Pauline Etienne (@ Sur quel pied danser)

Pau­line Etienne (© Sur quel pied danser)

14 juillet 2016 – Film Sur quel pied danser

avec Pau­line Etienne (Julie), Oli­vier Chan­treau (Samy), Fran­çois Morel (Féli­cien Cou­ture) Loïc Cor­be­ry (Xavier Laurent), Julie Vic­tor (Sophie)… Réa­li­sa­tion : Paul Calo­ri et Kos­tia Tes­tut – Sor­tie le 06 juillet 2016

Cinéma Utopia – Tournefeuille (Haute Garonne )

Paul Calo­ri et Kos­tia Tes­tut auraient-ils vu le très beau docu­men­taire de Marianne Ote­ro inti­tu­lé Entre nos mains ? Réa­li­sé en 2010, celui-ci chro­ni­quait la ten­ta­tive de reprise de leur entre­prise de lin­ge­rie par des ouvrières, dési­reuses de la trans­for­mer en coopé­ra­tive pour sau­ver leur tra­vail. Le film se ter­mi­nait sur un échec déchi­rant, que la docu­men­ta­riste, d’accord avec ses per­son­nages, déci­dait inopi­né­ment de mettre en scène en chan­sons. La beau­té de ce final avait vive­ment impres­sion­né les spec­ta­teurs de ce film.

Sur quel pied dan­ser – qui pour­rait sem­bler venir de là – s’en éloigne radi­ca­le­ment. Fic­tion assu­mée, le film a l’indéniable mérite d’oser la comé­die musi­cale sur un sujet aus­si peu roman­tique et gla­mour qu’un conflit social dans une fabrique de chaussures…

Entre nos mains 

Synop­sis « Alors que Julie pense décro­cher un CDI dans une fabrique d’escarpins de luxe, un plan social vient cham­bou­ler ses rêves de sta­bi­li­té : entre lut­ter aux côtés d’ouvrières fron­deuses ou bien faire pro­fil bas, la jeune femme ne sait sur quel pied danser.

Mais quand Samy, un camion­neur aus­si rou­blard que char­meur, vient prê­ter main forte au com­bat, ce n’est déjà plus la même chanson… »

Un jour de Fête Natio­nale, où l’on se plaît à rap­pe­ler l’Histoire et la grande Révo­lu­tion de 1789, s’offrir la salle obs­cure d’un ciné­ma pour voir une comé­die musi­cale sur fond de lutte ouvrière, ça ne manque pas de panache ! Bien enten­du c’est pour la Chan­son que nous y sommes car des noms aus­si pres­ti­gieux que ceux de Jeanne Che­rhal, Albin de la Simone, Cla­ri­ka, Oli­via Ruiz, Agnès Bihl, Jean-Jacques Nys­sen, Polo pour les textes sur une musique de Jacques Daviaud, sont asso­ciés à cette aventure.

Le tour­nage a eu lieu dans la Drôme, entre Valence, Epi­nouze et Romans-sur-Isère. Romans c’est pré­ci­sé­ment le pays de la chaus­sure, chaus­sure de luxe s’entend. La pres­ti­gieuse indus­trie fran­çaise, celle qui s’exporte et se porte dans les plus hauts lieux à tra­vers le monde. Indus­trie fran­çaise mise à mal dans la fic­tion, comme dans la réa­li­té que cer­tains de nos auteurs de chan­sons évoquent avec élé­gance et effi­ca­ci­té. C’est un pari osé que d’associer à ce thème poli­tique et social la comé­die musicale.

On vit les évè­ne­ments au filtre de l’histoire de la fraîche et jolie Julie, sou­mise aux contrats pré­caires, habi­tuée des portes qui lui claquent au nez sans ména­ge­ment. On la voit sur sa moby­lette bleue, une Peu­geot des années soixante, aller d’usine en usine, dou­blée par une file de cyclistes. Quand elle aura l’espoir de signer enfin un CDI de maga­si­nière, dans la fabrique de chaus­sures de la marque pari­sienne pres­ti­gieuse « JC », sa joie don­ne­ra des ailes à la moby­lette qui les dépas­se­ra à son tour ! Mais sur­tout la joie, Un nou­veau départ , comme la peine La com­plainte de la pré­ca­ri­té , la lutte, se chantent dans ce film…Et elles se dansent aus­si dans des cho­ré­gra­phies qui ne sont pas sans évo­quer la grâce des films de Demy. L’ensemble reste léger, agré­men­té d’une his­toire d’amour entre Julie et Samy le camion­neur, pas beau­coup plus gâté qu’elle par cette socié­té et qui rêve d’une vie meilleure. Ailleurs. Autrement.

On assiste ravis au jeu de Fran­çois Morel en direc­teur pris entre deux feux. Celui de la base ouvrière, ces femmes pas prêtes à accep­ter la « moder­ni­té » syno­nyme de plan social, et les direc­tives de son patron auquel, dans le secret de ses rêves, il aime­rait ressembler…Ce qui nous donne un Blues du direc­teur.  Savou­reux ! Quant au dit patron, beau gosse en cos­tume trois pièces venu droit de Chine ( !), il est affu­blé de tous les signes cari­ca­tu­raux de la suf­fi­sance, de la voi­ture de luxe à la maî­tresse. Mais il excelle sur­tout dans l’art de la mani­pu­la­tion. Sa Bos­sa du big boss, vient momen­ta­né­ment à bout – du moins le croit-il – de la révolte.

C’est une paire de chaus­sures qui nous conduit au dénoue­ment. Nom­mée « L’insoumise », un joli mocas­sin en cuir rouge ver­nis­sé, extraite du musée, remise en fabri­ca­tion par les ouvrières – elle l’a été réel­le­ment en une ving­taine d’exemplaires, par un ate­lier de Romans. Séquence qui rend un magni­fique hom­mage à ce pré­cieux savoir-faire, par la recons­ti­tu­tion des dif­fé­rentes étapes de créa­tion, par la chan­son qui lui est dédiée, par la cho­ré­gra­phie aussi.

On ne vous dira pas com­ment la jeune Julie s’y prend pour résoudre son dilemme. Faire pro­fil bas pour obte­nir son CDI, ou bien entrer dans la lutte ?

Sur quel pied va-t-elle danser ?