Leïla Huissoud, Le Bijou 2017 (© Claude Fèvre)

Leï­la Huis­soud, Le Bijou 2017 (© Claude Fèvre)

1er mars 2017 – – Leïla Huissoud en duo –Sortie de son album live, L’ombre (date officielle, le 17 mars)

avec Leï­la Huis­soud (gui­tare, voix) & Kévin Fau­chet (Gui­tares, pia­no, har­mo­ni­ca, voix)

Le Bijou (Toulouse)

Oui, amis de la Chan­son qui aimez vous lais­ser embar­quer, ravir, le temps d’un concert ou d’un album (celui-ci vous met au plus près de la scène) il se pour­rait bien que vous sen­tiez un vent souf­fler sur les notes et les rimes… Vent « furi­bond /​Qui rebrouss” les bois, /​Détrouss” les toits, /​Retrouss” les robes »… Atten­tion, Jean – Foutre et Gens probes !!

D’ailleurs l’héritage est assu­mé, reven­di­qué… Leï­la Huis­soud chante en fran­çais, depuis tou­jours, même au temps du col­lège, ce temps du raga, reg­gae, ska qui l’exclut d’emblée… Elle écrit dans l’ombre pro­tec­trice du Bras­sens sétois, bien sûr, mais aus­si de Reg­gia­ni  ou de Mous­ta­ki (Le fran­çais)… La courte et douce chan­son épo­nyme, L’ombre, dit le reste : « Si l’ombre de l’arbre me sied /​j’aurais les bons mots à mon tour ».

Nous avions déjà fait le rap­pro­che­ment avec Manu Galure, avec son inso­lence quand il est appa­ru jeune et triom­phant sur la scène tou­lou­saine. Nous confir­mons. Cette jeu­nesse effron­tée, cette capa­ci­té à s’emparer de la scène dans un jeu sub­til, ces textes dont cer­tains tra­duisent une écri­ture forte et sin­gu­lière vous laissent éber­lués, étour­dis. On aime à l’imaginer vingt ans plus tard !

Mais pour l’heure elle est là, devant nous, sur la scène du Bijou, avec sa « bouille de petite fille », toute petite, toute fraîche dans sa robe rouge, « Ma taille va bien à mon âge… » confie-t-elle. Avec son côté clown aus­si qu’elle chante si bien en duo avec Kévin Fau­chet : « On ne choi­sit pas de quel côté on va /​On m’a fait clown et puis voi­là »… On ne peut par­ler de Leï­la Huis­soud sans par­ler de celui qui l’accompagne, pia­no, gui­tares, har­mo­ni­ca, si émou­vant, pathé­tique par­fois. Ces deux là ne se quittent pas des yeux et leur dia­logue chan­té, cette valse sur leurs amours ratés res­pec­tifs, On s’connaît depuis long­temps, affiche leur conni­vence, cette ami­tié qui fait que l’« on dit c’qu’il faut au bon moment »… Fran­che­ment on y croit à cette ami­tié là, l’amitié qui unit Leï­la et Kévin, sur­nom­mé Kiki ou « La princesse » !

Elle a jeté sur la scène quan­ti­té de cahiers où s’épanchent « ses pleurs, ses petites misères », tout ce quelle nomme dans une chan­son De la merde grand public. Elle s’interroge « Est-ce que j’écris pour de vrai ? » On ose pour elle la réponse. Elle n’y va pas par quatre che­mins et dit tout ou à peu près de ce qui la taraude. Sa trouille devant le public qu’elle joue à son entrée en scène, trop petite devant le micro grim­pé trop haut – superbe texte sur tous ces regards dans le noir : « L’premier bon­soir est le plus dur /​Allez j’l’arrache comme un pan­se­ment… Bon­soir ». La dou­leur, le désar­roi de l’enfant quand le mythe d’un amour qui tient le coup, celui de ses parents, s’écroule, se casse la gueule et ce refuge alors dans les sou­ve­nirs « J’entends le bruit de la fon­taine /​C’est le deuxième avion qui passe /​Et le clo­cher sonne de plus belle »… Son admi­ra­tion pour Alexis HK, « la classe la plus non­cha­lante qui soit » qu’elle voyait en « gang­ster vedette » celui qui apai­sait la peur du noir « Quand ma couette déci­dait /​De m’engloutir du cou aux petons parce que la nuit était tom­bée ». Son refus d’écouter l’amour et ses danses chez les autres…Vous savez bien, cet amour qui laisse « des ampoules sous les pieds ». Ce refuge – quand on n’a pas l’amour facile – dans les séries, les his­toires sur écran, Les comé­dies en strea­ming….

Ce sont donc chan­sons confi­dences, chan­sons du fond de soi. Elle vous assène même cette tra­gé­die intime, « avec du vide plein les mains », sa rage « Quand la gosse se change en chien », en fin de concert… Il faut oser cette chan­son finale de déses­poir avec le pia­no qui dit le reste, lorsqu’elle a quit­té la scène. Elle- même s’en amuse de ce réper­toire « égoïste » en espé­rant qu’elle en aura bien­tôt fini avec ce temps là et qu’elle sau­ra s’ouvrir grand aux autres comme à cette Rose la belle, « les ongles peints pour toute armure, celui qui « aurait dû naître femme, /​Et vous un peu moins salauds »

On finit de vous par­ler de cette pro­messe de « grande » (on appré­cie­ra la poly­sé­mie du mot !) en vous par­lant de l’émouvante et déli­cate chan­son qui clôt l’album, comme un pen­dant à quelques chan­sons âpres, viru­lentes, à celle qu’elle reprend, La vieille de Patrick Font, (la pla­quette de l’album ne dit rien de cette filia­tion – c’est fran­che­ment regrettable !)

Lais­sons-nous ber­cer par ces mots :

« Main­te­nant que je vis dans tes brouillons et que je res­pire tes ren­gaines /​Ma vie res­semble à la tienne depuis qu’t’es ma quo­ti­dienne. »