15e Festival DécOUVRIR (2017) - Chapelle du Saillant (19) : vitrail de Marc Chagall (© Claude Fèvre)

Cha­pelle du Saillant (19) : vitrail de Marc Cha­gall (© Claude Fèvre)

15 août 2017 – 15e Fes­ti­val DécOUVRIR

Concerts d’Émilie Marsh & Céline Ollivier
Lec­ture poé­tique : Poé­sie en liber­té – Anne Syl­vestre & Presque Oui

Avec, par ordre de passage :

Émi­lie MarshCéline Olli­vier (gui­tares, voix), Éric Guille­ton (har­mo­ni­ca) et l’ensemble DécOUVRIR 

Poèmes des lau­réats 2017 du concours Poé­sie en Liber­té, lus par Antoine Coe­sens, Lou Gala, Fré­dé­ric Gor­ny, Yee­lem Jappain

Anne Syl­vestre en duo avec Presque Oui /​Thi­baud Defe­ver (gui­tare, voix)

L’ensemble DécOU­VRIR Étienne Cham­pol­lion (pia­no, accor­déon, gui­tare, uku­lé­lé, arran­ge­ments), Louis Thé­ve­niau (cla­ri­nette), Vincent Imbert (pre­mier vio­lon), Ben­ja­min Clou­tour (second vio­lon), Flo­rian Texier (alto), Astrid Bâty (vio­lon­celle)


Salle du Foyer rural – Concèze (Cor­rèze)

« Har­mo­nies d’un soir »… Sen­sa­tion d’avoir tra­ver­sé une soi­rée sans heurt, sans rien qui dérange ou lasse… Une tra­ver­sée entre poé­sie et chan­son, terre de grâce et de beau­té. Pour vous empor­ter là-bas en Cor­rèze, le temps de cette lec­ture, lais­sez-vous sur­prendre, en ce 15 août. Lais­sez-vous gui­der au pays de la Vézère, au vil­lage de Vou­te­zac exac­te­ment, à une ving­taine de kilo­mètres de Concèze, vers la cha­pelle du Saillant, de grès rouge et de schiste, déco­rée de vitraux de Marc Cha­gall

Attar­dez-vous dans ce lieu aus­si modeste que beau. Gar­dez en vous cette image de l’oculus du por­tail, son vitrail avec ces deux bou­quets aux cou­leurs écla­tantes : le bleu clair pour l’air, le rouge pro­fond pour la terre, le vert pour la végé­ta­tion et le jaune pour le feu… Et sur­tout, sur­tout gar­dez cet oiseau blanc, sym­bole de la paix. Sau­vez un ins­tant en vous cette image et venez ensuite vivre, revivre les moments de « poé­sie en liber­té » offerts par cette soi­rée d’exception.

C’est un duo fémi­nin qui ouvre la soi­rée ; leurs sil­houettes habillées de noir pro­fond se livrent aux cou­leurs de Cha­gall – du bleu qui passe au rouge par la grâce d’un tech­ni­cien sen­sible qu’il faut saluer ici. Mer­ci Pierre !

Céline Olli­vier et Émi­lie Marsh par­tagent leurs chan­sons, s’accompagnant alter­na­ti­ve­ment de leur gui­tare et de leur chant, rejointes, par ins­tants, par l’ensemble DécOU­VRIR pour plus d’ensorcellement encore.

Elles com­mencent tout natu­rel­le­ment avec Vents Vio­lents chan­son coécrite voi­là un an et demi et dans leurs voix s’élèvent leur par­tage et leur har­mo­nie. Nous en sai­si­rons la force et la grâce, nous essaie­rons d’en gar­der le sel sur la langue. On rêve­ra – plus tard – « On rêve­ra aux étoiles… Tu ver­ras comme c’est beau ! »

Invi­ta­tion au voyage.

Il est beau­coup ques­tion de l’Autre dans leurs chan­sons, cet/​te autre pour qui l’on met les voiles, auprès de qui l’on essaie de reprendre souffle, que l’on sup­plie­rait de ne sur­tout pas arrê­ter là – nous pour­rions tom­ber – l’Autre qui nous fait fer­mer les yeux pour mieux l’entrevoir encore. Cet être que l’on touche avec fer­veur dans un lan­gage plus vrai que les mots mais qui nous échappe aus­si, nous lais­sant en proie au doute, à l’angoisse de l’absence et du vide. Pour ce moment, cette chan­son Où vas-tu la nuit ?, chan­son d’Émilie Marsh qui nous est deve­nue fami­lière, Éric Guille­ton est venu, en ami, psal­mo­dier ses notes d’harmonica. On ferme les yeux comme on le fera aus­si en écou­tant ce texte de Mar­ce­line Des­bordes – Val­more Les Sépa­rés, que la voix et la musique de Julien Clerc ont ren­du célèbre. C’est Céline qui chante, Émi­lie l’accompagne légè­re­ment à dis­tance assise côté cour… « N’écris pas, n’apprenons qu’à mou­rir à nous-mêmesAu fond de ton absence, écou­ter que tu m’aimes /​C’est entendre le ciel sans y mon­ter jamais. »

