Barjac m’en Chante 2017 – Gérard & François Morel (© Claude Fèvre)

Bar­jac m’en Chante 2017 – Gérard & Fran­çois Morel (© Claude Fèvre)

29 juillet 2017 – Fes­ti­val Bar­jac m’en Chante 2017

Concerts de Gérard Morel en solo & Fran­çois Morel en quintet

Avec Gérard Morel (gui­tare, chant)

Fran­çois Morel (textes et chant), Antoine Sah­ler (musique et arran­ge­ments – pia­no, cla­viers, trom­pette), Muriel Gas­te­bois (bat­te­rie, vibra­phone, per­cus­sions), Amos Mah (contre­basse, vio­lon­celle, gui­tares), Sophie Alour (saxo­phones, flûte, cla­vier) – Mise en scène : Juliette


Cour du châ­teau – Bar­jac (Gard)

Outre leur patro­nyme com­mun ces deux-là avaient tout pour se ren­con­trer, s’aimer, par­ta­ger des bouts de scène, des chan­sons… Voire toute une soi­rée comme ils vont le faire aujourd’hui et réci­di­ve­ront en novembre, à l’occasion des trente ans du Train Théâtre de Portes-Lès-Valence. Là, le titre s’impose : Un Morel peut en cacher un autre ! 

On évi­te­ra donc d’usurper cette image qui colle si bien au lieu !

C’est une évi­dence ce soir, ces deux-là ont des points com­muns : d’abord la vie ! Enfin enten­dons-nous… L’amour de la vie, che­villé au corps et le goût de le chan­ter ! Des épi­cu­riens sans l’ombre d’un doute.

Ensuite ils sont pareille­ment amou­reux de la scène, du théâtre. Ils nous le confirment aujourd’hui lors de la ren­contre de 11h moins 11. Pour eux c’est une néces­si­té de pen­ser cet espace sin­gu­lier, de se l’approprier avec quelques règles de bon usage. Au fond, disent-ils, il n’y a pas si loin du théâtre à la chan­son ! En scène, tout fait sens, tout est lan­gage. D’où le regard de Juliette por­té sur le spec­tacle de Fran­çois Morel.

Enfin, ce sont des bien­veillants, des artistes qui n’hésitent pas à par­ler de ce qui blesse, qui fait mal, mais sans amer­tume, sans ran­cœur. Il faut le dire l’un et l’autre sait choi­sir l’angle d’attaque de sa chan­son… Le plus sou­vent par l’humour, la fan­tai­sie, le jeu de mots, l’image. Le spec­ta­teur est leur com­plice à défaut d’être leur ami. Quelque part en lui se niche un épi­sode de vie, un lieu, un moment proche ou loin­tain, une expé­rience, un être qui le relie inévi­ta­ble­ment à leurs chan­sons. C’est avec lui que tout pren­dra corps et vie, que tout pren­dra sens. Le petit miracle de 2m30 !

Gérard Morel, seul avec sa gui­tare, a choi­si d’habiller la scène de rouge et blanc. Rouge le tapis, le petit gué­ri­don, la che­mise et les chaus­settes (!). Blancs les pieds du pupitre, la chaise où il est assis. Gérard Morel ins­talle d’emblée une com­pli­ci­té avec le public, il inter­rompt sa chan­son pour lan­cer une galé­jade. Ce soir il lève le voile sur quelques nou­veaux titres du pro­chain album. Alors il en appelle à la man­sué­tude : « C’est pas bien sec, mais c’est de bon cœur ! » Voi­là, le ton est donné.

De quoi parle-t-il donc ce bon vivant, ce joyeux, ce gour­mand ? De ce qui donne du plai­sir : la sieste et son pen­dant, la « grasse mat’» – spé­cia­li­tés ardé­choises pré­tend-il – la bonne chère – Ah ce Can­tique en toque, comme nous aimons reprendre son refrain ! Mais aus­si et sur­tout de ce qui fait pareille­ment tour­ner les têtes des filles et des gar­çons. Je veux bien sûr nom­mer l’amour. Celui qui met qui nous met sens des­sus des­sous, et met d’accord tous les sens… ! Alors les mots se mettent à rimer et fri­mer joli­ment pour évo­quer, avec juste ce qu’il faut de piquant, le moment où « ça fré­mit sous la couette », où la main frôle, devine, s’égare dans les recoins douillets… Un som­met est atteint avec Le nu te va si bien !

