Carte blanche à Hervé Suhubiette (© Michel Nino)
24, 25 et 26 juin 2015 – Carte blanche à Hervé Suhubiette
Avec 20 choristes d’Archipels (atelier vocal des Éléments), Claire Suhubiette (voix et direction du chœur), Lucas Lemauff (piano, voix), Marie Sigal (voix), Marin (voix), Frédéric Cavallin (batterie, percussions), Claude Fèvre (lecture) et la participation de Joël Suhubiette.
Le Bijou (Toulouse)
Comment dire, comment faire quand on est partie prenante des soirées de clôture du Bijou auprès d’Hervé Suhubiette qu’il faut définitivement nommer « chef de cœur » ? Plus que jamais c’est l’occasion de paraphraser Barbara : oui, chanter c’est une « manière privilégiée d’aller vers les autres ». Hervé Suhubiette va vers les autres, partout, tout le temps ! Cette carte blanche où l’ont rejoint son frère et sa cousine, a connu de telles vibrations que l’on ne peut remiser sa plume. Et l’on se prend à rêver que quelques célèbres diffuseurs s’en inspirent pour leurs lieux, leurs festivals.
Difficile de rendre compte de trois soirs d’une rare intensité, et même écrivons-le, d’une telle beauté. Et même si chaque participant peut bien sûr, dans son intime tête à tête, se reprocher sa fausse note, sa maladresse peut-être, son oubli, on n’a pas le droit de taire son admiration.
La fièvre a commencé à monter mercredi avec les quarante-cinq choristes de Voix Express, quarante-cinq amateurs enfiévrés par la passion d’Hervé, assisté de Lucas Lemauff dont la jeunesse n’a d’égal que le talent généreux et l’acharnement au travail. Au programme, le Québec et ce que cette terre lointaine d’exil de notre langue a fait naître de chansons. Comme un écho aux festivals qui enchantent en ce moment Petite-Vallée après Tadoussac…
Vient ensuite, le grand rendez-vous d’Hervé, assisté de Lucas Lemauff (éblouissante prestation pianistique sur L’aspirateur de Nougaro), Marie Sigal (belle et troublante interprète qui pourrait bien faire parler d’elle prochainement dans le paysage de la chanson toulousaine), Claire Suhubiette (chef de chœur endiablée) et Marin (silhouette et gestuelle très « bréliennes »). La mise en bouche, c’est avec Brigitte Fontaine et Le bonheur. Efficace. Et la suite sera du même tonneau… du gouleyant, du parfumé, du tendre… Hervé a concocté avec amour son menu de surprises qui flattent tous nos sens. On entendra les autres d’abord : Vian (La rue Watt, peu connue, interprétée par Magali Noël… troublante coïncidence), Minvielle, Gainsbourg et Marin, « la dernière horloge cessera de sonner »…et alors, tout sera printemps. Si seulement !
Puis vient le tour des chansons d’Hervé qui privilégie les petites histoires, les portraits insolites. On voudrait pouvoir toutes les citer, mais on retiendra le moment si émouvant du piano de grand-mère qui réunit six mains au piano : Hervé, Joël son frère (directeur artistique des Éléments) et Claire, sa cousine. Enfin, c’est le tour de Nougaro avec le chœur Archipels. Il faut le dire, il y a chez Hervé Suhubiette une affinité singulière avec l’univers de ce poète et chanteur. Ce que l’on entend là, c’est à vous couper le souffle de beauté, d’élégance, d’ingéniosité. On notera que cette fois, Hervé s’essaie à la reprise de Toulouse et cette version avec le chœur d’Archipels, pourrait bien être d’anthologie.
Hervé Suhubiette, en solo, à deux, à trois et bien davantage, toujours en projets, toujours à l’affût de nouvelles aventures, a signé ces trois soirs, un bien belle page de son histoire. On songe à l’étymologie de son nom ancré dans le Sud-Ouest, particulièrement au pays basque, à ce pont ou cette maison près du pont qui le prédestinait, tout comme Claire et Joël, à cette vie de partages, de passerelles vers les autres. Allez savoir ! À moins que son enfance autour du piano de grand-mère ne l’ait plus sûrement conduit jusqu’ici !
À L’INTÉRIEUR DU PIANO NOIR
Une heure, moitié chansons, moitié textes. Une heure avec Barbara. Avec certes quelques chansons de premier plan (Au bois de Saint-Amand, Mon enfance, Gottingen, Dis quand reviendras-tu), et quelques autres moins mises en lumière (Le temps du lilas, À chaque fois, Je ne sais pas dire, Là-bas…), parfois inédites à nos oreilles. Des perles, des émeraudes, des camées, des rubis. Dont le bien nommé Bijou fait écrin. Des chansons, donc. Par Hervé Suhubiette, excellent. Et des mots de Barbara, tirés d’un texte, Il était un piano noir que la longue dame brune a offert à son public avant de tirer sa révérence à la vie, petit livre de poche interrompu par le trépas. C’est notre amie Claude Fèvre la récitante, qui fait transmission, mission. Sans nullement faire Barbara, sa voix est appropriation, sa tonalité presque théâtralisation, sa lecture mise en scène. Émotion, trouble, exaltation, les sentiments se disputent la vedette, s’entrechoquent, se mélangent. La somme des deux, de Fèvre et Suhubiette, de la prose et des vers, fonctionne à merveille, et dessine en douceur la silhouette de Barbara, dans son dedans, dans ses dehors. Barbara ici en apéro-spectacle et déjà ce fut festin. Doux vin, divin qui se savoure sans soif. Beau duo que celui de Claude et d’Hervé, qui s’est taillé un franc succès, a soulevé l’enthousiasme. Que ce beau moment soit partagé, qu’il s’exporte bien plus loin que Toulouse. À Nantes, Saint-Amand et ailleurs encore.
Par Michel Kemper