Nicolas Jules, Clarika – Barjac 2021 (©Luc Allegier)
2 & 3 août, Jours 3 & 4 Barjac m’en Chante 2021
Journal de bord
Avec
Céline Caussimon « Où est passé l’homme à la moto ? », Pierre Antoine « chanson pour mieux », Lhomé, Nicolas Jules en solo, Clarika, Céline Faucher « Une journée en fabulettes », Au café du Canal (manqué) Clotilde Moulin, Pandore, Yoanna, 2ème sexe, Govrache (annulé)
Espace Jean Ferrat – Chapiteau du Pradet – Cour haute de l’école – Salle Trintignant – Bibliothèque – Jardin des papotages
Barjac (Gard)
En guise de préambule : Ces lignes ont été écrites et publiées sur ma page personnelle du réseau FaceBook au fil des heures et des jours. Au départ je n’imaginais pas qu’elles seraient plébiscitées par les lecteurs, surtout par ceux qui ne se trouvaient pas à Barjac. Ainsi encouragée, au retour, je leur donne un destin moins fugace en publiant ici mon journal de bord du Festival Barjac m’en Chante 2021, avec parfois quelques ajouts.
J3
C’est au matin du quatrième jour que je vous écris… Réveil brumeux, je vous avoue…
Couchée tard – jamais avant deux heures pour peu que je veuille jeter un œil à la scène ouverte animée par la Manufacture Chanson au chapiteau – tracassée aussi par les réactions suscitées par les concerts d’hier… Les barrières, les clivages, les « C’est pas ça Barjac », les » Suis pas venu pour ça » sont réapparus… J’avais espéré que c’en serait fini de ces jugements à l’emporte pièce… Bon sang, la Chanson ne s’arrêtera pas, elle continuera son cours, quoi qu’on en dise ou pense… Elle se nourrira de tous les courants qu’elle traverse et si l’on veut que son public ne s’éteigne pas, que le festival de Barjac perdure au-delà de nos petites vies, il faut ouvrir grand son cœur et ses oreilles… Voilà, c’est dit !
11 h : La journée commence avec Céline Caussimon dans la cour de l’école… Cette fois le public est là… Je veux parler des enfants… La jauge est pleine ! Ouf !
Céline la comédienne nous emmène dans son enquête policière à la recherche de l’homme à la moto… Céline la chanteuse émaille son récit de chansons du patrimoine … (Tiens, certaines ne trouveraient pas grâce aux yeux de quelques uns aujourd’hui … trop « variétoches » pardi !) Et moi je chante avec elle, parce que ça, c’est furieusement bon… « Aux… Champs Elysées, padam, padam… Aux… Champs Elysées… Z’avez pas vu Mirza ?… Je n’reconnais plus personne en Harley Davidson… Allo, maman bobo… » Bref, suis contente et je me dis que les petitous, eux, entendaient peut-être certaines chansons pour la première fois…
En sortant suis interpelée par deux jeunes femmes, une jeune chanteuse – de celles qui espèrent bien se glisser dans la scène ouverte – et une qui œuvre au développement des artistes… Je propose de continuer notre conversation autour d’un repas dont on partagera les plats en les faisant tourner entre nous trois. Pareil pour les desserts ! Et c’est furieusement bon ! Quel joli moment où le monde de la chanson illumine nos conversations… Sûr, on ne se perdra pas de vue…
Hop, maintenant une petite sieste, non sans être allée auparavant, avec mes nouvelles amies, écouter à 14 h les deux chansons de l’ami Eric Guilleton… Gagné !! Un petit public est là dans la salle d’expo /billetterie du festival.
17 h : Au chapiteau, c’est d’abord le trublion Pierre Antoine… On le sent aux anges, son piano valse, il dit et montre sa joie d’avoir atteint le Saint Graal (pardon !) une scène à Barjac ! … Bon, il en fait un peu trop, massacre au passage la mélodie des Gens qui doutent de cette chère Anne qui enrageait que l’on reprenne toujours cette chanson… mais nous offre une belle reprise de Bernard Dimey (Si tu me payes un verre). Dans sa joie presqu’enfantine il oublie les politesses de rigueur : remercier le festival ! Dehors on l’attend déjà pour des dédicaces ! Il jubile et il a bien raison, ma foi. Au retour il écrira ce bel hommage au festival : « Il y a encore une partie de moi là-bas / Elle se balade en sourire et renifle les chansons /Toujours comme le môme maladroit /qui pose les coudes à l’avant-scène /Les yeux ronds, le cœur plein. »
18h30 : A sa suite, un chapiteau un peu moins rempli pour Lhomé… Du rap à Barjac. Certains, d’emblée, ont fui. Ils ont eu tort (relire ce que je dis plus haut) car outre que l’artiste a une belle plume généreuse – il n’est quasiment question que d’amour ! – il parvient à faire lever, gesticuler le public sous ses consignes. Moi, dans ces cas là, je ne me prive pas… Je n’ai plus d’âge ! Je peux vous dire que beaucoup d’autres ont fait comme moi !! N’insistez pas, je ne donnerai pas les noms !