Sur­tout ne man­quez pas la ver­sion d’infinie ten­dresse qu’il offre avec Emma La Clown ! Car Gérard Morel s’il peut nous faire rire aux éclats avec son Tan­go du lum­ba­go par exemple, c’est sur­tout un poète de l’amour, même s’il pré­tend faire de « la chan­son con /​Qu’on chante sans façon »… Mes­dames ne man­quez pas sa décla­ra­tion « haut de gamme », ses Je t’aime décli­nés de mille et une façons, « En veux-tu, en voi­là »… C’est qu’il a « les yeux plus grands que le ventre » cet amoureux !

Le chan­ge­ment de pla­teau laisse pré­sa­ger une for­ma­tion qui met l’eau à la bouche ! Le réci­tal de Gérard Morel a aigui­sé nos sens… Et sur ce point nous aurons de quoi nous réga­ler, avec ce quar­tet où cla­viers, pia­no, cuivres, cordes et per­cus­sions, varient les atmo­sphères et les plai­sirs. Tou­jours fami­lière, la musique est celle d’une chan­son popu­laire, celle qui promp­te­ment fait fre­don­ner, reprendre le refrain, celle qui fait cla­quer des doigts, dan­ser, à défaut, fré­tiller sur sa chaise. Ce qui carac­té­rise ce spec­tacle, c’est l’histoire qui se raconte, la mise en espace des chan­sons. Fran­çois Morel – dont on remarque aus­si­tôt le rap­pro­che­ment avec Gérard du même nom, à savoir les chaus­settes rouges ! – c’est celui qui veut à tout prix faire des imi­ta­tions aus­si­tôt frei­né, voire inter­dit par son pia­niste, Antoine, com­plice et par­te­naire s’il en est. Il fini­ra par en faire une, une superbe reprise, sobre­ment accom­pa­gnée : Au sui­vant de Jacques Brel. Tous deux joue­ront de cette mise en scène, consul­tant régu­liè­re­ment « le grand livre du spec­tacle », sur lequel tout est consigné.

On rit fran­che­ment, sans ver­gogne, au cours de ce concert comme lorsqu’ils évoquent tous ces trucs, ces connais­sances qui nous enva­hissent le cer­veau ! De Gaulle… qui ne fai­sait tout de même pas 1m96 à la nais­sance ! Ou lorsque Fran­çois Morel s’amuse de son contre­bas­siste accor­dant la gui­tare et qu’il se met alors à l’observer comme un ani­mal au zoo… Et pour­tant, pour­tant… Les textes surfent sur la ten­dresse, sur la vague de sen­sa­tions, d’émotions qui viennent nous titiller le cœur et même nous tirer quelques larmes… « La vie n’est rien qu’une pop song », c’est de l’enfance qui s’étire ; elle n’est qu’une balade « pleine de mirages et de tour­ments »… Comme celle de la petite vieille qui s’apprête à quit­ter cette rive et qui com­mente son épi­sode d’Amour, gloire et Beau­té en atten­dant en vain l’appel de son petit pré­fé­ré… Déchi­rant moment de chan­son théâ­tra­li­sée. On peut citer aus­si cette longue liste de mots qui indiquent un état quand notre langue reste muette pour dési­gner la perte d’un enfant. On assis­te­ra aus­si au jeu de chaises musi­cales des ins­tru­men­tistes, qui fini­ront par rega­gner leur place ini­tiale… Juste pour mettre en scène la grande ques­tion « Faut-il res­ter tenace ou céder sa place ? » La réponse est don­née. Musi­ca­le­ment. Théâtralement.

On ajoute à cette rétros­pec­tive par­tielle, par­tiale – comme tout res­sen­ti devant un spec­tacle – le cadeau que nous ont fait les deux Morel. D’abord La marche nup­tiale de Georges Bras­sens, où Gérard nous offre la ver­sion ita­lienne, puis La folle com­plainte de Charles Tre­net.

Vrai « Y’a pas plus chic qu’une chan­son populaire ! »