B. comme Fontaine, un quartet vertigineux (© Hervé Suhubiette)

Fes­ti­val Détours de Chant 19ème– Ben Her­bert Larue (©Claude Fèvre)

2 février 2020, 19ème Détours de Chant, concert gratuit

Trio Ben Her­bert Larue

Avec

Ben Herbert Larue (accordéon, voix) Nicolas Jozef Fabre (clavier, trompette, chœurs) Xavier Milhou (contrebasse et petites percussions) 

Grand audi­to­rium de la média­thèque José Caba­nis (Tou­louse)

Disons-le tout net en pré­am­bule : le concert du trio Ben Her­bert Larue, ici et main­te­nant dans un tel lieu, c’est cadeau ! Près de 200 places gra­tuites, un dimanche à 16 h, c’est cadeau ! C’est rendre acces­sible l’un des plus émou­vants chan­teurs d’aujourd’hui, sur la belle scène de l’auditorium de la média­thèque José Caba­nis. Pas moins de 30 m² toute habillée de bois clair. C’est assu­ré­ment offrir une décou­verte, dans les meilleures condi­tions, aux habi­tués de la média­thèque qui n’ont pas bou­dé leur plai­sir, croyez-le !

Il est vrai que ce trio offre le meilleur, arran­ge­ments ins­tru­men­taux (cla­vier, trom­pette, accor­déon, contre­basse) pré­sence scé­nique, et sur­tout textes aux­quels la voix du chan­teur, ses graves et son grain, ajoutent une indé­niable pro­fon­deur. Pas éton­nant qu’il ait chan­té en pre­mière par­tie de Arthur H, Tho­mas Dutronc, Yves Jamait, Chris­tian Oli­vier. Il est incon­tes­ta­ble­ment de cette trempe là !

Dans sa pre­mière moi­tié le concert fait hom­mage à « nos armes » : la poé­sie, la Chan­son, les ren­contres, l’amour des gens. Le pre­mier titre appelle la sym­pa­thie du public en évo­quant les sen­sa­tions du chan­teur avant la scène « J’suis accro­ché à sou­rire sous mon masque à timi­di­té… », puis il enchaîne avec une toute pre­mière chan­son d’amour où s’invitent la déli­ca­tesse et la ten­dresse de l’archet de la contre­basse et de la trom­pette… C’est alors que l’interprétation bou­le­ver­sante de la chan­son d’Allain Leprest, C’est peut-être, finit de nous séduire. Il est vrai que c’est un texte d’une force inouïe, mais il lui donne une ampli­tude sup­plé­men­taire avec les chœurs, le souffle, la trom­pette de Nico­las Fabre… On se lais­se­ra ensuite por­ter vers le bel hom­mage aux mains de [ses] grands-mères qui sui­vra. Si douce mélo­die pour ces mains là qui « tremblent un peu », « ces gar­diennes cha­leu­reuses »… qui « ont des­si­né des cœurs dans la buée » et que nous voyons alors appa­raître dans notre ciel … Vous ne serez donc pas sur­pris d’apprendre que le public lui a volon­tiers emboî­té le pas quand il s’est prê­té à une say­nète, pleine d’humour, pour chan­ter au final « J’aime les gens tout l’temps »…

Dans un deuxième temps, le monde qu’évoquent les chan­sons perd sen­si­ble­ment de sa cohé­rence et de son inno­cence… Est-ce ce monde –ci ou bien des rêves comme celui qui mêle les tableaux des plus illustres peintres dans des scènes cau­che­mar­desques ? « Alors je fuis vers la lumière mais la lumière me fuit »… Que dire aus­si du jour­nal de Myriam, à Alet en Syrie quand l’accordéon évoque une enfance qui s’écroule, une voix qui s’élève « pour ne plus entendre le bruit des bombes » ? Ou bien encore la souf­france de celle qui attend l’homme par­ti « dis­pa­ru tout là-bas… tout au bout de [ses] bras qui res­tent vides… »

Avant que nous ne retour­nions dans la ville rose, à deux pas de sa gare et du mou­ve­ment de ses trains, nous vivrons avec le trio un bout d’enfance, la nuit à Dijon, au deuxième étage, face au « bar musi­cal de l’univers », rue Ber­bi­sey. Nous accom­pa­gne­rons les « pour­quoi papa ? » du bam­bin, voyant le monde étrange des adultes qui chan­celle… Et nous le croyons alors quand il nous dit que, de cette fenêtre, naquit une voca­tion : « Quand j’s’rai grand, j’rai chan­teur ».

Ce moment d’évasion domi­ni­cale s’achève avec « Nous ensemble… », quand le trio nous rap­pelle notre part d’humanité, celle qui nous ras­semble, faite de ces petits riens que nous connais­sons tous et que le chan­teur évoque en des­cen­dant inter­pe­ler les spec­ta­teurs. Déci­dé­ment, Ben Her­bert Larue a le talent de nous relier, de nous ral­lier à sa cause. Assu­ré­ment c’est pour l’amour des gens qu’il vient vers nous, comme un cer­tain Allain Leprest… 

*Extrait de Je viens vers vous, Allain Leprest /​Richard Galliano