B. comme Fontaine, un quartet vertigineux (© Hervé Suhubiette)

Julie Lagar­rigueAmours Sor­cières– 2020 (©Rol­bac /​Elle’mostikart)

30 décembre 2019, en écho au nou­vel l’album de Julie Lagar­rigue, enre­gis­tré en live dans le jar­din de la sor­cière à Ven­days – sor­tie offi­cielle le 21 février 2020

Amours sor­cières

Avec

Julie Lagar­rigue  (textes, musiques, chant, pia­no, gui­tare, per­cus­sions) Antho­ny Mar­tin (gui­tares, per­cus­sions, chœurs) Ziad Ben Yous­sef (Oud, per­cus­sions, chœurs) Fré­dé­ric Vil­lé­ga (contre­basse) et les chœurs de Emma­nuel Com­menges, Marine Cou­goul, Aline Videau, Cécile Arné, Fré­dé­ric Serrano


Aver­tis­se­ment : Ce texte ne sau­rait pas­ser pour une chro­nique. C’est une pure fic­tion où se trouvent insé­rés en carac­tères gras les titres de l’album.

  1. Le vent du sud 2. Le beau de la forêt 3. Le jar­din de la sor­cière 4. Dis-le moi 5. Je parle comme je pense 6. Mon mec est un scien­ti­fique 7. Par­lons oiseau 8. La vie des bon­bons 9. Les bottes 10. Dou­ce­ment 11. Le jar­din manque d’eau. 12. Le Beau de la forêt (ver­sion solo) 13. Qu’est ce qui m’arrive ?

Par­lons oiseau

Elle se répé­tait sou­vent cette injonc­tion « Par­lons oiseau ». C’est en ces deux mots pré­cis que jadis sa mère lui avait trans­mis l’espérance. Elle avait ain­si plan­té de pré­cieuses petites graines dans sa tête d’enfant tur­bu­lente. C’est vrai qu’elle avait été butée, entê­tée, peu encline à l’obéissance et au repos. Alors, quand elle dépas­sait vrai­ment les bornes, sa mère l’attirait à elle, l’obligeait à s’assoir pour lui glis­ser à l’oreille : « Par­lons oiseau, tu veux bien ? »… Et ce moment là s’achevait tou­jours par un sen­sible et vrai « Je t’aime » qu’elles s’échangeaient.

Tout alors parais­sait s’arrondir. Dou­ce­ment, la main posée sur sa main don­nait de nou­veaux contours, de nou­velles cou­leurs au monde. Sur­tout le jar­din, ce minus­cule bout de terre qu’elle avait bap­ti­sé le jar­din de la sor­cière dès qu’elle avait com­pris qu’elle pour­rait tout y inven­ter, tout y trans­for­mer. En moins de temps qu’il ne lui fal­lait pour répondre à la tendre sol­li­ci­ta­tion « Dis le moi », elle met­tait fin à la vie de bon­bons que les grands lui des­si­naient. Elle s’arrachait vite à la cha­leur mater­nelle, au nid de plumes et de duvet. Elle s’échappait en criant : « Le jar­din manque d’eau ! ». Sou­vent, c’est vrai le vent du sud des­sé­chait tout, don­nait des airs de désert au jar­din. Mais elle aimait ça. Elle croyait y devi­ner le son de l’oud ances­tral, des chants psal­mo­diés, enfouis dans sa mémoire. Elle délais­sait alors les bottes pour sen­tir la terre sous ses pieds nus.

Un jour, elle ren­con­tre­rait celui qu’elle nom­me­rait « le beau de la forêt », celui qui pré­ci­sé­ment ne sau­rait jamais par­ler oiseau, parce que son cœur est un tam­bour sur lequel on ne tape pas. Elle aurait beau lui expli­quer « c’est simple, je parle comme je pense »… Rien n’y ferait, pas même ce pré­texte dont elle use­rait sou­vent « Mon mec est un scien­ti­fique ». Non, déci­dé­ment, irait-elle se disant : Qu’est ce qui m’arrive ? C’est pour­tant simple : j’voudrais par­ler oiseau… Pour un moment sen­tir le vent…