5 juin 2016 – Laurent Viel et ses invités
avec, par ordre d’entrée en scène, Thierry Garcia (guitare), Laurent Viel, Xavier Lacouture (en léger différé !) Roland Romanelli, Baltazar, Romain Didier, Nicolas Carpentier (violoncelle), Pascal Mary, Jean Guidoni, Enzo Enzo, Angélo Zurzolo (piano)
Le Forum Léo Ferré (Ivry)
Le Forum Léo Ferré c’est un peu la maison de Laurent Viel. C’est tout naturellement qu’il y convie cet après-midi ceux de sa famille, de son clan, pour ce troisième volet de son triptyque. On mesure la chance immense que nous avons eue de l’avoir suivi trois soirs durant avec Barbara d’abord, puis avec le Chevalier d’Éon et enfin cet après-midi pour un rendez-vous rare. Un spectacle éphémère, entre évocation du passé et promesses pour demain, une fête qui ne se reproduira pas de sitôt.
Le premier à entrer en scène, c’est son complice – un frère assurément – Thierry Garcia qui lui fait d’abord une surprise. Il déroule un écran où apparaît le visage de Xavier Lacouture, absent pour cause de déplacement outre Atlantique. Et l’on a droit alors à une goguette réjouissante, sur l’air de Vesoul. Au milieu des rires de la salle, on l’entend faire la liste des multiples propositions de Laurent Viel et de son insatiable appétit de créer. Mais il l’avertit : « Il ne fera pas Sylvie ! » Clin d’œil affectueux à cet amour pour Sylvie Vartan né dans l’enfance et auquel Laurent Viel reste fidèle… par jeu, par tendresse pour cette attirance enfantine qui lui donna le goût de faire ce métier avant qu’une autre dame – brune celle-ci – ne s’emparât de lui… définitivement !
Le concert commence donc par deux chansons de Xavier Lacouture. Deux chansons anciennes, élégantes et percutantes aussi, pour dire les tumultes d’une vie intérieure où l’on retiendra cette douleur immense, la révolte contre une injustice sans aucune réparation possible : se sentir femme dans son enveloppe charnelle d’homme.
Honneur ensuite à celle qui lui est essentielle, Barbara, et à celui qui l’accompagna pendant vingt ans, Roland Romanelli. Au préalable, il a évoqué les circonstances de sa découverte. L’enfance encore ! La chanson qu’ils interprètent, À peine, décida de tout ou presque. Et l’on apprend que c’est aussi la première musique que Roland Romanelli a composée pour elle… Mais quand tout s’est achevé entre l’immense artiste et son accordéoniste, il en avait encore dans ses cartons, nous révèle Laurent. C’est l’origine de leur création en cours, consacrée aux chanteuses des décennies écoulées. La promesse d’un grand spectacle si l’on en juge par celle qu’ils nous offrent aujourd’hui, portrait de la Môme Piaf.
Voici qu’entre en scène un nom bien moins célèbre, Baltazar, ami, compagnon en écriture. Tous deux partagent une chanson avant que Baltazar seul ne chante la vie d’un p’tit vélo sympa qui force le destin, à coups de frein, de guidon… Juste assez pour avoir envie d’aller plus avant dans cet univers. Laurent Viel évoque aussi le temps du piano-bar où il travaillait jadis. Un lieu, une scène ouverte qui accueillait quantité de chanteurs. C’est ainsi qu’il découvre des chansons composées par Romain Didier qui vient maintenant s’installer au piano. Leur duo ponctué de ce « si vous saviez », cette fable de l’olivier et de l’épervier, la figure de la mère est un moment de grâce absolu.
Laurent accueille ensuite Nicolas Carpentier qui l’accompagne au violoncelle, avec Thierry Garcia à la guitare électrique, dans son spectacle sur le chevalier d’Éon dont nous avons déjà dit la force, la beauté, la pertinence. Les deux chansons choisies l’illustrent encore… Dira-t-on assez l’importance de ce spectacle ? Quand Pascal Mary ex-barman – chanteur lui aussi, mais surtout son ami, s’en vient, il offre avec Laurent fantaisie et profondeur. Sa chanson d’adieu à la mère est bouleversante : « Comme tes yeux sont des étoiles, dans les cieux tu seras pas plus mal ».
Arrive Jean Guidoni, sa truculence, sa voix reconnaissable entre toutes, sa joie de se mouvoir en scène… Un moment franchement jubilatoire quand ils chantent (et dansent !) ensemble… Sylvie Vartan !
C’est Enzo Enzo qui s’en vient refermer le cercle de cette famille en or. Présence féminine (Enfin ! Osera-t-on dire) « une sœur » ô combien délicate, sensuelle et tendre, accompagnée au piano par Angélo Zurzolo. Laurent révèle leur projet en cours (création à Vesoul le 15 septembre) des chansons sur le thème de la famille… Justement ! Ils en interprètent deux pour la première fois en public. C’est l’occasion pour nous de savourer la teneur de ces nouvelles chansons – texte de Pascal Mathieu et musique de Romain Didier. On ne résiste pas au charme du duo Laurent Viel – Enzo Enzo, frangin, frangine en-chanteurs.
Au terme de deux heures d’un spectacle magnifique dans sa variété et sa qualité, Laurent Viel prend congé de nous. Avec son élégance, son sourire, sa générosité, son talent d’acteur, sa voix qui allie puissance et délicatesse. Avec l’incontournable complice, Thierry Garcia à la guitare électrique. C’est un clin d’œil à ses deux amours : Sylvie et ses 2 minutes 35 de bonheur et Barbara avec sa Gueule de nuit. La blonde et ses paillettes, la brune, ombre et lumière mêlées, comme deux pôles d’un même monde où Laurent Viel promène son insatiable désir de chanter.
Ainsi se referme cet album entre hier et demain. L’album de sa vie d’homme chantant dont on a découvert le chemin artistique, riche, exigeant et sensible.
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