Radio Cave Po’- Détours de Chant 2021 (Droits Réservés)

Radio Cave Po’- Détours de Chant 2021 (Droits Réservés)

Du 28 jan­vier au 4 février : Dif­fu­sion de concerts sur radio Cave Po’/​La Cave Poé­sie René-Gou­zenne, trans­mis­sion audio et vidéo en direct de concerts de Détours de chant

La Chan­son est virale ! 2ème par­tie

Avec

29 jan­vier : Magyd Cher­fi en trio (Pas­cal Cel­ma, contre­basse – Samir Laroche, pia­no) 1ère par­tie : créa­tion vocale de 7 chan­teuses et un chan­teur, conduite par Habib Julien /​WAB –  30 Jan­vier : Marie Vérole (chant /​Fred­die Phyl­lis, pia­no)31 jan­vier : Mathieu Bar­bances (contre­basse, chant) – 4 février : Kijo­té (gui­tares, chant)


La Cave Poé­sie René-Gou­zenne /​Espace Job (Tou­louse) 

C’est à l’Espace Job que nous attend une soi­rée excep­tion­nelle qui s’ouvre sur une créa­tion de reprises au charme fou, conduite par Habib Julien : cinq jeunes femmes, dont une har­piste, et un jeune homme, tous en for­ma­tion pro­fes­sion­nelle de chan­teurs à l’école tou­lou­saine Music’Hall. Leur pres­ta­tion enle­vée, enthou­siaste, assemble, ras­semble rap, beat box, jazz, reg­gae. C’est brillant vrai­ment ! On se prend à sou­hai­ter que chacun‑e trouve la voie méri­tée tant c’était bon de les entendre.

Superbe intro­duc­tion au spec­tacle de Magyd Cher­fi qui reprend avec eux sa chan­son In’ch Allah peut-être. Pen­dant le chan­ge­ment de pla­teau, on assiste à une inter­view par Phi­lippe Metz le direc­teur de Music’Hall. Bien sûr c’est l’occasion de reve­nir sur un par­cours sin­gu­lier dont Magyd ne cache rien. Il effleure, avec la fran­chise qui lui est propre, les grandes illu­sions du temps de Zeb­da, sa sin­gu­la­ri­té au sein du groupe, son goût de l’imaginaire et des mots bien plus que des enga­ge­ments, son pas de côté par rap­port aux Moti­vés. Il insiste sur­tout sur la néces­si­té du métis­sage dont le spec­tacle d’Habib Julien est l’illustration.

Il faut avoir vu ce spec­tacle de Magyd Cher­fi, assis devant son texte, entou­ré de ses deux musi­ciens avec qui il entre­tient une rela­tion d’amitié évi­dente, une conni­vence de chaque ins­tant. Il faut l’avoir enten­du, fier de sa trou­vaille, les nom­mer à la fin d’une chan­son, en assor­tis­sant leur nom d’un mot qui rime. Il faut l’avoir enten­du agré­men­ter sa lec­ture de son accent, savou­reux mélange occi­ta­no-magh­ré­bin. Il faut l’avoir vu sou­rire ten­dre­ment à l’évocation de cette enfance mal­me­née pour cause d’amour des jolis mots, « c’est à l’intérieur qu’on avait des bosses », de cet amour intran­si­geant de la figure mater­nelle qui réglait les pro­blèmes à grands coups de taloche… Il est sûr qu’en l’écoutant chan­ter, on ne doute pas un seul ins­tant que « tu quittes jamais la rue qui t’a vu naître », pas plus que l’on ne doute de la dou­leur, du sen­ti­ment d’injustice face à ce père auquel on n’a jamais dit « vous ». C’est avec une joie non dis­si­mu­lée que, de son cana­pé de salon, on entonne avec lui le titre de Zeb­da : Oua­la­la­ra­dime, oua­la, oua­la. Et l’on rit fran­che­ment à l’évocation du « fran­çais à la scie sau­teuse » de sa mère, bien per­sua­dée que ce spec­tacle est une illus­tra­tion joyeuse de cette ques­tion essen­tielle de notre langue à sau­ve­gar­der.  