21h30 : Dans la cour du château, c’est d’abord Nicolas Jules en solo… Comme à l’accoutumée il gagne les faveurs du public par son style inimitable. Qui n’a pas vu ses tentatives de chorégraphies n’a rien vu… Je ris, beaucoup… Son humour fait mouche. Moi, j’avoue, je n’y résiste pas mais il ne faudrait surtout pas s’y tromper car sous le masque du rire les mots trahissent des fêlures, quand le « cœur tourne dans la bétonneuse ». Merci à toi Nicolas de m’avoir accordé le privilège de choisir l’un de tes nouveaux titres : « Ta colère »… Et merci pour la citation en scène qui m’a fait rougir… Personne n’a vu dans le noir…
Puis est venue Clarika… avec sa formation superbe (violoncelle, clarinette, guitare, basse, clavier, batterie) elle s’est lancées à la conquête du public de Barjac… Disons tout net que j’ai souffert de ne pas pouvoir danser devant ma chaise (après la citation de Nicolas, je n’allais tout de même pas me lever ! Vraiment « too mutch » la Claude Juliette !). Les applaudissements étaient, disons, feutrés… Elle s’est donnée pourtant à 200%, y a laissé sa voix (j’avais mal pour elle) a pleuré un amour mis à mort par « l’usure, l’eau et le vent »… J’ai pensé très fort au regretté directeur de l’Olympia, Jean-Michel Boris, qui l’aimait tant… Bref, Clarika a divisé Barjac… Notons que personne n’a quitté les gradins ! Ouf ! C’est déjà ça…
Il est vrai qu’elle s’était montrée maladroite dans ses mots, dès le début du concert, en nous parlant du public de Barjac à la réputation d’« intégriste »… C’est un mot qui continue de coller à ce festival malgré l’admirable travail d’ouverture accompli ces dernières années. Une chanteuse que je ne nommerai pas – absente de Barjac- a même qualifié la programmation de cette année de « décadente »…
Allez, suis en retard, je me sauve… Un nouveau jour… Le quatrième déjà !
Jour 4
A quelques minutes du jour 5, me voici devant mon ordinateur à l’heure où je devrais être encore dans la cour du château… Pas de scène ouverte ce soir. Vous allez comprendre.
Commençons donc par la mauvaise nouvelle : nous n’avons pas vu Govrache ! La pluie en a décidé ainsi… Peu avant 21 h30 tout le public des gradins de l’Espace Jean Ferrat déménageait pour le chapiteau en même temps que Yoanna, son accordéon et quelques percussions pour Mathieu Goust, son compagnon… Tous deux nous ont improvisé des versions totalement inédites de leurs chansons. Leur connivence est belle à voir. Le public les a applaudis chaleureusement pour cette simplicité et ce moment inattendu et courageux ! Mais puisque je vous écris de chez moi « en toute subjectivité » – cela va de soi – j’avouerai avoir été davantage touchée par leur interprétation que par les chansons… Quelle énergie cette Yoanna ! Son accordéon entre carrément en transe !
Quant à Govrache quel dommage de ne pas l’avoir seulement aperçu, de ne pas l’avoir entendu expliquer au public son choix, voire offrir l’un de ses slams qui nous émeuvent tant, lui qui a su si bien le faire à Albi en 2018 au point de remporter le Prix Magyd Cherfi, celui du jury et celui du public, seul derrière son micro ! Depuis il s’est excusé sur les réseaux sociaux.
Bref, nous sommes bien tristes ce soir… Il l’était tout autant, sonné par ce contretemps.
11 h : La journée avait pourtant bien commencé avec Céline Faucher, son délicieux accent québécois, et les Fabulettes d’Anne Sylvestre. De quoi admirer encore le talent de cette chère disparue qui a tricoté de si belles chansons pour faire grandir les enfants. Allez, je veux bien seulement me souvenir de ces mots : « Mais non, on n’a pas toujours raison, regardons par la fenêtre ce que les autres font… » ou bien « Café au lait, tous les enfants sont faits de lait avec plus ou moins de café… »
L’après-midi j’ai commencé par un rendez-vous raté : trompée par le programme qui annonçait 15 h 30 au lieu de 15 h je n’ai pas vu « Au café du canal » autour du répertoire de l’ami Pierrot … Perret bien sûr.
17 h : Sous le chapiteau, j’ai admiré d’abord la belle Clotilde Moulin dans sa superbe robe rouge à vous donner les yeux du loup de Tex Avery … Il est vrai qu’elle est sacrément douée pour mettre le public dans sa poche, et donc pas seulement chanteuse, musicienne (harpiste d’abord mais capable aussi de se mettre au piano, à la guitare) mais aussi comédienne. Une artiste accomplie qui ne va pas par quatre chemins pour exprimer ses convictions. Ses propos sur l’émergence qui dure, qui dure… ne manquaient vraiment pas de sel et de pertinence ! Je me suis régalée, vous l’avez compris.
J’avoue ne pas avoir eu le même engouement pour la deuxième « découverte », Pandore, malgré une belle relecture de « La mémoire et la mer » de Léo Ferré. Pour commencer j’avais dû changer de place pour échapper aux projecteurs qui m’aveuglaient au premier rang. Ensuite suis restée sur la rive, refusant sans doute de me laisser emporter, submerger par un courant d’une noirceur absolue, par ce nihilisme. Pas la moindre lueur d’espérance à l’horizon… Une posture très romantique au fond, j’en conviens. Que seraient aujourd’hui ceux que l’on a qualifiés de Poètes maudits à la fin du XIXème siècle ?
Mais que voulez-vous, j’ai besoin de lumière et je le revendique dans ces temps difficiles que nous vivons.
Demain, on annonce la pluie. Pour la troisième fois !
Et c’est à mon tour de trembler à l’idée de vivre un bout de scène barjacoise, à 14 h à la bibliothèque qui est bien jolie sous ses vénérables voutes de pierres… Il y aura des gens que j’aime et que je ne veux pas les décevoir…
Je vous raconterai bien sûr…