Léopoldine HH– Prix Moustaki 2017 (© Vincent Muller)
16 février 2017 – Finale du 7e Prix Georges Moustaki
avec les finalistes : L’ Arthur – Bergame – Léopoldine HH – Maud Lübeck – Jeanne Rochette – Nicolas Séguy – Clio (hors concours pour cause de maternité)
Centre Universitaire Malhesherbes – Université Paris IV Sorbonne
« Ce Prix Georges Moustaki me fait honneur par la qualité des artistes qui ont présenté leur candidature et par sa vocation de récompenser un album autoproduit ; c’est-à-dire réalisé en toute liberté et en toute indépendance »
« Je suis en phase avec les deux jeunes gens qui s’en occupent. J’avais quelques réticences à m’embringuer là-dedans, mais ils sont terriblement sympathiques, et ils savent ce qu’ils font. Ce sont des gens que j’estime beaucoup. J’ai eu envie de les suivre. Je vois ce qu’ils font tout au long de l’année. On est dans la même cour » – Georges Moustaki (Platine – 2012)
Ce jeudi 16 février, l’amphithéâtre affiche complet pour accueillir le prix Moustaki, cher au tandem fondateur, Matthias Vincenot et Thierry Cadet dont les choix vestimentaires à eux seuls soulignent leur improbable duo. C’est là, sans aucun doute, dans cette différence, qu’ils puisent leur réussite. Disons-le tout net, c’est la veste soyeuse et chamarrée de Thierry, sa poche gauche, juste à la place du cœur, qui ce soir donne le message essentiel : « Love ! ». On le sait, il en faut de l’amour pour porter un tel projet ! On y ajoutera Amélie Dumas qui, au nom de Poésie et Chanson Sorbonne, association organisatrice, se dépense sans compter pour ce rendez-vous au nom prestigieux. Ce prix est en soi tout un symbole, dans cet espace dédié aux enseignements des langues, aux littératures et civilisations étrangères.
Regardez ce visage de Léopoldine HH. On aimerait dire cette « binette », cette « bouille », ce minois de jeune femme, presque une enfant. Ces nattes enroulées en diadème qui, dans notre imaginaire, signent une origine géographique… Quelque chose de Sissi ? Cette mimique, c’est une prénommée Léopoldine – romantique à souhait ! – même si les deux H majuscules qui suivent tempèrent le lyrisme. Voilà, c’est elle, Léopoldine HH, la nouvelle lauréate du Prix Moustaki. Un curieux rapprochement avec la blondeur et la jeunesse de la lauréate 2016, Eskelina, venue du froid. Mais le rapprochement ne s’arrête pas là puisque l’une et l’autre ne signent pas leurs textes de Chansons. Personne n’en a dit mot et pourtant ce n’est pas sans importance quand d’autres finalistes sont compositeurs ET auteurs. Comment faire un choix quand les différences de statut artistique sont aussi marquées ?
Il n’en demeure pas moins que le Jury professionnel, tout comme le public (dans la salle et sur le net) la désigne comme lauréate… Et c’est aussi vers elle et ses deux acolytes qu’est allée la récompense de Catalyse. C’est dire que la victoire est franche. Il ne sert sans doute pas à grand-chose de rappeler que Clio, jeune maman de deux jours, s’est trouvée hors concours, et non pas « disqualifiée », comme il a été annoncé assez maladroitement.
On ne peut pas rester indifférent à la dépense d’énergie en scène de Léopoldine HH, à sa capacité à aller d’un instrument à l’autre tout en faisant appel aux nouvelles technologies, à sa fantaisie, sa joie communicative en scène, à sa voix, à son ouverture vers d’autres langues, l’allemand, l’alsacien, « Les yeux au bord du Rhin ». Son album s’intitule « Blumen Im Topf » ce qui signifie en allemand : « Fleur en pot ». On aura facilité à gloser sur la métaphore car la jeune Léopoldine n’a rien d’une potiche, vous l’aurez compris. Liberté de ton, liberté d’expression en puisant dans les auteurs qu’elle aime, liberté de jeu musical… Un petit goût de bonheur sucré. Notre monde en friches, en tentation de désespérance et de repli a sans doute grand besoin de cette ouverture et de cette fraîcheur. D’ailleurs c’était le ton donné en ouverture par Alex Beaupain président du jury 2017. Tout ça n’est pas bien sérieux, vraiment pas sérieux, même si nos vies sont semées d’illusions dont on fait des chansons. Chantons et dansons, comme nous le disent aussi les hauts pyrénéens, parrains de cette édition, Boulevard des Airs.
