10 décembre 2015, Fes­ti­val Comme ça nous chante, café Plum, Lau­trec (Tarn)

Buri­dane, July dans la vraie vie, un petit bout de femme fleur, à peine sor­tie de l’enfance. La gui­tare paraî­trait presque trop grande pour elle… C’est ce que semblent dire la blon­deur de ses che­veux ébou­rif­fés, le rouge de ses lèvres, ses longues gam­bettes et ses bot­tines noires, son short effran­gé et son long pull informe. Et son franc sou­rire aus­si… Elle prend une longue res­pi­ra­tion avant de se lan­cer dans sa pre­mière chan­son, toute courte ; elle chante alors cet élan que l’on prend à chaque aube de nos vies. Sou­li­gnons la sub­tile méta­phore de ce ren­dez-vous impu­dique avec le spectateur.

Elle rap­pelle qu’elle est peu venue dans notre région ; un pas­sage seule­ment à « Alors chante ». « Désas­treux », dit-elle… On aura peine à le croire.

Elle prend le temps d’expliquer le sens de son pseu­do emprun­té au phi­lo­sophe du XIVème siècle connu pour son para­doxe de l’âne. Elle enchaîne aus­si­tôt sur sa chan­son qui dit « la peur de l’échec ou celui du ridi­cule ». Voi­là, c’est en par­tie ce que Buri­dane va nous confier : ses doutes, ses convic­tions, ses réflexions (avec elle la chan­son aborde les rives de la phi­lo­so­phie) et ses sen­sa­tions intimes. Elle nous les livre. S’en délivre peut-être ? Elle va jusqu’à nous dévoi­ler – avec quelle déli­ca­tesse ! – le plus secret : le sexe… « Je vou­drais que l’instant soit pen­du au ciel ». Sur­tout pas, non Julie, ce n’est sûre­ment pas une chan­son de cul !

Buri­dane offre ce soir la fraî­cheur de nou­velles chan­sons pour son album en ges­ta­tion. Ce concert s’apparente à un temps de confi­dences. L’intimité du lieu s’y prête. Elle dit même son désar­roi devant cet ins­tant fra­gile, ce soir, suite à son voyage depuis Lyon. « Pas eu le temps de me poser »… Elle est vraie, Buridane.

Elle nous raconte ses par­tages avec d’autres artistes, ses temps de créa­tion col­lec­tive, comme celui qu’elle a vécu avec Pau­line Croze. Cette ren­contre là a don­né une chan­son qui ne manque pas d’étoffe. Oser dire le refus de faire un enfant, en adop­tant plu­sieurs points de vue, même celui de l’enfant qui vou­drait venir au monde ! C’est dans ce registre que Buri­dane est la plus bou­le­ver­sante, quand elle chante les lourdes et téné­breuses ques­tions du couple, le désir de s’en défaire par­fois, les déchi­rures de l’âme et du corps que posent l’avortement, le viol – cette chan­son là elle veut la chan­ter en duo avec un homme… Avis aux amateurs !

N’allez pour­tant pas croire que Buri­dane nous déses­père avec ses chan­sons. Non, « tout ce que je sais désor­mais c’est que le mur ouvre sur la rue ». Même si nous sommes des conti­nents pré­caires, si nous sommes confron­tés à l’éphémère puisque « tout fond, tout glisse », le désir de vivre est plus fort, « tout cet espace à prendre et à rem­plir »…

Elle clôt son concert au milieu du public, gui­tare débran­chée, sur ces mots dont on se sai­sit comme d’un puis­sant levier : « Ce soir res­semble à l’aurore ».