Stef –En pleines formes – 2018 (©Ludovic Weyland)

Stef –En pleines formes – 2018 Ludo­vic Wey­land)

13 jan­vier 2018 –Apé­ro-Concert – Anni­ver­saire de Stef !

En pleines formes 

Avec

Sté­pha­nie Bour­gui­gnon /​Stef ! (Chant) et François Debae­cker (pia­no)


Théâtre du Grand Rond (Tou­louse)

Rap­pe­lons en pré­am­bule que les vita­mines sont des sub­stances orga­niques néces­saires au bon fonc­tion­ne­ment de l’or­ga­nisme… Néces­saires ? Hé bien voi­là, disons –le de cette façon : les chan­sons de Stef ! sont néces­saires. Néces­saires au bon fonc­tion­ne­ment de notre cœur et de notre cer­veau quand tout autour de nous le monde nous déses­père chaque jour un peu plus.

Trop de tout parfois.

Alors fran­che­ment, venir un soir de jan­vier – et même deux fois, on vous l’avoue – écou­ter ce réper­toire, voir sur­tout cette artiste, sen­suelle dans sa robe ‑four­reau noire au savant décol­le­té, pul­peuse et géné­reuse, habi­ter l’espace bar du théâtre du Grand Rond, c’est cadeau ! On laisse au ves­tiaire tout ce qui nous donne à ron­chon­ner, tem­pê­ter et sou­dai­ne­ment on par­tage ce qu’il faut bien nom­mer un hymne à la vie. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, petits – oui, même les enfants ! – et grands, toutes géné­ra­tions confon­dues, hommes et femmes se délectent. On peut en témoi­gner. C’est du plai­sir pur jus. Sou­dain il se pour­rait bien que l’on ait tous sur elle les yeux du loup amou­reux de Tex Avery.

Hors champ, Stef nous raconte lon­gue­ment son his­toire de chan­teuse d’abord des­ti­née au théâtre et à l’art lyrique. On com­prend alors son aisance en scène et pour­quoi sa voix nous semble aus­si ronde – tiens, elle aus­si ! – aus­si sûre et effi­cace. Une de ces voix qui vous enve­loppent de leurs effets, qui peuvent swin­guer, twis­ter, mur­mu­rer les mots.

Elle nous parle de son expé­rience de l’opéra, de son goût pour l’opérette, pour ce théâtre chan­té si typi­que­ment fran­çais. Mais sur­tout elle nous avoue son admi­ra­tion sans bornes pour Annie Cor­dy – l’artiste aura 90 ans cette année – pour son réper­toire, sa car­rière monu­men­tale de comé­dienne- chan­teuse – 4000 galas à tra­vers le monde ! – son incroyable éner­gie en scène. Elle reste un modèle, une réfé­rence dont elle parle avec tendresse.

Alors on aura com­pris que Stef se veut une « fan­tai­siste », une artiste qui se rit dans les textes de ses chan­sons, de nos bizar­re­ries d’êtres humains, de nos tra­cas et tra­vers de femme, même si par­fois on serait bien près d’en pleu­rer. Elle cite pêle-mêle sa famille : Fer­nan­del, Bour­vil, Pierre Per­ret, Ricet Bar­rier, Boby Lapointe, Wal­ly… et Eric Tou­lis, bien sûr,  celui qui l’accompagne dans ses pro­jets, qui écrit des musiques pour elle, – comme un double au mas­cu­lin – maître es « lou­fo­que­ries baroques ».

Accom­pa­gnée par le fidèle et com­plice Fran­çois Debae­cker au pia­no une heure durant, dans un rythme effré­né, Stef enchaîne ses chan­sons comme autant de say­nètes dont elle inter­prète le rôle prin­ci­pal. Et ce soir, pour cette der­nière à l’apéro du Grand Rond – hasard du calen­drier- c’est son anni­ver­saire ! Ima­gi­nez bien que l’envie d’en démordre avec la scène et de mordre dans la vie est à son comble. Car quand on est née femme, les années qui passent, au-delà de la qua­ran­taine sont autant de défis dans le regard des autres plus encore que dans le sien. Stef, elle, s’empresse d’en rire et reven­dique, conqué­rante d’elle-même, « Oui je fais Mon âge ! » en insis­tant bien sur le possessif.

Elle qui ne manque jamais de sol­li­ci­ter la conni­vence du spec­ta­teur, d’en faire son par­te­naire pri­vi­lé­gié, s’en donne à cœur joie ce soir. On parie­rait volon­tiers que le jeune homme assis devant elle, à ses pieds, se sou­vien­dra long­temps de ce concert. L’espace bar du Grand Rond est plein à cra­quer d’un public mis en joie. Il frappe dans ses mains, lui chante à plu­sieurs reprises « Joyeux anni­ver­saire ». Sur­tout il rit de bon cœur à l’apparition d’une bigou­den immé­dia­te­ment iden­ti­fiée à la coiffe qu’elle se fabrique avec un rou­leau de papier absor­bant plan­té sur sa tête. À son sai­sis­sant numé­ro de femme ivre, sui­vi d’une des­cente en phar­ma­cie, où elle aligne sans faillir une liste de médi­ca­ments impro­non­çable, aux « bonnes copines » qui ne sont pas avares de « vache­ries », à la chan­son enga­gée pour la défense du poil et sur­tout, sur­tout à son numé­ro qui clô­ture, un hom­mage à sa « dot », son « tré­sor colos­sal », un « Maillol d’après nature… [Son] cul ! Par­faite réplique fémi­nine de la chan­son de Ber­nard Dimey, Le cul de ma sœur.

Et pour­tant on retien­dra tout autant deux autres chan­sons où pointe la ten­dresse infi­nie dont les clowns sont dotés : la sup­plique du vieux Père Noël, lais­sé à l’abandon le reste de l’année et l’évocation de La der­nière fois qui arrive sans qu’on le sache… Car tout a une fin, à com­men­cer par nos vies. C’est pour­quoi il est si bon de se sen­tir vivant comme l’a démon­tré ce soir dans ses chan­sons, la rieuse, l’enjouée, la tendre Stef En pleines formes !