Invi­ta­tion au voyage. « Bien sûr que ça vaut la peine qu’on y revienne »…

Deuxième halte, celle pro­po­sée par les voix de comé­diens Antoine Coe­sens, Lou Gala, Fré­dé­ric Gor­ny et Yee­lem Jap­pain qui donnent force et beau­té à la poé­sie de jeunes, très jeunes auteurs du concours inter­na­tio­nal dont Mathias est le direc­teur artis­tique… Éton­nant, ren­ver­sant flo­ri­lège ! Bel hom­mage aus­si à cet exer­cice de la lec­ture ain­si pro­mue au rang de spec­tacle vivant. Pour mieux rendre compte de ce voyage, on cite­ra ici un pas­sage du der­nier texte lu, récom­pen­sé d’un Grand Prix du jury :

« Je sens dans le jar­din d’en face, l’odeur de l’amandier qui a fleu­ri trop tôt, cette année. Toute proche la mer. De légers bruits d’eau, la den­telle d’écume qui se retire. La mer se laisse dou­ce­ment finir. Elle renonce, s’abandonne et vient, peu à peu, mou­rir contre les rochers. » Invi­ta­tion au voyage de Louise Assen­baum, élève de col­lège dans l’Hérault, âgée de 12 ans !

Alors vous com­pren­drez bien que lorsqu’Anne Syl­vestre, Thi­baud Defe­ver et sa gui­tare, ins­tru­ment magique sous ses doigts, nous appa­raissent en duo, nous sommes déjà empor­tés, trans­por­tés… Ils com­mencent avec une si « belle paren­thèse », celle de l’amour par­ta­gé, l’amour qui embel­lit tout… un peu comme ce « séquoia tatoué dans le dos, en tout petit, là tout en bas »… Tendre méta­phore de cette osmose tant recher­chée dans cette chan­son de Thi­baud : « Son bran­chage et mon ossa­ture /​Ne feront qu’un /​Nous déploie­rons nos enver­gures /​Plus haut, plus loin /​J’aurai le vent dans ma futaie /​Des nids d’oiseaux dans mes che­veux /​Quelques nuages /​Au coin des yeux… » Par­fois Anne vien­dra en bord de scène, face au public, avec la force de ses mots, avec ses his­toires de vies cha­hu­tées, par­fois bri­sées à des rêves inas­sou­vis, à des des­tins qui laissent à jamais « des san­glots dans la gorge ». Sa voix, puis­sante alors, ses bras qui vou­draient tout embras­ser, nous sai­sissent iné­luc­ta­ble­ment… Richard, Luce, Marie Mar­got… « Pleu­rez, les filles /​Dans vos che­veux… Le pêcheur de perles était si beau ! » Par­fois ils se font face, dia­loguent en chan­sons, mali­cieux, facé­tieux, par­fois elle va s’asseoir, se mettre à dis­tance, écou­ter Thi­baud, non sans avoir rebon­di à ses mots, ses clins d’œil… Câline quand elle pose son regard sur lui. Ces deux êtres-là s’aiment et le montrent, et le disent à plu­sieurs reprises… sans fausse pudeur.

Qu’il est beau ce rêve bizarre de Thi­baud, dans le froid, dans la neige… c’était lui qui se voyait quit­ter cette vie. Et que c’est bon d’entendre en écho Anne tutoyer sa « car­casse », sa com­plice. Cette soi­rée défie le temps, l’usure, la mort. Ah si seule­ment, plai­sante Anne, il suf­fi­sait d’un capo­dastre au manche de nos gui­tares pour que le son de nos vies s’adoucisse… Pour l’heure on conti­nue de croire à l’évasion, au départ tou­jours pos­sible, à la fuite, comme dans ce final rap­por­té par Thi­baud, ce der­nier plan des Quatre cents coups, face camé­ra, le regard du jeune Jean-Pierre Léaud. « Qu’est ce qu’on attend ? » chantent Thi­baud Defe­ver et Anne Syl­vestre qui nous ont invi­tés au voyage entre émo­tion, malice, tendresse…

Fin du voyage de ce 15 août en Corrèze.

Le bleu de Cha­gall nous res­te­ra au cœur.