Le len­de­main, une autre belle sur­prise nous attend avec le réper­toire de Marie Vérole, un réper­toire par­fois vieux de plu­sieurs siècles, celui des chan­sons qu’elle nomme « polis­sonnes » : par­ler avec sub­ti­li­té, élé­gance même par­fois, « du mot et de la chose ». S’acoquiner avec les situa­tions les plus sca­breuses du sexe, sans avoir l’air d’y tou­cher. Il faut avoir la voix pour réus­sir cet exer­cice… Et Marie Vérole l’a indu­bi­ta­ble­ment. Une voix un peu per­chée, légè­re­ment désuète, presque enfan­tine – c’est un comble pour ces chan­sons là ! – capable de dire les plus auda­cieuses fri­vo­li­tés avec inno­cence. Hop là, aurait chan­té Bar­ba­ra. Elle ne manque pas de dire quelques mots de chaque chan­son nous fai­sant par­cou­rir les siècles dans ce réper­toire sans âge, celui d’Yvette Guil­bert (La pen­dule de mon voi­sin), de Lucette Arson­val (le trai­te­ment de l’ouïe) de Marie-Thé­rèse Orain (Le télé­gra­phiste de Jacques Debron­ckart) celui même de Georges Che­lon (La clé) pour lequel elle invite Manu Galure (un texte qu’il aurait pu tout aus­si bien com­mettre !) ou celui de Flo­rence Dion­neau (J’ai besoin de bai­sers… insis­tons sur le plu­riel, de grâce !) ou d’Adèle (Habillez-moi), filles bien d’aujourd’hui. On aime­ra par­ti­cu­liè­re­ment Les lunettes, chan­son qui fut ins­pi­rée par un évè­ne­ment bien réel de 1536 au poète des fables, La Fon­taine,  dans ses contes gri­vois … Nous vous la recommandons !

Dimanche, à l’heure de l’apéro, c’est avec Mathieu Bar­bances et sa contre­basse que nous avons ren­dez-vous. C’est assu­ré­ment la bonne heure pour par­ta­ger ses chan­sons, ses anec­dotes qui prennent ces temps, pour­tant décon­cer­tants, avec humour, légè­re­té, bonne humeur. La jeu­nesse de sa voix, la contre­basse qui ponc­tue, dia­logue avec elle, font de ce « duo » un moment de fan­tai­sie récon­for­tante. Il le dit lui –même dans une chan­son, « Moi et ma contre­basse, ça groove un max » ! Le voi­là qui bavarde entre les chan­sons et nous emmène dans sa ville, à Nogent-le –Rotrou, le Perche val­lon­né, où galopent les che­vaux… Et où les artistes essaient d’exister… Ca com­mence plu­tôt mal d’ailleurs quand il leur prend l’envie de jouer sur le marché…Aussitôt, on menace de fer­mer le mar­ché ! Depuis ils che­minent plu­tôt bien puisque, tous les same­dis, ils se ras­semblent, dis­cutent créent des col­lec­tifs et inventent « Un après pas comme avant »… de l’espérance en somme et les chan­sons de Mathieu racontent aus­si ce monde d’aujourd’hui. On com­prend par­fai­te­ment qu’il s’adresse par ailleurs aux enfants, qu’il revienne à par­tir du 6 juillet au théâtre du Grand Rond pour eux… Il a ce ton, cette sim­pli­ci­té dans les textes, et cette déri­sion qui parlent à notre âme d’enfant. Et puis, nous les femmes, nous aimons ponc­tuer sa chan­son, rem­pla­cer les trois petits points par Pom, pom, pom, pom quand il chante « Si mon­sieur est sans culotte, c’est un révolutionnaire/​Et madame ?... Pom, pom, pom, pom » Ou bien « Aux grand hommes, la par­tie recon­nais­sante /​Aux femmes ? Pom, pom, pom, pom » 

C’est avec Kijo­té, invi­té par la Pause Musi­cale, que s’achève ce que l’on pour­rait nom­mer le sau­ve­tage de Détours de Chant 2021 ! Et dire que l’on aurait dû fêter ses 20 ans ! C’est dur, nous a t- on dit, d’avoir 20 ans aujourd’hui… La preuve en est…

Le nom de cet artiste, c’est un avant-pro­gramme. C’est d’emblée une invi­ta­tion à fran­chir les Pyré­nées – quoi qu’à Tou­louse, on le sait, l’Espagne pousse un peu sa corne, sur­tout depuis 1936.

Musi­ca­le­ment, nous y sommes car la gui­tare se fait anda­louse, fla­men­ca, ou gitane. Joël Sau­rin inter­vient et sou­ligne les par­ti­cu­la­ri­tés de ce réper­toire en ces mots : « L’énergie du swing manouche a la cha­leur des rythmes latins ». 

La voix est plu­tôt grave, pro­fonde, insis­tant sur les « R », bien près d’être rou­lés. Une signa­ture sans aucun doute. On note que le pro­chain album s’intitulera Ombre & Lumière, clin d’œil appuyé au poète mythique de l’Espagne vio­len­tée, à Fede­ri­co Gar­cia Lor­ca ? 

Le concert s’ouvre sur une dédi­cace aux « per­dants magni­fiques, aux âmes déso­lées » et l’on che­mine entre chan­sons d’amours, volup­té, errance, entre femme et alcool, invi­ta­tion à rêver, à flâ­ner sans pour autant se dépar­tir d’un regard lucide sur un temps pré­sent dou­lou­reux, comme celui des migrants : « Ici c’est marche ou crève … Douce France, terre d’indifférence » N’était-il pas en décembre 2018 aux côtés d’Emily Loi­seau, HK, Magyd Cher­fi, Ber­nard Lavilliers… dans un album en sou­tien à SOS Médi­ter­ra­née ?