Barjac, Valérie Mischler (© Claude Fèvre)

Bar­jac, Valé­rie Mischler  (© Claude Fèvre)

31 juillet 2016 – Barjac m’en Chante, Valérie Mischler

avec Valé­rie Mischler  chant, Xavier Rubin gui­tare

Chapiteau – Barjac (Gard)

Voi­ci que l’orage s’entête, et que la pluie ne se contente pas de faire des cla­quettes. Elle dégou­line en ruis­seaux dans les petites rues pavées à l’heure de nous rendre au cha­pi­teau. Sous la toile elle tam­bou­rine ferme. C’est car­ré­ment le déluge ! Ce n’est guère cou­tu­mier à Barjac.

On a plu­tôt sou­ve­nir d’une cha­leur écra­sante qui fait de ces concerts de l’après-midi une double épreuve pour l’artiste. Il s’agit en effet de convaincre un public dont la répu­ta­tion d’exigence n’est plus à faire et qui, par-des­sus le mar­ché, n’est pas dans les meilleures condi­tions de récep­tion. Conve­nons-en. On trans­pire et on en veut pour son effort, son endu­rance… Aimer la chan­son n’a pas de prix ! Aujourd’hui, on a car­ré­ment bra­vé la tem­pête pour être ici.

Quant aux artistes, gagner le pri­vi­lège de chan­ter sous le cha­pi­teau de Bar­jac c’est un peu atteindre le Saint-Graal… « Un mythe » dira dans un ins­tant Valé­rie Mischler. Certes l’expression est empha­tique mais elle tra­duit sûre­ment une part du res­sen­ti. « Trac, trouille, pétoche, stress… » C’est pré­ci­sé­ment ce qu’illustre la belle expo­si­tion de Thi­baut Derien que l’on peut voir cette année. Les pho­to­gra­phies sont accom­pa­gnées de la parole des artistes sur cet ins­tant unique et c’est un vrai régal de les par­cou­rir. Cer­tains textes sont des mor­ceaux d’anthologie.

On y pense en voyant Valé­rie Mischler entrer en scène, expri­mer sa peur et, pour la vaincre, s’installer pour ses deux pre­mières chan­sons devant les pre­miers rangs. Elle a opté pour une tenue plu­tôt sobre, talons hauts –quand même – jean ser­ré, petit débar­deur qui lui dégage les bras, le cou, che­ve­lure sans apprêt. On connaît Valé­rie Mischler pour son charme, sa séduc­tion, pour son goût affi­ché d’une femme à l’érotisme conqué­rant. On sait qu’elle campe une bluette plu­tôt délu­rée, une liber­tine. Qu’elle joue et plu­tôt bien, de tous ses atouts fémi­nins : jeu de hanches, jeu de fesses, jeu de jambes, jeu de mains dans les che­veux. Gestes répé­tés à satié­té… Trop ? On ne sait ce qui se passe vrai­ment quand, sou­dai­ne­ment, on se lasse de ce jeu là… Trop, c’est trop ?… Enfin, voi­là, cette femme qui se bat avec toutes réa­li­tés de sa condi­tion, qui dit et redit cette lutte sem­pi­ter­nelle qui l’oppose au mari, à l’amant, à sa fille, au temps et à ses ravages, et même au « black­ber­ry », sur­tout à elle-même… On n’a plus envie…

Enfin peut-être pas aujourd’hui… Enfin peut-être pas de cette façon là … Allez savoir ? Avec ces images par­fois gla­çantes, ce sang qui coule aus­si, les chan­sons de Valé­rie Mischler démontent nos rêves, nos illu­sions et nous ramènent obs­ti­né­ment à nos réa­li­tés de bluette, de sou­mise ou domi­na­trice, de « cou­gar », de femme fleur, femme fatale, femme enfant… Plus envie…

Et cet après-midi on résiste, même à sa reprise du Cul de ma sœur de Ber­nard Dimey, qu’elle offre en rap­pel. C’est dire.

Sau­ra-t-on écou­ter ensuite, en deuxième pla­teau, Phi­lippe Guillard ? Sau­ra-t-on aller au-devant de sa sil­houette qui oscille entre Gains­bourg plu­tôt Gains­barre, Arno ou Bashung, les lunettes de soleil posées dans sa che­ve­lure ébou­rif­fée ? Sau­ra-t-on écou­ter sa voix d’homme reve­nu de tout, sur­tout de vivre… homme au bout de son errance qui enchaîne ses textes oni­riques, ses énu­mé­ra­tions qui naviguent sans fin sur les rifs de gui­tare élec­trique ? Pas sûr.