C’est ainsi que l’on comprend ce choix. Sans pour autant oublier Clio dont la finesse d’écriture fait date dans ce monde de la chanson d’aujourd’hui. On n’oubliera pas non plus Jeanne Rochette, sa présence tout aussi aérienne, bien que moins débridée – moins spontanée ? – ses textes entre tendresse et humour, son goût du jazz. On n’oubliera pas Maud Lübeck dont la prestation seule en scène derrière son clavier électro avait quelque chose d’épuré en décalage avec la connivence avec le théâtre, affichée, revendiquée par plusieurs ce soir : Léopoldine HH, Jeanne Rochette, L’Arthur…
Évidemment cette prestation avec seulement deux chansons qui décideront du prix a quelque chose d’implacable et la moindre maladresse peut tourner à l’éviction. Fallait-il vraiment que Bergame remercie ses nombreux supporters dans la salle, fallait-il que Nicolas Séguy s’en vienne sans micro devant le public avec ces mots « Je vous aime, je vous aime plus que tout » ?
Bien entendu la tentation est grande de faire aussi de ce rendez-vous une tribune où peuvent s’échanger, s’exprimer les questions artistiques, culturelles et économiques qui parcourent inévitablement le monde de la Chanson. Ce soir là, on ne s’en est pas privé puisque un temps d’expression était accordé, à la faveur des changements de plateau, à quelques membres du jury au micro d’Yvan Cujious, animateur Sud Radio en la circonstance. On regrettera toutefois – malgré la qualité des intervenants– une tendance à faire resurgir ‑même de façon implicite- des clivages, comme s’il pouvait y avoir des « bons » et des « mauvais » dans ce domaine. On retiendra bien sûr le projet de Gilles Tcherniak, particulièrement affecté par la fermeture récente du Limonaire et la cessation d’activité du Centre de la Chanson. Il propose de réunir le 1er mars prochain les bonnes volontés disponibles à la Manufacture Chanson (Renseignements : pourlachanson@gmail.com). On appréciera particulièrement l’engagement de Catalyse (Suisse) qui soutient en monnaies sonnantes et trébuchantes un finaliste de son choix.
Posons des actes et cessons de nous lamenter, rappelait avec justesse Gilles Tcherniak l’an passé. Nous avouerons un léger agacement à voir sans cesse revenir la tentation du lamento quand tant et tant d’artistes émergent sur la scène Chanson, quand tant et tant parmi eux font appel avec succès au financement du public pour enregistrer leurs chansons, quand notre système français de l’intermittence – aussi imparfait soit-il – fait partout au monde des envieux… La suisse Bettina Vernet de Catalyse a tenté d’en dire quelques mots qui se sont perdus dans le flot des paroles. C’est dommage !
Jury de l’édition 2017
Alex BEAUPAIN (Président du jury)
BOULEVARD DES AIRS (parrain)
Thierry CADET (Horscene, Melody) et Matthias VINCENOT (Poésie et Chanson Sorbonne, Festival DécOUVRIR de Concèze), fondateurs et responsables du Prix.
Amélie DUMAS (Poésie et Chanson Sorbonne, coordinatrice)
Jean-Claude BARENS (Barjac m’en chante)
Laurent BALANDRAS (Balandras éditions)
Julie BIET (journaliste indépendante)
Stéphanie BERREBI (FrancoFans)
Bastien BRUN (Longueur d’Ondes)
Carole CHICHIN (Saison culturelle, Ville de Pantin)
Denis COLLINOT (Festi’Val de Marne)
Yvan CUJIOUS (Sud Radio)
Jean-Yves DANA (La Croix)
Patrice DEMAILLY (RFI, Libération)
David DESREUMAUX (Hexagone)
Thierry DUPIN (France Inter)
Patrick ENGEL (Discothèques de la Ville de Paris)
Patricia ESPANA (attachée de presse)
Patrick FERRIER (CFPTS de Bagnolet, CFA du spectacle vivant et de l’audiovisuel)
Caroline GUAINE (Mégaphone tour)
Annie-Claire HILGA (Francofans, Vinyl)
Cristine HUDIN (Edito musiques)
Dominique JANIN (Festival Grain de Sel, Castelsarrasin)
Roxane JOSEPH (Festival TaParole, La Menuiserie)
Michel KEMPER (Nos Enchanteurs)
Nathalie LACUBE (La Croix)
Charline LECARPENTIER (Libération)
Gilles MEDIONI (L’Express)
Marie-Catherine MARDI (RFI, Télérama Sortir)
Yann MIGOUBERT (Service Culturel de l’Université Paris-Sorbonne)
Marie-Ange MIRANDE (assistante de Georges MOUSTAKI, membre d’honneur)
Olivier MOREAU (Arcadi)
Didier PASCALIS (Tacet)
Julien PIRAUD (Pôle Culture, agence multimediaxe)
Frédéric POMMIER (France Inter)
Stéphane RIVA (ACP, La Manufacture Chanson)
Fabienne ROUX (Far Prod)
Patrick SCORNET (Le jardin culturel)
Patrick SIMONIN (TV5 Monde)
Juliette SOLAL (coach scénique et vocal à Le LaBO pour la Chanson et les Musiques Actuelles)
Gilles TCHERNIAK (Forum Léo Ferré)
Brigitte THOMAS (Le Mans Cité Chanson)
Jean-Michel TINET (Festival de la chanson française de Montluçon)
Bettina VERNET (Catalyse)
Daniel ZANZARA (La Passerelle 2)