15e Festival DécOUVRIR (2017) – Clio (© Claude Fèvre)

15e Fes­ti­val DécOU­VRIR (2017) – Clio (© Claude Fèvre)

14 août 2017 – 15e Fes­ti­val DécOUVRIR

Lec­ture poé­tique de Jean-Pierre Lesieur – Carte blanche à Clio
Concerts de Mathieu Sem­pé­ré et Fran­çois Corbier

Avec, par ordre de passage :

Jean-Pierre Lesieur (lec­ture) – Clio, avec l’Ensemble DécOU­VRIRÉmi­lie Marsh (gui­tare élec­trique) – Mathieu Sem­pé­ré (chant) et l’Ensemble DécOU­VRIRFran­çois Cor­bier en trio

L’ensemble DécOU­VRIR Étienne Cham­pol­lion (pia­no, accor­déon, gui­tare, uku­lé­lé, arran­ge­ments), Louis Thé­ve­niau (cla­ri­nette), Vincent Imbert (pre­mier vio­lon), Ben­ja­min Clou­tour (second vio­lon), Flo­rian Texier (alto), Astrid Bâty (vio­lon­celle)


Salle du Foyer rural – Concèze (Cor­rèze)

C’est bien là le pro­pos de ce fes­ti­val, faire que se croisent des uni­vers et des styles qui auraient peu de chance ailleurs de se ren­con­trer. Ce soir nous sommes confron­tés à nos habi­tudes de cloi­son­ne­ment, d’étiquettes. Mat­thias Vin­ce­not aime y mettre son désordre.

Impro­bable soi­rée donc.

Elle com­mence avec un poète, Jean-Pierre Lesieur qui affiche sa totale liber­té de publi­ca­tion… et de ton. L’humour ne lui fait pas défaut, sur­tout pour tordre le cou à notre peur de la vieillesse et de la mort. Son der­nier recueil s’intitule Manuel de savoir mou­rir à petits feux dans la plus pure poé­sie… Tout un pro­gramme à suivre, « Pré­pa­rez-vous à mou­rir dès le plus jeune âge » ou bien plus sur­réa­liste, l’art du cou­rant d’air… pour pas­ser inaper­çu, ou encore déci­der tout sim­ple­ment de ne pas vieillir… C’est si simple en somme ! Du moins en poé­sie où même le sui­cide peut deve­nir sujet de déri­sion… Ouver­ture pour sou­rire, pour prendre les mots au pied de la lettre, s’en faire des tickets de voyages sans queue ni tête, à cloche pied ou ventre à terre… Enfin, c’est comme vous voulez.

Ce n’est pas Fran­çois Cor­bier, le facé­tieux, l’éternel gamin, qui dira le contraire. C’est avec lui que se refer­me­ra cette page. Le public chan­te­ra et repar­ti­ra dans la nuit avec quelques années de moins – qui sait – juste le temps de se faire une vie à la cou­leur de ses rêves… Par­fois au milieu de ses galé­jades, de ses blagues de potache, on aime­ra quelques rares chan­sons ten­dre­ment mélan­co­liques ou bien car­ré­ment ce rap­pel que c’est pour Dieu que naît le crime, « Pas de repos pour la croi­sade ». On gar­de­ra de cet épi­logue sur­tout le sou­ve­nir du jazz manouche – gui­tares et contre­basse – qui habille les chansons.

Le pas­sage du ténor Mathieu Sem­pé­ré, magis­tra­le­ment accom­pa­gné par l’Ensemble DécOU­VRIR, offre un autre voyage. Voyage dans le temps d’avant, celui de nos plus jeunes années, voire celles de nos parents ou grands-parents. Voyage dans le Paris de la Chan­son, une déam­bu­la­tion qui ramène à la vie, l’instant d’un refrain, les visages de nos dis­pa­rus. C’est là le charme de la Chan­son qui appar­tient à cha­cune de nos his­toires. Elle se niche encore dans les recoins de nos mémoires. On avoue­ra pour­tant qu’on aurait pré­fé­ré sou­vent plus de sim­pli­ci­té, de modes­tie dans l’interprétation. Effets de voix super­flus sur des textes déjà char­gés en émo­tion, en pou­voir d’évocation ? Mais on vou­dra bien admettre que c’est là le défi du chan­teur lyrique qui donne sa pleine mesure en chan­tant plu­tôt Luis Maria­no. Ici encore toute une époque suf­fi­sam­ment aimée du public pour avoir per­mis le pas­sage dans qua­rante-cinq Zéniths !

Pour ce qui nous concerne c’est à Clio que l’on accor­de­ra le moment de grâce de cette soi­rée d’autant plus que l’ensemble DécOU­VRIR et Émi­lie Marsh à la gui­tare élec­trique, l’accompagnent. Nous aimons son écri­ture sub­tile, légère, gra­cile. Par petites touches elle des­sine des pay­sages et donne le sen­ti­ment d’instantanés volés à l’usure du temps. On se laisse envoû­ter. Chaque fois. Aujourd’hui elle dévoile quelques chan­sons nou­velles. Alors on les attend comme pro­messes d’émotions, de fris­sons. Nous l’entendrons aus­si s’amuser de sa dis­cré­tion, voire de sa crainte des regards du public. Quand elle s’installe seule au pia­no – pour une pre­mière fois dans sa jeune car­rière ! – elle avoue être plus à l’aise de nous tour­ner le dos ! La chan­son qu’elle offre alors a de quoi nous convaincre de son talent, si tou­te­fois nous ne l’étions pas déjà. Elle s’adresse à son enfant, à ce bébé dont le sou­rire sauve de la déses­pé­rance, de la tris­tesse, de tout ce qui blesse. « Tu sou­ris… C’est mieux que les vacances, mieux qu’un arc-en-ciel… Une étoile filante dans un ciel d’été… » Elle s’offre des pre­mières fois, Clio, dans cette carte blanche qu’on lui a accor­dée… Elle com­mence avec l’insolite expres­sion d’un retour, un aveu timide, déli­cat… « J’savais bien que je revien­drai… T’as vu, j’suis là… » Elle s’accorde une chan­son seule avec Étienne Cham­pol­lion, un moment volé – encore un – une aqua­relle, une marine, une plage, une jetée, des véli­plan­chistes, des cerfs-volants… Puis un duo qu’elle fait habi­tuel­le­ment avec son gui­ta­riste. Enfin on l’entendra avec le trio de charme Garance, Mar­gaux Guille­ton et Inès Deso­rages dans l’une de ses pre­mières chan­sons, What, what, légère invi­ta­tion à la paresse. Étienne Cham­pol­lion les accom­pagne au uku­lé­lé. En rap­pel, elle nous ramène à Saint-Malo, sur ses rem­parts. Avec elle, on fume en regar­dant les vagues… Chamallow’s song… Des adieux qui font mal au cœur.

« Une mouette s’envole… et tu repren­drais bien quelques gouttes d’alcool pour pas­ser le cha­grin… »