On rouvre ! Café Plùm, Lautrec 2021 (©café Plùm)

On rouvre ! Café Plùm, Lau­trec 2021 (© Café Plùm)

28 mai 2021 – Scènes vivantes, enfin…

Retour des concerts en quelques petits lieux à par­tir du 19 mai

Avec

Le Relais de Poche avec Les Ter­rasses en Chan­téesFesti’Scrib avec Zédrine – Le Café Plùm avec Jérôme Pinel (texte/​voix), Char­lotte Cou­leau (clavier/​chœurs) et Raphaël Moraine (guitare/​basse/​batterie à pied) – Le Bijou avec le duo Luna­cel­lo, Eugé­nie Ursh (vio­lon­celle) & Min­go Jos­se­rand (pia­no)


Ver­niolle, Banat (Ariège) – Lau­trec (Tarn) – Le Bijou (Tou­louse)

On rouvre ! Enfin… Sau­ra-t-on dire un jour ce que fut ce temps, unique dans l’Histoire, où nous avons été pri­vés des offres cultu­relles (musées, ciné­mas, théâtres, salles de concert, de danse…) ? Avons-nous trou­vé com­pen­sa­tion dans l’offre numé­rique ? Il est à pré­voir que le débat ne ces­se­ra pas de sitôt. Lais­sons-le momen­ta­né­ment, juste pour savou­rer le retour dans ces petits lieux qui font notre ordi­naire. Ces moments, ces espaces où la proxi­mi­té, la sim­pli­ci­té aus­si comblent notre soif d’échanges, de par­tages, de ren­contres et de décou­vertes jamais rassasiée.

Com­men­çons par saluer le dyna­misme, l’inventivité, la réac­ti­vi­té de ceux qui les font vivre, jamais avares de trou­vailles dès qu’il s’a­git de satis­faire le public, même avec des res­tric­tions drastiques.

Celui par lequel nous avons com­men­cé en est un exemple savou­reux. Le 20 mai, tout juste au len­de­main de la date d’ouverture, nous allions retrou­ver le débon­naire, mais non moins mili­tant du livre, du théâtre, de la Chan­son… et de la cui­sine ! Domi­nique Mour­lane dans son Relais de Poche en Ariège, aux portes de Foix. En moins de temps qu’il est néces­saire pour le dire, il avait concoc­té de nou­veaux ren­dez-vous bap­ti­sés Les Ter­rasses Enchan­tées. Dans le jar­din de la mai­rie (rap­pe­lons que jusqu’au 8 juin, il ne peut le faire dans ses locaux) quelques tables sont dres­sées pour y dégus­ter ses tar­tines, soupes, salades, tartes salées du jour. Pour le reste lais­sons-lui la parole : « Comme la mai­son ne recule devant aucun sacri­fice, vous serez accom­pa­gnés durant votre repas d’un magni­fique moment musi­cal, tous les jours un artiste nou­veau … pour que la musique reprenne ses droits. » Le jour de notre pas­sage, nous avons enten­du contes et chan­sons de Mara de Pata­go­nie accom­pa­gnée à la gui­tare… autre­ment dit un peu de l’Argentine, venu jusqu’à nous… Le len­de­main, c’était au tour de Char­lyne Cazès ‑régis­seuse tech­nique du Bijou – qui se cache à peine sous le nom de scène d’Halyn­ka. On vous le dit, à Tou­louse et tout autour, la Chan­son est une famille !

Le 22 mai nous étions en Haute-Ariège, dans le Sabar­tès exac­te­ment, au pied des Pyré­nées, dans le petit vil­lage de Banat où l’association La Voix du Scribe s’amuse à situer son « Zénith »… Ici, le Festi’Scrib, deux fois l’an, s’efforce de rendre hom­mage aux mots, qu’ils soient lus, dits, écrits, chan­tés… Il fai­sait froid, avouons-le, mais nous étions un petit groupe à croire en la cha­leur de l’amitié autour d’une scène amé­na­gée en exté­rieur, bien déci­dé à pro­fi­ter du concert du sla­meur Zédrine. C’est avec un poème de Louis Ara­gon récla­mant dans notre monde la place de la poé­sie qu’il nous accueille et c’est ain­si qu’il mêle­ra textes d’auteurs (Lamar­tine, Anto­nin Artaud, Léo­nard Cohen, Eluard, Mus­set…) à son propre réper­toire, fait de textes amples, lyriques, por­teurs de ques­tions essen­tielles… On aime déci­dé­ment ce va-et-vient entre notre patri­moine poé­tique et sa créa­tion et l’on avoue­ra avoir encore sen­ti venir les larmes quand il met en musique Nuit de Décembre d’Alfred de Mus­set, « Par­tout un mal­heu­reux vêtu de noir qui me res­sem­blait comme un frère… »

