Amélie Les Crayons (©Droits Réservés)

Amé­lie Les Crayons  (© Droits Réservés)

28 janvier 2017 – 16ème Détours de Chant – Amélie Les Crayons – nouveau spectacle « Mille Ponts »

avec Amé­lie Les Crayons  (pia­no, voix) –  Oli­vier Longre (gui­tares, voix – arran­ge­ments), –  Quen­tin Alle­mand (cla­ri­nette, man­do­line, tuba, marim­ba et autres per­cus­sions) – Mise en espace, Fred Radix (le sif­fleur !) – Denis Plas­sard (cho­ré­gra­phie)Clo­dine Tar­dy (Mise en Lumière) Michel Caro­line (décor) – Nadège Cezette (cos­tumes) – En régie, Fabien André (son) et Pierre-Emma­nuel Faure (lumière)

Espace Bonnefoy (Toulouse)

Amé­lie Les Crayons c’est de la chan­son et bien plus que de la chan­son. Depuis quinze ans qu’elle invente, crée des spec­tacles, elle s’efforce de trans­por­ter le spec­ta­teur dans son pays des mer­veilles, chaque fois dif­fé­rent. Dès le titre du spec­tacle on écha­faude des images, on se prend à rêver. Après Le Chant des coque­li­cots, la Porte Plume, et le der­nier Jusqu’à la Mer avec ses innom­brables ins­tru­ments en scène, voi­ci ce soir le tout nou­veau, à peine né, Mille Ponts. Bien enten­du on aime déjà ce que ces deux mots invoquent, convoquent de liens, de fils ten­dus, de pas­se­relles fra­giles, de rivières à tra­ver­ser… tout ce qui relie, quand d’autres pro­jettent de dres­ser des murs.

Le visuel de l’affiche pro­pose la main ten­due d’Amélie, toute de bleu tur­quoise vêtue. On s’apprête à s’en sai­sir pour la rejoindre sur sa rive. Et c’est chose faite quand on quitte la salle, quand elle aura dan­sé « le bal des vivants », quand on l’aura rejointe dans ce « tableau géant » qui nous ras­semble tous. Du bleu qui tend vers le vert, à moins que ce ne soit l’inverse…. Les lumières en scène inondent le pla­teau de cette cou­leur qui nous évoque fraî­cheur, séré­ni­té, sagesse avec un soup­çon de mélan­co­lie. Et c’est un peu de tout ça que le spec­tacle –cos­tume d’Amélie, chan­sons, danses, éclai­rages et musiques bien sûr– évoque.

Dès le pré­am­bule, Amé­lie vient en avant scène, inter­rompt la pré­sen­ta­tion pour nous pro­po­ser quelques petits mou­ve­ments très doux des bras, his­toire de nous déli­vrer de nos ten­sions. Elle répè­te­ra le jeu en cours et en fin de spec­tacle, pré­ten­dant même nous ame­ner à nous envoyer des bisous et à étreindre notre voi­sin. Très vite elle rejoint ses deux com­pa­gnons de rêve en scène pour frap­per des pieds en cadence, dans une danse per­cus­sive, évo­ca­tion des danses tra­di­tion­nelles un peu par­tout dans le monde. Ce sera ain­si tout au long du spec­tacle. On voyage, sans savoir exac­te­ment dans quelle contrée, dans quel pays. La musique et la danse abo­lissent les frontières.

On s’accordera de dire que les réglages du son, consé­cu­tif aux frap­pe­ments des pieds sur le plan­cher, l’équilibre des voix dans le trio, n’ont pas tou­jours per­mis de com­prendre le sens du texte, les musi­ciens étant tous équi­pés de micro serre-tête. On peut ima­gi­ner qu’au fil des spec­tacles, cette dif­fi­cul­té se résoudra.

Nous voi­ci donc embar­qués dans un monde où Amé­lie Les Crayons des­sinent des liens invi­sibles entre nous tous, de l’enfant sur le champ de bataille « qui mar­chait sans tristesse/​Sans dra­peau blanc », à l’amoureux avec qui pour­tant tout l’oppose, mais « un bai­ser, deux bouches pour le même bai­ser »… des Filles des forges qu’elle appelle à l’endurant com­bat, « Allez les filles ! » – Il fini­ra bien par nous mener à « la lumière bien­fai­sante du phare de La rochelle »- à celui qui s’en va « avec rien pas­ser les fron­tières ». Il est aus­si ques­tion de lettres, de colis à celui qui est loin, du retour à la mère pour lui révé­ler sa véri­té, pierre angu­laire, et ain­si la rendre plus légère, de « La Mai­gre­lette » qui « a un cœur plus gros qu’elle »… Amé­lie en vient à la chan­son épo­nyme Mille ponts, hom­mage vibrant à la Chan­son qui, au-delà de l’amour et du cou­rage per­met de faire mille liens entre nous. C’est alors que debout sur son tabou­ret de pia­no dont il fau­drait décrire le bois sculp­té de la façade, les effets de lumières à tra­vers la den­telle de bois, elle se livre à des incan­ta­tions, en appelle à des forces supé­rieures, bras au ciel…

A tout cela il fau­drait ajou­ter le charme – au sens strict – pro­duit par les orches­tra­tions, les arran­ge­ments autour du pia­no d’Amélie, mais sur­tout des per­cus­sions, des cuivres aus­si, de la man­do­line par­fois, du marim­ba… superbe xylo­phone qui apporte aus­si sa touche exo­tique. L’environnement sonore incite au voyage, au retour à des terres ances­trales où les hommes et les femmes frappent du pied en cadence pour vaincre la peur, pour dire l’espérance.

« Jus­qu’à la mer,
Un estuaire
Entre deux rives,
Un pont
Entre nos vies ?
Mille ponts »