3ème Comme ça nous chante, Chanson d’avenir 2016 (© René Pagès)
9 décembre 2016 – 3ème « Comme ça nous chante » – Jour 1
avec les élèves du Collège Les Portanelles, Corentin Grellier, la Radio R’d’autan, Facteurs Chevaux et Jérémie Bossone
Le café Plùm – Lautrec (Tarn)
« Vite une société nouvelle…Vite, imaginons d’autres moyens d’agir, de penser ensemble ! » Ce sont là des mots, ceux de Télérama pour être précis. Nous sommes quelques uns à y souscrire ardemment dans les actes. Loin des métropoles, loin de Marseille, Lyon, Paris, Lille où se déroulent Les Etats généreux de la Culture initiés par le magasine, le « café – librairie – salle de concert » nommé Plùm, participe de cette résistance pour que vive une alternative aux modes d’échanges « intensifs » qui nous ruinent.
Voilà que commence un festival qui rassemble, en plein décembre, un public curieux dans un lieu hors du temps. Il faut être venu au cœur du Pays de Cocagne, dans ce village médiéval superbe, accroché à son piton rocheux qui domine la vallée de l’Agoût, la Montagne Noire et les Pyrénées. Il faut avoir partagé quelques mets goûteux, avoir caressé et ouvert quelques livres en buvant un thé ou une bière, avoir attendu que la scène s’anime au café Plùm. Il le faut.
Dès le milieu de l’après-midi la radio locale R’d’Autan (100.2 à Gaillac, 100.8 à Castres) s’est installée à la cave pour sa rencontre avec les musiciens en scène le soir même, diffusée sur ses antennes à 19h. On sait le goût affirmé de cette radio pour la Chanson avec René et Yves au micro et leurs rendez-vous à la pointe de l’actualité. Ils constituent une remarquable source d’informations sur cet art vivant, sans cesse en mouvement malgré le silence assourdissant des grands médias, très loin de ce maillage territorial.
Au soir, c’est avec des élèves du collège local joliment nommé Les Portanelles –Las Portanelas en occitan, les portes de l’ancien rempart- que s’ouvrent ces trois jours. Peut-on rêver meilleur symbole d’une action culturelle délibérément tournée vers l’avenir ? Le café Plùm en effet a accueilli chaque mercredi depuis la rentrée un petit groupe encadré par un professeur de français, Karine Lambolez, tombée sous le charme de l’un de nos artistes régionaux les plus créatifs : Corentin Grellier (groupe Camu). Un atelier d’écriture et de lecture chorale s’est mis en place avec Laé, Gabin, Victor, Matthieu, Romane, Selim et Marie. On entendra, avec Loïc au clavier, des chansons de leur composition où émergent leur regard émouvant sur la vie, la musique… « Même si je fume toute la musique, je ne mourrai pas d’un concert » affirment-ils … Consommons donc du concert sans modération. Et de la poésie aussi. Car ils nous offrent des vers d’Arthur Rimbaud, Ma Bohême, bien sûr, Roman, bien qu’ils n’aient même pas dix sept ans. Nous n’avons pas vérifié s’ils avaient des tilleuls verts sur la promenade mais nous les avons suivis dans ces vers amoureux, avec en prime quelques notes du violon de Selim : « L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose /Avec des coussins bleus. /Nous serons bien. /Un nid de baisers fous repose / Dans chaque coin moelleux… C’est avec Brassens, Les copains d’abord que s’achève cette mise en bouche poétique et musicale.
La programmation de ce premier jour a de quoi interroger, interpeller le spectateur venu au rendez-vous. Pas question de se réfugier dans ses habitudes, dans son confort. Le premier duo, celui de Facteurs Chevaux, dont le nom même prépare à l’étrangeté, dessine vocalement des paysages traversés de brume. Fermons les yeux et laissons-nous emporter dans un voyage onirique, aux confins des terres et des lacs où pourraient surgir Yvonne de Galais, François Seurel et le Grand Meaulnes…
Ensuite le duo des frères Bossone, Benjamin au clavier et Jérémie aux guitares, attendu par bon nombre de spectateurs fidèles dont nous sommes – confessons-le – ne peut pas laisser de marbre… On continue de s’interroger sur Jérémie Bossone, visiblement pressé d’en découdre avec la scène trop étroite pour ses enjambées, ses sauts mais plus encore pour ce qu’il a à dire même s’il continue de nous accueillir avec sa chanson paradoxale Rien à dire. On se laisse prendre à chaque fois à ses mots, à son interprétation de tragédien, à ses histoires d’homme en mal d’aimer, en mal de vivre. Pas étonnant qu’il lui arrive de chanter Barbara. Sa version de Göttingen ce soir était magistrale. Jérémie promet un nouveau spectacle, des nouvelles chansons… Les deux dernières entendues ce soir accompagnées de sa seule guitare acoustique, Playmobil qu’il dédie à Jacques Brel…et Benoît Doremus ! – et Cherokee Rose nous mettent en appétit… Mais il prophétise des lendemains plus rageurs, plus rock, plus électriques. Il piaffe d’impatience. Nous serons là pour écouter.
Cette première page du triptyque se referme. C’est autour du bar que tout s’échange et se partage alors. Spectateurs et musiciens, diffuseurs et chroniqueurs prolongent tard dans la nuit leurs émotions pour que vive la Chanson d’aujourd’hui et de demain.