Gilles & Auguste –Festiv’Art 2010 (©Mathias Cloetens)

Gilles & Auguste – Festiv’Art 2010 (© Mathias Cloetens)

22 février 2017 – Concert de sortie de l’album « Sinon toi »

en écoute sur https://​my​.zikinf​.com/​g​i​l​l​e​s​e​t​a​u​g​u​ste

avec Gilles Connan (accor­déon dia­to­nique, chant, textes, com­po­si­tions, conte, mime)
Auguste Har­lé (vio­lon­celle et flû­tiau, chant, texte, com­po­si­tions & arran­ge­ments, danse, mime)

Le Bijou (Toulouse)

Voi­là une bonne dizaine d’années que ce duo a fait irrup­tion dans notre pan­théon de la Chan­son, y a col­lé son empreinte indé­lé­bile de dou­ceur, d’humour et de poé­sie sur­réelle. Les textes, la pré­sence lunaire de Gilles Connan ont trou­vé leur com­plice chez Auguste Har­lé. Vio­lon­cel­liste, il est artiste géné­reux, curieux de la palette de sons infi­nis que son cel­lo peut offrir. On le voit accom­pa­gner des pro­jets aus­si divers que les contes de Phi­lippe Sizaire, les chan­sons de L’Ombre de l’Elfine ou de Fred Paco, le chant et la cithare guz­heng de Jiang Nan (Hôtel Samar­kand), les musiques de l’Est de Baa­zar Bou­tik ou afri­caines de Paa­math.

Au fil des années nous avons assis­té à l’émergence d’un authen­tique duo. Expli­quons : celui qui était là pour faire escorte, mettre en valeur le jeu de Gilles Connan, de sa voix, de son accor­déon dia­to­nique, est deve­nu un par­te­naire à part entière. Peut-être sa gen­tillesse natu­relle, sa curio­si­té de tout ce qui touche à la scène, le pré­des­ti­naient-ils à deve­nir duet­tiste auprès de Gilles, né comme lui près de terres cares­sées par les embruns ? On le sait, on n‘échappe pas à son des­tin, sur­tout lorsque l’on est bre­ton de Saint-Brieuc… Ou bien serait-ce plu­tôt l’influence mys­té­rieuse de son pré­nom qui le condui­sit inexo­ra­ble­ment à por­ter un jour un nez rouge, même invi­sible ? Il endosse donc main­te­nant volon­tiers le rôle de pitre – ce qu’il fait très bien !- de cho­riste et même de chan­teur en plus d’arrangeur et de « bidouilleur » de boucles. On aime le voir se mettre à dan­ser, mimer sous les ordres de Gilles qui en fait volon­tiers le jouet de ses rêveries.

Les voi­ci donc ce soir heu­reux, émus de nous livrer leur nou­veau spec­tacle avec leurs « clas­siques » que nous aimons tant et quelques nou­veaux textes comme ce « Moteur » qui ouvre le concert : « Tu es dans l’angle mort de mon rétro­vi­seur et déjà tu t’enfuis dans le son du moteur… Je n’ai presque plus peur… » La peur, la trouille, le trac d’être là en scène… La peur de vivre seul à assu­mer la seconde qui suit… « Qui d’autre que moi » ? Et c’est par­ti pour des minutes de rêves que Gilles, « cœur tout fra­cas­sé » des­sine de ces mots assem­blés en cor­tèges bizarres où s’insinue l’infinie réserve d’images emprun­tées à la nature comme autant de sen­sa­tions : « C’est un point de lumière qui file son che­minl’odeur de l’herbe cou­pée… c’est un reste d’orage… une vague qui tangue au vent qui la sou­lève  ». Et le vio­lon­celle file alors son long lamen­to, tein­té déli­ca­te­ment de rythmes et sons celtiques…

Par­fois on s’en va dans d’autres pro­fon­deurs, « l’écume de la mer pour te raccompagner…et le chant des sirènes » sous les eaux aus­si… Un impos­sible rêve alors émerge : « Comme les crabes cachés tout au fond de la mer j’aimerais voya­ger en mar­chant de tra­vers ». Mais la vie force à Cou­rir, superbe texte qui dit tous les pos­sibles et que Gilles illustre en scène « en allant faire un tour », course au ralen­ti autour du minus­cule pla­teau du Bijou… Et si ma vie c’était cou­rir sans rime ni rai­son, cou­rir dans l’espace, les odeurs et les sons … » En hiver en été, il faut bien « se jeter à l’abordage » de nos len­de­mains sans ces­ser pour­tant d’y accro­cher nos rêves « vers de pai­sibles rivages, vers des terres offertes, où l’aube sou­ri­rait … Loin des déchets numé­riques… » Rêver, tou­jours rêver…

On vou­drait pou­voir tra­duire tout ce qui nous tra­verse d’émotions jamais arrê­tées sur une même tona­li­té. Car on rit à l’évocation du Ton­ton Mar­cel au bal du bayou, chan­gé en cochon, aux clow­ne­ries d’Auguste en chan­teur de la Loui­siane, à son mime de l’ours. On rit de la leçon de musique de Gilles « c’est pour­tant facile, l’Eté de Vival­di … ! » de leur pause musi­cale mimée. On sou­rit sou­vent à écou­ter les petites his­toires sans queue ni tête de Gilles, entre rêve et réa­li­té, poète funam­bule qui fré­quente depuis si long­temps Jacques Pré­vert. Quel délice d’entendre sa re-créa­tion émou­vante de Soyez pôlis : « Il faut aus­si être poli avec la terre et avec le soleil /​il faut les remer­cier le matin en se réveillant … » d’entendre Auguste dans La môme néant de Jean Tar­dieu : « Quoi qu’a dit ? – A dit rin. /​Quoi qu’a fait ? – A fait rin. /​A quoi qu’a pense ? – A pense à rin… » Voi­là qui énonce clai­re­ment leur filia­tion, la source d’inspiration de Gilles où perle tou­jours la ten­dresse comme dans J’aurais beau­coup, au balan­ce­ment hawaïen, façon Mous­ta­ki, dont le duo s’amuse mal­gré le thème mélan­co­lique : « J’aurais beau­coup aimé te lire…Tu as bri­sé mon cœur comme une noix de cris­tal ». On aborde peut-être ain­si la clef de ce qui nous touche tant dans ce duo, cet entre­la­ce­ment, cette tis­sure des registres. Un hom­mage à la vie qui nous mal­mène ain­si de joies en cha­grins, de doutes en espé­rances, de l’ombre à la lumière.

Le concert comme le nou­vel album s’achève sur Ancre. Cette chan­son n’est pas nou­velle dans leur réper­toire mais elle fait encore et tou­jours battre le cœur et mettre les larmes aux pau­pières, comme un résu­mé superbe de nos ques­tions universelles :

« Quelle est cette ancre qui arrime mes pieds à la glaise du vent ? Quel cet étau des abîmes qui me main­tient les ailes en place ?…Quel cet autre qui dérive au plus pro­fond de mes silences ?…Quel est ce vais­seau qui che­mine à l’horizon de mes regards ?… Quel est ce rêve qui pal­pite char­gé d’épices et de safran ? »