Emilie Marsh– album - 2019 – (©Gil Lesage)

Emi­lie Marsh, 2019 (© Gil Lesage)

Emi­lie Marsh

1er album – sor­tie offi­cielle le 29 mars, sur le Label Fra­ca !!!, struc­ture créée par Emi­lie Marsh, Robi & Katel

Avec

Emi­lie Marsh (gui­tares, chant – textes et musiques, sauf Sur les ondes, texte de Pierre Grillet, et Vents Vio­lents texte de Céline Olli­vier), Katel (pro­gram­ma­tions, cla­viers), Vincent Tau­relle (cla­viers), Ludo­vic Bru­ni (basse), Vincent Tae­ger (per­cus­sions, bat­te­rie), Adrien Dau­cé (pro­gram­ma­tions, gui­tares, chœurs, cla­viers Sur les Ondes), et Dani ( chant Sur les Ondes)


Depuis 2013 Émi­lie Marsh est arri­mée à sa gui­tare cou­leur ivoire, qu’elle porte comme un vête­ment dont on ne se sépare plus. On ne l’imagine plus en scène sans elle et sans ses pédales avec les­quelles elle jongle habi­le­ment pour ajou­ter des rythmes, des scan­sions. Alors on n’est pas du tout sur­pris de décou­vrir la pochette de son pre­mier album, à la cou­leur de sa gui­tare. Elle y est assise à même le sol, dans une pause décon­trac­tée que sou­lignent aus­si les che­veux ébou­rif­fés. Che­mise blanche légè­re­ment frois­sée, manches retrous­sées, pan­ta­lon et bot­tines noirs. L’instrument est au pre­mier plan, posé à côté d’elle. Son visage est tour­né vers l’objectif, le regard cer­né de noir est sans conces­sion. Émi­lie est prête à en découdre. Avec quoi, avec qui ? Nous le sau­rons très vite. Pour une grande part, nous le savons déjà. Car ses chan­sons qui nous arrivent, nous les connais­sons pour les avoir enten­dues sou­vent en concert.

A rebours de bon nombre de chan­teurs, Émi­lie a pris son temps pour enre­gis­trer. Le temps de trou­ver l’environnement pro­pice avec la créa­tion de son propre Label auprès de ses com­plices Katel et Robi, mais aus­si le son exact qu’elle ima­gi­nait pour chaque mor­ceau. C’est infi­ni­ment plai­sant de repé­rer les ori­gi­na­li­tés, les jeux entre cla­vier, gui­tares, sons élec­tro, les arran­ge­ments créant l’atmosphère escor­tant la voix familière.

Le voi­ci enfin cet album, accom­plis­se­ment du pro­jet artis­tique de nom­breuses années. C’est l’album d’une jeune femme soli­de­ment ancrée dans une car­rière, qui sait où elle veut aller. Elle s’attache à plu­sieurs pro­jets, pri­vi­lé­giant le par­tage, sai­sis­sant les oppor­tu­ni­tés qu’offrent les ren­contres. On la connaît accom­pa­gna­trice de Dani, membre du trio Bodie où elle incarne la fille sans foi ni loi comme les deux autres, Cécile Her­cule et Joko, mais aus­si l’illettrée de la bande… Ce qui est une façon de faire un pied de nez à l’image de la bonne élève, celle qui avait les mots pour pas­sion avant que la musique, la com­po­si­tion ne par­viennent à concur­ren­cer ce goût premier.

Aujourd’hui même, un deuxième clip paraît, le jour pré­cis de la sor­tie du film Nos vies for­mi­dables réa­li­sé par Fabienne Godet, dont le titre Haut le cœur est au géné­rique. Chan­son d’espérance et de com­bat pour sor­tir de l’enfer de la toxi­co­ma­nie… « Tu vou­drais que les bles­sures se taisent /​Que la vie s’accroche à toi /​Que quelqu’un t’ouvre ses bras… ». Cette chan­son là, comme le film, évoque clai­re­ment « la lumière sous le chaos ». On pré­sage que ce clip ne pas­se­ra pas inaper­çu, tout comme ce fut le cas pour le pré­cé­dent J’embrasse le pre­mier soir. Émi­lie Marsh y a pro­po­sé un texte et des images qui font fi des faux-sem­blants et des conven­tions. C’est une puis­sante affir­ma­tion du désir et du goût de vivre, à bouche que veux-tu ! Une parole de femme que des siècles d’oppression ont gar­dé sous le bois­seau. J’embrasse, là, main­te­nant, tout de suite.… Cette reven­di­ca­tion de l’ur­gence, de l’immédiateté c’est clai­re­ment déjà celle d’Anti­gone, l’héroïne antique. Et l’on sait ce qui lui en a coû­té ! « La rage de vaincre ou celle du déses­poir ? » Qu’importe… Ce titre pla­cé en tête donne le ton, comme aus­si le sou­ligne l’orchestration pop-rock, la voix tou­jours clai­re­ment au pre­mier plan. Les mélo­dies d’Émilie Marsh ont cette par­ti­cu­la­ri­té de nous res­ter en tête, de nous deve­nir très vite fami­lières. Peut-être bien est-ce là le signe des chan­sons réussies ?

Pour­tant elle ne chante pas des textes incon­sis­tants, des miè­vre­ries. Il est ques­tion de se défaire de nos ori­peaux, d’être à nu, comme le dit Good bye comé­die « Même s’ils me disent que je s’rai tou­jours seule /​Je ne ferai plus jamais ce qu’ils veulent. »

Au cœur de ses titres, la ren­contre de l’autre bien sûr, car « On vit pour ce qui nous étreint /​Un cœur qui bat contre le sien /​Des mots, du sens /​Un peu d’humain » la quête de « l’Azur », L’Aventure, l’impossible étoile, dans des atmo­sphères sou­vent noc­turnes. Comme si la nuit était le décor idéal, pro­pice à l’éclosion de véri­tés. « Nous nous ver­rons quand vien­dra l’ombre /​À la lueur des nuits pro­fondes /​Et loin du Soleil Blanc ». Mais la nuit est aus­si l’espace du doute et de la peur… Peur de la perte, de la tra­hi­son comme l’exprime si fort Où vas-tu la nuit ? On pense alors aux images des films de Jean-Jacques Bei­neix, à la tra­gé­die qui guette dans la nuit… 

C’est le duo avec Dani, Sur les ondes, et sa voix grave un soup­çon mys­té­rieuse en ouver­ture, qui donne l’image d’une paix par­ta­gée – et c’est indé­nia­ble­ment l’atmosphère qui se dégage de leur concert – où les mots mêmes ne sont plus néces­saires tant la conni­vence est accom­plie « Nos fils se touchent, sur les ondes /​Sur la route /​Nos fils se touchent, sur les ondes /​Même courtes ». C’est presque une évi­dence que vienne ensuite cette belle image, très ciné­ma­to­gra­phique, d’une femme qui ouvre les bras « Je danse contre le vent /​Lais­sons-nous faire, lais­sons-nous /​Por­ter par les vents vio­lents » puis, en point d’orgue, une chan­son qui accorde confiance en demain, en l’être qui vient… « Qui me sauve /​Qui m’entraîne au jardin/​À quoi je tiens qu’est-ce qui vient /​Me tenir par la main ».

Que s’achèvent enfin « les nuits moroses » et le « cha­grin »…