3ème Comme ça nous chante, Camille Hardouin 2016 (© Claude Fèvre)

3e Comme ça nous chante, Camille Har­douin 2016 (© Claude Fèvre)

10 décembre 2016 – 3e Comme ça nous chante – Camille Hardouin

avec Camille Har­douin /​La demoi­selle Incon­nue (gui­tares, chant)

Le café Plùm – Lautrec (Tarn)

D’abord il y a eu cette annu­la­tion du concert de Michèle Ber­nard avec Monique Brun… D’abord il y a eu la tris­tesse de cette décon­ve­nue quelques heures avant le début du fes­ti­val… Puis il y a eu l’enthousiasme de Camille Har­douin, prête à venir, comme ça, au pied levé comme on dit. Dans ce vil­lage de Lau­trec avec ses pierres sécu­laires et ses lumières de Noël. « C’est pas si cou­rant », dira –t‑elle, ravie.

Et voi­là qu’elle appa­raît auréo­lée de ses che­veux bleus ras­sem­blés sur sa tête, avec quelques petites fleurs au-des­sus de l’oreille. Elle est pieds nus Camille, avec une jupe qui bat ses mol­lets, un petit bus­tier de la cou­leur des che­veux, une grande che­mise par-des­sus. Elle sou­rit Camille et l’on est déjà tous prêts à entrer dans ses chan­sons parce qu’elle nous y invite sans manières. De sa voix qui semble s’être bri­sée à quelques rochers sur la rive, elle s’en va de chan­son en chan­son nous empor­ter dans ses haltes d’amoureuse déli­vrée de toute chaîne.

Elle nous déso­riente, Camille, enfin disons, nous emmène sur des che­mins assez peu conve­nus. Écou­tons-la chan­ter Mille bouches, mul­ti­plier ain­si l’espace du désir, de « mille hommes » en « mille femmes… mille anges ». Écou­tons- la dire sa soif, sa faim de tout… « Parce que la vie c’est bien­tôt fini », renon­cer à l’enfermement des pro­messes, récla­mer une seule nuit à être sin­cère « Pro­mets-moi seule­ment de ne pas reve­nir ». Com­ment pour­rions-nous ne pas son­ger à Bar­ba­ra chan­tant : « Oh laisse-moi, je t’aime » ? Savoir s’en aller pour ne pas assis­ter à la débâcle d’un amour ou bien ten­ter de le sau­ver quand il en est encore temps, le sor­tir des sables mou­vants, avec un petit rien du tout, « une danse, une danse sans impor­tance » ?… Et d’ailleurs si l’on veut être libre, il ne faut pas aller vers l’amour qui vient à nous.

Elle sou­rit aus­si Camille et nous sou­rions avec elle de cet état d’hébétude et de stu­pi­di­té où peut nous plon­ger un coup d’amour. Où l’on peut se dire, « il m’plaît pas…mais qu’est ce qu’il m’a fait ce mec ? » pour que par trois fois on aille au bou­lot en cha­ren­taises, entre autres absur­di­tés… Elle s’oppose Camille de toute son âme à une vie stra­té­gique, bien ordon­née… Elle réclame le droit à faire des bêtises et le dit en regar­dant deux petits bon­hommes, deux « pirates » au pre­mier rang qui pour­raient être ceux de sa chan­son. Elle ne sait pas qu’ils se pré­nomment Oscar et Marius… De quoi faire une chan­son, non ?

On aime aus­si ses échap­pées dans l’étrange, le fan­tas­tique, comme dans La Louve qu’elle accom­pagne d’un archet sur le manche de sa gui­tare élec­trique. Et plus encore peut-être dans cette créa­ture, cette ber­gère qui marche sur les toits de la ville et prend tous les cau­che­mars qui se tordent en sor­tant des cheminées…ces cau­che­mars que font naître la vio­lence, la mons­truo­si­té des hommes. Com­ment y répondre « quand on ne sait plus quoi faire, quand c’est trop grand »… ?

On aime enfin ces moments d’intimité avec le public quand elle lui chante des reprises, sans jamais en être asser­vie, car « ça déborde de par­tout » dit-elle. Aux marches du palais, une rêve­rie d’amour, « Et moi je pense à eux /​Et toi tu leur res­sembles », la chan­son d’Alain Bashung qui lui va si bien, La nuit je mens, ou pour finir ce soir, Suzanne de Leo­nard Cohen.

Déci­dé­ment on aime­rait suivre cette demoi­selle incon­nue, dans cet endroit dont elle nous parle et qui n’existe pas. Un pays où l’on n’aurait plus d’âge, plus de sou­ve­nirs. On aime­rait s’aimer exac­te­ment comme on est, et sif­flo­ter comme elle, là, assise en bord de scène.

Mais à l’instant où l’on écrit Camille est déjà repar­tie, sur sa route, sa longue route de nomade.

« Jamais la dou­ceur offerte de cette nuit ne sera effa­cée parce que tu es par­ti (e) »…