Le len­de­main, nous chan­gions de direc­tion pour retrou­ver le Café Plùm, éga­le­ment librai­rie et salle de spec­tacle. Le soleil était de retour et la ter­rasse au plein cœur de l’après-midi était pleine. Le vil­lage per­ché de Lau­trec dans le Tarn avait atti­ré son lot de tou­ristes ama­teurs de vieilles pierres, de nature et d’Histoire. Nous venions écou­ter Jérôme Pinel que nous sui­vons depuis ses tout débuts, avec sa nou­velle for­ma­tion, dans son nou­veau réper­toire… Sla­meur lui aus­si, tout comme Zédrine, brillant inter­prète d’un solo de théâtre où il excelle à chan­ger de per­son­nages (Les mono­logues d’un code-barres) et à pro­vo­quer des émo­tions fortes, cette fois il s’adonne aus­si à la chan­son. Le voi­ci élé­gam­ment vêtu, che­mise blanche, veste de cos­tume, entou­ré d’une jeune pia­niste et chan­teuse, Char­lotte Cou­leau qui se révèle excep­tion­nelle dans les chœurs, et d’un gui­ta­riste, bat­teur, bas­siste, Raphaël Moraine. S’il campe sou­vent le per­dant, le pau­mé, le mal­adroit « Je ne suis qu’un pauvre type, dans la file des voi­tures qui pilent », il tombe volon­tiers la veste pour don­ner au public une envie de dan­ser, de fre­don­ner, sur un reg­gae ou un blues… Il s’en vient en bord de scène le sol­li­ci­ter, lui offrir sa bon­hom­mie, l’inviter à rêver « Quand on n’a pas la mer on se l’invente… Nous sommes argo­nautes du jour qui arrive », à savou­rer plei­ne­ment l’instant qui passe… « Rien n’est plus sérieux que nous, là… » Nous avons savou­ré plei­ne­ment ce moment, ce retour dans ce lieu… Et il ne fau­dra sur­tout pas man­quer de revoir ce nou­veau Jérôme Pinel !

Enfin, quelques jours plus tard, hier exac­te­ment, nous avons été au Bijou. Nous ne pou­vions man­quer d’aller saluer ce lieu, cette équipe aux­quels nous devons tant. Le lieu, réduit bien enten­du dans sa jauge, affi­chait « com­plet » pour le duo Luna­cel­lo, Eugé­nie Ursh au vio­lon­celle et Min­go Jos­se­rand au piano.

Disons-le, c’est un voyage immo­bile et sans fron­tières… Notons le salut final et hau­te­ment sym­bo­lique, aux Roms, peuple voya­geur, peuple nomade, avec Sao Roma. Il suf­fit de fer­mer les yeux quand Obli­vion d’Astor Piaz­zo­la s’élève en ouver­ture… De mor­ceau en mor­ceau, avec la voix d’Eugénie capable du mur­mure de la poé­sie, comme du chant tra­di­tion­nel, kabyle, rou­main, bul­gare, turc, cubain… Tout comme Zédrine, elle salue notre patri­moine poé­tique avec un goût pro­non­cé pour le sym­bo­lisme de Sté­phane Mal­lar­mé, ou Mau­rice Mae­ter­linck. On ne sau­rait trop remer­cier ces artistes qui conti­nuent de tra­vailler pour nous trans­mettre en scène leur amour de la poé­sie, de la musique et du chant. Quand il nous est ain­si don­né, avec chaque inflexion de la voix, avec des yeux qui se ferment, les nôtres, ceux d’Eugénie, pour mieux recueillir nos mou­ve­ments inté­rieurs, avec des sou­rires qui s’échangent en scène, en salle (oui, oui, mal­gré le masque !), avec des ins­tru­ments dont on sai­sit chaque nuance, on savoure son pri­vi­lège immense et on en demande encore…

Pour tous ceux qui en ont été pri­vés hier, ce sera pos­sible les 16 et 17 sep­tembre, en début de sai­son au Bijou.