un homme qui se heurte à lui-même et au monde qui l’entoure, sans se pri­ver de la joie d’une musique entraî­nante, d’un échange immédiat.

Sur la pochette de l’album, le jeune homme à la che­mise rouge au milieu des flots, émerge des eaux pro­fondes d’un lac, d’une mer, celle de ses remous inté­rieurs : « Se rap­pro­cher de l’essentiel, des élé­ments, s’y confron­ter, dans la dou­ceur, écou­ter son cœur, son corps, ses rêves et trou­ver son iden­ti­té, son essence pre­mière et s’élever », dit la pré­sen­ta­tion de l’album et de son titre, Point Némø”. Le titre ? Réfé­rence à Jules verne, au capi­taine… Ce point serait « le pôle mari­time d’inaccessibilité, le point de l’océan le plus éloi­gné de toute terre émer­gée » Méta­phore marine, sub­tile. De l’insaisissable, du mys­tère comme ce qui pousse à l’aventure les conqué­rants de l’impossible. Quant au nom choi­si, Ȼôme, il s’agit de mar­quer l’étape du pas­sage au trio, d’en sou­li­gner l’osmose en par­ta­geant « le calme de la sur­face du lac de Côme, et le feu dor­mant du vol­can du Puy de Côme »…

Qui sau­ra, qui devinera ?

Au fond, est-ce néces­saire d’approcher le sens de chaque réfé­rence, de tout appré­hen­der puisque l’album nous appelle musi­ca­le­ment à la légè­re­té ? Il suf­fi­ra de se lais­ser por­ter. On pour­rait même finir par dan­ser, on vous l’affirme.

Du pre­mier titre de l’album Jamais content, une invi­ta­tion à secouer sa léthar­gie, à sor­tir de son mécon­ten­te­ment para­ly­sant, au der­nier, conqué­rant On ira, dont on aime tant l’image « On ira navi­guer sur un bateau sans la voile /​Tou­cher l’horizon du doigt sans l’a­voir, se gaver de bon­heur jusqu’à la moelle », l’auteur par­tage les confron­ta­tions avec lui-même, avec l’autre – on n’est jamais bien sûr de l’identité de celui qu’il apos­trophe. Soi ? L’autre ? Le monde affleure, avec ses aspé­ri­tés, dans ses déam­bu­la­tions sans rien voir ou pas grand-chose. On attend la « méta­mor­phose », « bien cachée, camou­flée ». On attend qu’elle s’impose, qu’elle fasse naître celui/​celle qui « flotte dans [ses] habits de drames »… 

Mais c’est sou­vent en s’approchant de la nature que l’on com­prend qu’il faut ouvrir les yeux « Tu fais le mort face à la mer qui t’offre le monde et brasse le vent », c’est « en regar­dant un peu plus loin, alors nos yeux font le point ». Ouvrir les yeux sur ce qui nous entoure, ne pas se conten­ter de déam­bu­ler, Dans ma ville, aveugle et sourd, « gui­gnol… marion­nette… Mickey à Dis­ney­land »… On note­ra alors le dépouille­ment de l’accompagnement de la gui­tare, le débit ins­pi­ré du hip-hop pour cette invi­ta­tion à bri­ser les fron­tières qui nous séparent de l’inconnu(e), celui /​celle que l’on aime­rait ren­con­trer… « Tout ça ne tient qu’à un fil »… Dans une bal­lade ponc­tuée du ban­jo, Seul, On se heurte à la soli­tude, « comme le rire sans l’enfance », dans un véri­table rock and roll, Aphone, c’est au spleen que l’on fait face quand on perd sa vita­mine … « Où étais-tu pas­sée toi…moi qui ai cru t’appartenir ? »…

Ce qu’expriment clai­re­ment les musiques, les arran­ge­ments, par­ti­cu­liè­re­ment le défer­le­ment des gui­tares à la fin du titre Dans les leçons, c’est un appel à la vie. Ici, main­te­nant. Un appel au par­tage, à ne pas se lais­ser deve­nir « une fleur sans pétales », à rêver, crier, chan­ter, dan­ser… Oser !

En écho, on pense au thème du pro­chain Prin­temps des Poètes, L’Ardeur,  à la poé­sie d’Andrée Che­did, tout entière un éloge de la vie sans en igno­rer jamais la part de douleur :

« Por­ter l’instant et le rendre à lui-même

Répondre quel qu’il soit

Au bai­ser de la terre,

Vou­loir ce plus loin dont on ne sait le nom »

(0ser encore, Andrée Che­did)