Boule - Appareil Volant Imitant l’Oiseau Naturel – 2019  (©Thibaut Derien)

Boule – Appa­reil Volant Imi­tant l’Oiseau Natu­rel, 2019 (© Thi­baut Derien)

2 avril 2019 – Cédrik Boule, Appa­reil Volant Imi­tant l’Oiseau Naturel

Concert de Cédrik Boule en avant pre­mière de la sor­tie de son nou­vel album – sor­tie natio­nale le 24 mai

Avec

Sur scène : Boule (gui­tare, chant)

Sur disque : Cédrik Boule (gui­tare, voix), Robin Leduc (syn­thé­ti­seurs, per­cus­sions, gui­tare addi­tion­nelle, basse sur Livreur de méthane), Cyrus Har­dé (pia­no, orgue, syn­thé­ti­seurs ), Jérôme Pichon (basse sur tous les titres sauf Wel­come in Hip­po­po­ta­mie et Livreur de méthane, gui­tare addi­tion­nelle), Raphaël Léger (bat­te­rie), Jeanne Rochette (voix sur Avion), Lucrèce Sas­sel­la (voix sur Wel­come en Hip­po­po­ta­mie et chœurs sur Je prends le temps)


Le Bijou (Tou­louse)

Boule, com­ment faire le por­trait de ce chan­teur lunaire ? Com­ment l’approcher et s’emparer d’un bout de sa folie conso­la­trice ? Faut-il écou­ter l’album puis le voir en scène et sou­dain pou­voir lire entre les vers, entre les lignes ? A moins qu’il ne soit pré­fé­rable de faire l’inverse : le voir seul avec sa gui­tare, dans une approche très mini­ma­liste, sur le ton de la confi­dence, puis pro­lon­ger le plai­sir en écou­tant les chan­sons enre­gis­trées… En savou­rer tout à loi­sir la fine plume, inso­lente et tendre. Et puis les arran­ge­ments, les gui­tares, pia­no, basse, et la bat­te­rie tou­jours sub­tile, qui donne curieu­se­ment l’envie de se déhan­cher, les voix fémi­nines… Un ren­dez-vous où Renaud, Ricet Bar­rier, et Pierre Vas­si­liu vien­draient tour à tour mettre leur grain de sel sous l’œil gogue­nard de Georges Bras­sens… On ne sait vrai­ment, mais ce dont on est sûr c’est que c’est bon, déli­cieu­se­ment bon car son irré­vé­rence pour­rait bien conso­ler de la bêtise et des méchan­ce­tés ambiantes. On en veut encore.

Sur la cou­ver­ture de son nou­vel album appa­raît une impro­bable touffe de che­veux sur­mon­tant deux yeux bleus. Cette tête nous rap­pelle quelque chose… Mais oui, mais c’est bien sûr, c’est la tête de KiKi… Enfin, pour tout dire, aujourd’­hui on le trouve sous son nom japo­nais  Mon­ch­hi­chi !! Oui, oui, ce petit singe en peluche avec sa tête toute ronde qui connut un suc­cès phé­no­mé­nal dans les années 80.

Boule est un enfant, nous en sommes sûrs main­te­nant. Il n’a tout sim­ple­ment pas vu pas­ser le temps.

Un enfant, genre petit Gibus de la Guerre des Bou­tons, film de Yann Samuell en 1962. Un enfant enfer­mé dans un corps d’adulte. Même que cet adulte porte un cos­tume gris trois pièces, très chic, des chaus­sures cou­leur bor­deaux assor­ties à la cra­vate. Il peut même vous regar­der d’un air mau­vais. C’est qu’il y a de la colère au fond de cet homme là, et sûre­ment même de la dou­leur à voir des hommes si moches autour, bouf­fant des piz­zas, Wel­come in hip­po­po­ta­mie, indif­fé­rents quand « ce sont peut-être les der­nières mésanges bleues ou char­bon­nières à nicher dans le ceri­sier », quand le lierre et la ronce ont tout pris, tout enva­hi… Mais pour qu’elle n’explose pas trop au grand jour cette colère – on la per­çoit pour­tant clai­re­ment contre un « petit patron auto­ri­taire » – l’enfant qu’habille un corps d’adulte fait l’artiste, plus exac­te­ment le clown. La gros­siè­re­té, d’une piche­nette, il l’habille de son humour infaillible. C’est sa façon à lui d’« aban­don­ner là les hommes indo­lents /​et le désordre struc­tu­rel ». Du ciel, rien que du ciel dans son « Appa­reil Volant Imi­tant l’Oiseau Natu­rel » ! Pas éton­nant que le ciel soit l’habillage du livret de l’album.

Et fina­le­ment c’est un numé­ro d’équilibriste, tou­jours à évi­ter de tom­ber, à retar­der l’issue fatale puisque « tout le monde y meurt à la fin » ! Fina­le­ment il reste debout, il « prend le temps d’être en retard » grâce à des ren­contres. Plus inso­lites les unes que les autres, il les confie à son public et en fait des chan­sons. On vous conseille le livreur de méthane, ou le vieux mon­sieur en mai­son de retraite dont les deux pas­sions, le cyclisme et l’astronomie, se confondent en une poé­sie hau­te­ment sur­réa­liste, la cou­sine Valé­rie qui vit au bord de la médi­ter­ra­née quand il est astreint aux rigueurs de la Manche, ce qui éveille quelques rêve­ries éro­tiques assez inso­lites. Bien sûr, pour gar­der l’équilibre il y a l’amour, ce mer­veilleux amour dont il peut chan­ter « Tu me calmes du monde » ou « tu recolles mes deux moi­tiés », et l’amitié aus­si, celle de Ber­nard, sur­tout, le voi­sin chauf­feur dont il parle sou­vent, ou celle enfuie de Fran­ckie. Il est si bon de réveiller le temps d’avant, sans por­table ni même de télé­phone où « tu m’prenais sous ton aile ».

Boule est un chan­teur qui console de la noir­ceur du monde par son uni­vers mâti­né de mots qui s’entrechoquent, se téles­copent joyeux, par sa fran­chise et sa ten­dresse. Leur plus belle expres­sion se trouve dans la der­nière chan­son du concert, juste avant le rap­pel, le der­nier titre de l’album, Atome par atome.  Pour l’annoncer, il nous demande de faire comme s’il n’était plus là, puisque les disques qui se vendent le plus sont les disques des chan­teurs morts… Voi­ci donc quelques mots post­humes de celui qui se « recycle en plein de petits riens du tout »…

Je revien­drai dans vos sourires

Et vos mémoires par-des­sus tout

Grâce à vous j’n vais pas mourir 

Vous êtes mon meilleur atout

Peut-on rêver plus bel hom­mage ren­du au public et au pou­voir des chansons ?